Dakar, 21 jan (APS) –  Les partisans de Karim Meïssa Wade espéraient revoir le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade en chair et en os, battre le pavé avec lui à la conquête des suffrages des Sénégalais, après des années d’exil, mais vont encore déchanter après que le Conseil constitutionnel a déclaré irrecevable sa candidature à la présidentielle de février 2024, un nouvel obstacle sur le chemin politique du leader du Parti démocratique sénégalais (PDS).

Rebelote pour Karim Meïssa Wade ! Une fois encore les ambitions présidentielles du fils de l’ancien chef de l’Etat, Abdoulaye Wade n’ont pas franchi l’obstacle de la validation de candidature par le Conseil constitutionnel, même après avoir passé avec brio l’étape du contrôle des parrainages. Si à l’élection présidentielle de 2019 sa candidature avait buté sur la perte de ses droits civiques en raison d’une condamnation pour enrichissement illicite, en 2024 elle est plombée par un renoncement tardif à la nationalité française, alors qu’il faut être exclusivement de nationalité sénégalaise pour briguer la magistrature suprême, selon la loi électorale.

Un nouveau coup à la carrière politique du leader du PDS condamné en 2015 à 6 ans de prison ferme par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) et exilé au Qatar depuis 2016.

Karim Wade est cet inconnu du grand public à l’élection d’Abdoulaye Wade en 2000, sur lequel tous les projecteurs étaient braqués jusqu’à être considéré à un moment donné comme le futur héritier de son père à la tête du Sénégal.

Karim Wade est né en 1968 à Paris. Après un Bac économique à Paris, en 1984, et des études en ingénierie financière, il est embauché en 1995 par la société de banque suisse.

Mais les Sénégalais, dans leur grande majorité, le découvriront en 2000 à la faveur de l’accession de Me Abdoulaye Wade à la magistrature suprême, après 25 ans d’opposition.

Un père qui n’a cessé aussi de présenter son fils sous les plus beaux habits. Karim Wade, à l’en croire, est une espère rare dans son domaine d’expertise : la finance.

C’est en 2002 qu’il devient conseiller de son père chargé des grands projets. A la faveur du sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) prévu au Sénégal en 2008, Karim Wade se voit confier dès 2004, la présidence de l’Agence de l’organisation de la coopération islamique (ANOCI).

La mise en œuvre des chantiers de l’ANOCI met Karim Wade sous les projecteurs. Une phrase de son père, à l’occasion du lancement des travaux de l’ANOCI, aura retenu l’attention des Sénégalais : ‘’Karim, je dirai à ta mère que tu as bien travaillé’’.

Et pourtant, à l’arrivée, soulignera le journaliste Abdoulatif Coulibaly dans un ouvrage ‘’Contes et mécomptes de l’ANOCI’’, cette agence ‘’prétendait être en route vers le sommet. Au finish, elle a plongé dans un gouffre à milliards’’.

Selon l’auteur, ‘’contrairement aux affirmations de ses dirigeants, l’Agence pour l’organisation de la conférence islamique (ANOCI), n’a pas dépensé 72 milliards de francs pour réaliser les travaux nécessaires à l’accueil du sommet qui a eu lieu en mars 2008 dans la capitale sénégalaise’’.

‘’Elle en a dépensé plus du double (…) Pour équiper ses bureaux dans les trois étages de l’immeuble qui abrite le siège de l’ANOCI à Dakar, Karim Wade a dépensé plus d’un demi-milliard de francs (750 millions de francs. Ses dépenses de communication dans les pays du Golfe ont coûté 500 millions de francs aux contribuables sénégalais en 4 ans d’existence de l’agence (…)’’.

Au total, note l’auteur, ‘’l’ANOCI a dépensé pour la réalisation de ses travaux une somme de 205 milliards 211 millions de francs Cfa’’.

Les câbles diplomatiques révélés par Wikileaks démontrent que les Américains, le FMI et d’autres bailleurs et d’autres ambassadeurs s’inquiètent de ses pratiques en matière de gestion. Karim Wade surnommé également ‘’Monsieur 15%’’ balaie en touche.

