Par Ibrahima Diébakhaté Kédougou, 6 nov (APS) – Des femmes venues de la sous-région sont souvent victimes d’exploitation sexuelle sur les sites d’orpaillage traditionnel de Kédougou, dans le sud-est du Sénégal, subissant des sévices qu’elles supportent dans l’omerta la plus totale. Les grands sites aurifères de cette région sont devenus prospères grâce à l’orpaillage traditionnel. Une richesse qui a créé un appel d’air avec l’arrivée de ressortissants de la sous-région. Parmi les personnes attirées par les miroitements du métal jaune, figurent beaucoup de jeunes filles et de femmes. Présentées comme des ressortissantes nigérianes, elles sont venues avec l’espoir d’y trouver un emploi rémunéré, synonyme de meilleures conditions de vie. Ces ressortissantes nigérianes sont les plus grandes victimes de cette traite d’êtres humains dans la région de Kédougou, qui compte plus de 200 sites d’orpaillage clandestins. Ces lieux grouillent de monde sur fond d’un véritable trafic de personnes, orchestré par un réseau très organisé. Ce réseau est décrit comme étant formé de bandes criminelles organisées depuis le Nigeria avec des ramifications dans chaque zone ou lieu de transit, jusqu’à à la destination finale. ‘’Il y a des gens qui recrutent et qui sont établis au Nigeria et un comité d’accueil basé dans les frontières de Moussala Mahamine, dans la région de Kédougou’’, explique Kossoro Cissokho. Ce dernier est un responsable du comité de vigilance communautaire (CVC) de lutte contre la traite des personnes dans les sites d’orpaillage de Khossanto, dans le département de Saraya. Les ressortissantes nigérianes ont quitté leur pays avec l’espoir d’aller en Espagne ou ailleurs en Europe pour travailler dans les restaurants ou les salons de coiffures. Mais, les sites d’orpaillage clandestins de Kédougou se sont imposés comme une destination pour elles. ‘’Toutes ces filles et femmes, attirées dans les zones aurifères de la région de Kédougou, ne se doutent pas que leurs rêves se transformeront en cauchemar une fois qu’elles sont sur place’’, explique Aliou Bakhoum, coordonnateur de l’antenne de l’ONG ‘’La Lumière’’ à Kédougou. ‘’Chaque année, des milliers de femmes nigérianes reçoivent de fausses promesses. La plupart du temps, elles sont flouées : on leur promet un emploi rémunéré comme serveuse ou coiffeuse. Puis, elles tombent dans l’exploitation sexuelle à cause d’un réseau de trafic et de traite des personnes entre le Nigeria le Sénégal via le Mali’’, précise M. Bakhoum. Liberté confisquée et grosses sommes d’argent à rembourser Avec des ramifications dans ces différents pays, les réseaux criminels parviennent toujours à convaincre de nombreuses filles nigérianes, candidates à l’émigration irrégulière, de les rejoindre avant de se retrouver dans cette situation, confie une source sécuritaire. Tout cela montre l’importante qu’a pris ce business dans les zones minières clandestines où l’exploitation sexuelle fait des ravages. Les réseaux de trafic des femmes nigérianes sont présents à tous les stades de la traite : lors du recrutement dans le pays, du passage d’une frontière à une autre et de l’arrivée à la destination finale, explique l’Organisation internationale des migrations (OIM). Un nombre incalculable de jeunes filles et de femmes nigérianes sont victimes de ces pratiques à travers l’Afrique de l’Ouest. Et les promesses faites aux victimes au départ se terminent trop souvent par une confiscation de liberté, avec à la clef des grosses sommes d’argent à rembourser. ‘’La femme qui m’a emmenée du Nigeria ne m’a pas conduite directement au Sénégal. Quand je suis arrivée à Cotonou [Bénin], elle m’a vendue à quelqu’un d’autre. C’est cette personne qui m’a emmenée au Sénégal, et je travaille pour elle. Pour retrouver ma liberté, je devrais lui rembourser 1 500 000 francs CFA’’, raconte Chidinna alias Kolia (nom d’emprunt), 25 ans, rencontrée dans le département de Saraya. Recrutement Le directeur général de l’ONG ‘’Free the Slaves Afrique de l’Ouest’’, Issa Saka, explique que les trafiquants se sont concentrés sur des zones rurales du Nigeria, où ils enlèvent des femmes et des filles. Celles-ci viennent de familles dont les membres ont difficilement accès à l’information et peuvent être facilement influencés par des rites religieux. ‘’Les trafiquants sont très souvent originaires des villages du Nigeria et ces filles et femmes exploitées ont souvent un ami, un membre de la famille ou bien une ancienne connaissance, devenus eux-mêmes des trafiquants ; ce qui fait que les victimes leur font confiance à cause de cette proximité’’, a-t-il dit. Selon une source sécuritaire, les réseaux nigérians opérant à Kédougou se sont implantés définitivement dans les sites d’orpaillage à partir de 2003. Nancy, une femme de 29 ans rencontrée sur le site d’orpaillage clandestin de Bantaco, dans le département de Kédougou, raconte : ‘’La plupart des victimes nigérianes amenées au Sénégal viennent de Djidian (Mali)’’. ‘’Elles sont logées là-bas, et si vous avez besoin de leurs services, vous allez là-bas pour acheter des filles. C’est comme ça que le trafic se fait. Tout le monde ne se rend pas au Nigeria pour chercher les filles. Elles sont déjà à Djidian. Par exemple, si j’ai de l’argent, je peux aller au Nigeria pour acheter des filles et les emmener à Djidian’’, explique-t-elle. Ainsi, les trafiquants réalisent des profits importants sur chaque femme victime de traite vers Djidian. Selon Nancy, chaque femme peut coûter ‘’entre 400 000 et 500 000 francs CFA et un réseau peut compter jusqu’à 20 femmes à la fois’’. ”La fille travaillera pour l’acheteur jusqu’à ce qu’elle rembourse son argent. Maintenant, vous pouvez acheter une fille à 500 000 francs CFA et demander à être remboursé à 1 500 000 F CFA. Cet argent, c’est l’acheteur qui fixe le montant qu’il veut, c’est comme ça que ça se passe’’, soutient-elle. ID/ASB/OID/ASG
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