Ziguinchor, 8 déc (APS) – Ibrahima Gassama, le directeur de la radio locale Zig FM, a une parfaite maîtrise de la crise casamançaise au point d’en être aujourd’hui l’un des experts les plus réputés.Et il est même devenu un maillon clé du programme ‘’Education à la paix’’, grâce à la crédibilité et à la confiance dont il bénéficie auprès des acteurs et des organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile.Ce n’est donc pas un hasard si la Fondation Konrad Adenauer (FKA) a porté son choix sur lui pour sa série de rencontres dénommée ‘’Profil citoyen’’, dont la dernière session s’est tenue ce mercredi.Célibataire sans enfants, Ibrahima Gassama, né de parents d’origine malienne établis en Casamance, a vu le jour dans cette région sud du Sénégal, le 23 mars 1964. Et comme un signe du destin, la radio Zig FM a été officiellement lancée le 23 mars 2009.Ibrahima Gassama a fait une partie de ses études primaires à l’école Peyrissac (Kabada) de Ziguinchor. Plus tard, il rejoint son grand-frère, Halifousseyni Gassama, à Birkama, dans la région de Sédhiou. Il y obtint son entrée en sixième et son certificat d’études primaires élémentaires (CEPE), l’équivalent aujourd’hui du CFEE.Il quitte alors la région méridionale pour Saint-Louis, dans le Nord du pays où servait à l’époque son grand frère, Alassane Gassama, jumeau de Halifousseyni, professeur de lettres classiques au lycée Charles de Gaulle.Dans la capitale de l’ancienne région du Fleuve (Saint-Louis), il fait la connaissance de nombreux jeunes originaires de la Casamance comme Seydou Sané, l’actuel président du Casa Sports, avec lequel il dit avoir traversé le désert et supporté le froid saint-louisien.Après son baccalauréat, il est orienté au département de lettres modernes de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), mais c’est la passion du journalisme qui finira par l’emporter sur l’enseignant qu’il était devenu par la suite.Un passionné de journalismeIl fait ses débuts à la chaîne 4 de radio Sénégal, à Ziguinchor, en participant à des émissions pour enfants animées par l’abbé Diamacoune Senghor, alias ‘’Papa Kulempi’’, le vieux barbu en diola. Lors de ses nombreux passages dans les locaux de cette station régionale, la seule qui émettait à l’époque dans cette région méridionale, il côtoie les défunts journalistes Balla Basse Diallo et Ibrahima Soly Mandiang. Ce sont eux qui l’inspireront plus tard.Ibrahima Gassama démissionne alors de l’enseignement pour embrasser le métier de journaliste, après sa formation à l’ISSIC, l’Institut des sciences de l’information et de la communication du groupe Sud Communication (privé).Après plusieurs mois de stage et d’apprentissage à Sud FM, à Dakar, Gassama est envoyé à Ziguinchor comme correspondant de la première radio privée du Sénégal lancée en 1994. Il débarque dans la capitale du Sud, dans un contexte marqué par des attaques et des affrontements entre l’armée sénégalaise et les combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Ces derniers revendiquent l’indépendance de cette région méridionale.Au risque de sa vie, il se rendait sur le terrain, parfois sous les balles et malgré les risques liés à la présence de mines antipersonnel.En 1996, le groupe Sud ouvre une station régionale à Ziguinchor et nomme le journaliste Mamadou Moussa Bâ pour en assurer la direction. La radio est d’abord installée au quartier Boudody, au bord du fleuve Casamance. Mais, pour des raisons de sécurité, la direction générale la fait délocaliser au quartier Escale.Cette même année, Gassama commence à animer l’émission ‘’Espace paix’’ avec des partenaires du programme SUD (solidarité, urgence, développement) du CONGAD, le Conseil des organisations non gouvernementales d’appui au développement. Il y aborde toutes les questions liées au conflit en Casamance en donnant la parole à tous les acteurs impliqués.