Correspondance particulièreCannes (France), 23 mai (APS) – La cinéaste franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy, dont le long métrage ”Banel et Adama” a été retenu dans la sélection officielle de Cannes 2023, a dit toute sa fierté d’avoir tourné son premier film à Podor, dans la région du nord Sénégal, de surcroît en langue pulaar, un parti pris qu’elle considère comme ”un geste politique”.“C’est la région dont sont originaires mes parents, et tourner au Fouta ne peut se faire qu’en pulaar, mais c’est aussi un geste politique, car c’est important d’apporter ma vision du monde à l’Afrique, qui a plus besoin de moi que l’Europe”, a-t-elle dit dans un entretien avec l’APS, justifiant son choix de tourner son film dans sa langue maternelle.Se réjouissant d’avoir pu faire ce film “sous la bannière du Sénégal et de l’Afrique”, elle dit avoir fait “un gros casting” de cinq mois dans le Fouta pour trouver des acteurs qui conviennent et qui viennent pour la première fois au cinéma.Ramata-Toulaye Sy a pu compter sur un coach d’acteurs qui a fait une préparation de cinq jours avec les deux principaux interprètes de son film, mais pas sur le scénario. “C’était de l’improvisation et de la respiration”, dit-elle, avant d’ajouter : “Ce sont des non-professionnels, très difficiles à trouver, car pour jouer Adama et surtout Banel, il faut une force”.La cinéaste franco-sénégalaise dit représenter le Sénégal, le continent africain, la jeunesse et aussi la femme à cette 76e édition du festival international du film de Cannes qui prend fin samedi prochain (du 16 au 27 mai).“Je représente tout en même temps, car on dit en Afrique que quand un pays gagne, c’est toute l’Afrique qui gagne. On est très liés. Je représente les femmes bien sûr, et la jeunesse africaine. Et je représente aussi les gens qui ont une double nationalité comme moi, qui font beaucoup de choses en Afrique et au Sénégal”, déclare la jeune réalisatrice de “Astel”, un court métrage multiprimé.Une militante de l’égalité politique, sociale et économique entre hommes et femmes Ramata-Toulaye Sy reconnait avoir ressenti “beaucoup de pression” à son arrivée sur la Croisette. “Avant, je le vivais chez moi, assez protégée, avec beaucoup de bonheur. Mais une fois sur la Croisette, avec tout le monde autour et toutes les questions posées, c’est de la pression !”, déclare celle qui se présente clairement comme “une féministe”.“Mais précise-t-elle j’ai une définition du féminisme qui vient de Chimamanda Ngoze Adichie [écrivaine nigériane qui l’inspire] : elle définit le féminisme comme une égalité sociale, politique, économique entre les hommes et les femmes”.La coscénariste du film “Notre dame du Nil” avec le romancier et cinéaste franco-afghan Atiq Rahimi, membre du jury officiel à Cannes 2023, voue une admiration à son compatriote et aîné, le cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambety (1945-1998) dont elle a vu tous les films. “Je suis plus influencée par sa personnalité en tant que cinéaste. C’est ça qui m’a poussée à oser d’avoir une vision du cinéma africain plus que son imaginaire en soi. Il a poussé les jeunes à aller de l’avant dans l’industrie cinématographique”, explique Ramata-Toulaye Sy. La jeune cinéaste se prévaut de références plus littéraires que cinématographiques, et “plus afro-américaines et moins africaines”.“Je suis de culture franco-sénégalaise. Je suis née et ai grandi en France. On allait au Sénégal avec mes parents pour les vacances scolaires. J’ai baigné dans les deux cultures. (…) la tragédie grecque, mais aussi les contes que j’entendais au Sénégal. Sans oublier le réalisme magique afro-américain, ainsi que 100 ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez, Toni Morrison, Maya Angelou et Faulkner.Ramata-Toulaye Sy avoue que ces deux personnages principaux, Banel et Adama, sont inspirés des contes racontés par sa mère, mais aussi de la tragédie grecque et du théâtre anglophone qu’elle aime bien.Son film “Banel et Adama” est avec “Les filles d’Olfa” de la Tunisienne Kaouther Ben Hania, l’un des longs métrages africains en compétition pour la palme d’or.Elle concourt aussi à la caméra d’or qui met en compétition tous les premiers longs métrages des différentes sections de la compétition cannoise.OB/FKS/BK/ASG
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