Mais l’homme est intouchable. Le président de l’Assemblée d’alors, Macky Sall, qui lui demande des explications, sur la gestion de l’ANOCI, en le convoquant en octobre 2007, l’apprendra à ses dépens. La convocation est aussitôt annulée par Abdoulaye Wade et Macky Sall se trouve désormais en mauvaise posture et poussé vers la sortie.

Les amis, sympathisants et soutiens de Karim Wade de tout bord voient les choses autrement et encensent leur champion partout. Ils iront même jusqu’à détourner, à leur faveur, le slogan de l’ANOCI, ‘’En route vers le sommet’’, pour en faire une rampe pour l’accession de Karim Wade au sommet de l’Etat : le pouvoir. C’est ‘’en route vers le sommet’’ de l’Etat, projet politique incarné par ‘’La Génération du concret’’.

Les élections locales de 2009 seront un ‘’premier test électoral’’ pour Karim Wade à qui l’on prête l’ambition de devenir de maire de Dakar, la capitale sénégalaise. La campagne électorale lui donnera l’occasion d’être au contact des masses, lui qui ne parlerait pas wolof.

Karim Wade battra campagne à Dakar, Thiès, Saint-Louis, Matam, Ziguinchor, un peu partout, sous la houlette du Parti démocratique sénégalais (PDS).

Mais à l’arrivée, c’est la douche froide chez les Wade, battus dans leur propre bureau de vote, à Dakar. La coalition Bennoo Siggil Senegal (BSS), regroupement des principales forces de l’opposition, a la mainmise sur les grandes villes du pays.

Adieu Dakar pour Karim Wade. Mais son père a l’idée de faire lui un ministre dans le gouvernement mis sur pied au lendemain des locales à la faveur d’un énième remaniement en 2010.

Dans cette équipe, dirigée par Souleymane Ndéné Ndiaye, Karim Wade est une pièce maitresse, un pilier. Il est nommé ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures, de l’Energie, de l’Aménagement du territoire.

Avec un portefeuille qui représente 20% du budget national, il est surnommé ‘’ministre du Ciel et de la Terre’’.

Karim Wade est partout : le Plan Takkal, censé résoudre le problème de l’énergie, la remise à en ligne de la compagnie Sénégal Airlines, la construction de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass, la restructuration des ICS.

Le ministre n’échappe à la critique de l’opposition et d’une partie de l’opinion. Mais surtout, parce que l’idée selon laquelle, son père travaille pour lui céder le pouvoir est en vogue.

A l’approche de la présidentielle de 2012, Me Abdoulaye Wade, 86 ans à l’époque, et dont la candidature pour un troisième mandat suscite la controverse, sort l’idée d’un ticket président-vice-président, élu à 25% au premier tour.

Pour l’opposition et la société civile, ce projet de loi cache une ‘’dévolution monarchique du pouvoir’’. Abdoulaye Wade chercherait tout simplement à léguer le pouvoir à son fils Karim Wade.

C’est la réforme de trop qui poussera l’opposition et la jeunesse à la révolte, le 23 juin 2011, jour de vote du projet de loi. Des milliers de manifestants investissent la rue et la devanture de l’Assemblée nationale, obligeant le chef de l’Etat à retirer son projet.

Avec la défaite de Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2012, les ennuis judiciaires commencent pour Karim, invité à justifier l’origine licite d’un patrimoine estimé d’abord à 694 milliards de francs avant d’être ramené à 117 milliards de francs.

Arrêté en 2013, dans le cadre de ce qui sera appelé la ‘’traque des biens mal acquis’’, il est condamné en 2015 à  6 ans de prison ferme par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI).

Le 24 juin 2016, à la surprise générale, les Sénégalais apprennent que Karim Wade est sorti de prison. En effet, le Président de la République, par décret n° 2016-880 du 24 juin 2016, a gracié Karim Meissa Wade, Ibrahima Aboukhalil dit Bibo Bourgi et Alioune Samba Diassé.

Dans la foulée, il s’envole au petit matin vers Doha en compagnie du procureur général du Qatar.

OID/AKS

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