‘’Le sujet était tabou et beaucoup de personnes avaient peur d’en parler, surtout à la radio’’, se souvient le journaliste que cette situation n’a guère découragé.Ibrahima Gassama gagne en expérience à force d’aller sur le terrain, confronté qu’il était à la réalité avec les affrontements entre le MFDC et l’Armée sénégalaise.Il bénéficie d’un voyage d’imprégnation aux Etats-Unis, offert par l’ambassade américaine à Dakar. Il visite les institutions américaines, dont le Pentagone, et se rend à la frontière avec le Mexique pour comprendre le phénomène des migrants irréguliers qui espèrent rejoindre les Etats-Unis.Il se rend ensuite en France, précisément à Toulouse et à Bordeaux, pour suivre une formation en journalisme d’investigation, en communication non violente et en médiation.Arrêté et transféré à Dakar après avoir interviewé Salif SadioLe journaliste a eu le privilège d’avoir interviewé Salif Sadio, chef de guerre du MFDC, dans le maquis en 2005. Une interview qui lui a valu une arrestation par la police ‘’pour atteinte à la sûreté de l’Etat’’, et un transfèrement à Dakar. Au final, il bénéficiera d’un non-lieu après son jugement devant un tribunal de la capitale sénégalaise.En 2008, il est affecté à Saint-Louis comme chef de la station Sud FM. Une ville qu’il connaît bien pour y avoir effectué ses études secondaires au lycée Charles de Gaulle. Mais c’était sans compter avec le destin qui le liait à Ziguinchor.Parti pour un week-end dans la principale métropole du Sud, Ibrahima Gassama ne reviendra plus à Saint-Louis. Il dépose sa lettre de démission du Groupe Sud communication en 2008 pour rentrer en Casamance.A son retour, il travaille avec l’ONG World Education dans le cadre de la mise sur pied de radios communautaires en Casamance, formée des régions administratives de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor. Il fait équipe avec le journaliste Ibrahima Soly Mandiang, rappelé à Dieu le 28 novembre 2023.En mars 2009, Ibrahima Gassama est nommé directeur général de la radio Zig FM. Il initie une émission phare ‘’Carrefour de la paix’’. Une émission à travers laquelle il dit vouloir libérer la parole et permettre aux acteurs et aux communautés de se parler et d’aborder des sujets que l’on considérait ‘’tabous’’ ou qu’on avait peur d’évoquer.Cette émission avait comme slogan “La force de l’argument à la place de l’argument de la force”. Par la force des choses et, devant l’absence de dialogue direct entre les belligérants, “Au carrefour de la paix” était devenu le seul espace où tous les dimanches, sur Zig FM, les différents acteurs autour du conflit se retrouvaient, lance-t-il fièrement.Avec plus de trente ans d’expérience de journalisme, Gassama est aujourd’hui considéré comme un expert de la crise casamançaise. Mieux, il est devenu un maillon clé du programme ‘’Education à la paix’’, grâce à la crédibilité et à la confiance que lui accordent les acteurs sur le terrain, y compris les combattants du MFDC.A ce jour, il est l’un des rares journalistes à pouvoir se rendre dans toutes les parties du maquis et de toute la Casamance, afin de donner la voix aux acteurs du conflit et aux populations jusque dans des zones jugées ‘’rouges’’ à tort, selon lui.Actuellement, Ibrahima Gassama est sollicité par des étudiants,des journalistes et des universitaires. Bref, par tous ceux qui veulent comprendre le conflit en Casamance.Le journaliste dit avoir sillonné le monde – les Etats-Unis, la France, l’Espagne, l’Allemagne, le Portugal, la Tunisie, la Côte d’ivoire, etc. – pour partager son expérience lors de conférences internationales ou d’autres rencontres.Il a tour à tour été distingué comme ambassadeur de la Paix en 2012 de la Fédération universelle de la paix basée à New York, meilleur journaliste Alouwas information 2017, un prix remis par le général Mamadou Mansour Seck, à Dakar, lauréat du prix Personnalité éminente (Casa Film Production) en 2018, à l’initiative de l’actrice de cinéma Binta Goudiaby (Etats-Unis).Gassama a également remporté le ‘’Prix du Joola’’, décerné par l’Association des familles des victimes du naufrage du bateau Le Joola et remis par Aliou Sow, le ministre de la Culture et du Patrimoine historique.‘’Aujourd’hui, on ne peut pas parler de journaliste en Casamance sans penser à Ibrahima Gassama. C’est un grand monsieur de la Casamance. Il a une très bonne réputation ici. C’est l’un des rares journalistes qui ont une parfaite maîtrise de la crise casamançaise’’, témoigne Gaustin Diatta, le correspondant du quotidien Le Soleil à Ziguinchor.Il reconnaît que Gassama a participé ‘’activement’’ à la formation des journalistes de la Casamance.MNF/ASB/ASG/SBS/OID
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