SENEGAL-HISTOIRE-PUBLICATION
Dakar, 29 mai (APS) – L’ouvrage que l’universitaire sénégalais Mamadou Youri Sall vient de consacrer à la révolution du Fuuta-Tooro, entre la fin du 17e siècle et le début du 18e, souligne toute la part du savoir dans la conduite de ce mouvement de réforme ayant placé la bonne gouvernance au centre de ses objectifs.
Intitulé “La révolution du Fuuta-Tooro, Almaami Abdul Qaadiri Kan (1776-1806)”, cet ouvrage sorti en mars dernier, sous le label du centre de recherche “Baajoordo”, a été présenté mercredi à Dakar, au cours d’une cérémonie de dédicace.
Son auteur, Mamadou Youri Sall, enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB), y évoque l’héritage de “Almaami Abdul”, l’une des figures marquantes de ce un mouvement de réforme islamique visant à établir un État théocratique, fondé sur les principes de la charia et mettant fin à la pratique de l’esclavage.
Si “Ceerno Sileymaani Baal”, fondateur de “l’Almaamiya”, s’est imposé comme le leader de la révolution du Fuuta-Tooro, “Almaami Abdul” peut être considéré comme “le ‘véritable maître d’œuvre” de cette nouvelle forme étatique, lui qui a mis en oeuvre la vision réformatrice du chef, selon la thèse de l’auteur.
L’ouvrage de Mamadou Youri Sall démontre en effet comment “Almaami Abdul” a fait rayonner “l’Almaamiya” au-delà des frontières du Fuuta, faisant de ce royaume de la vallée du fleuve Sénégal, coincé entre le sud de l’actuelle Mauritanie et le nord du Sénégal, “un Etat vertueux, juste et bien gouverné” à l’échelle de l’Afrique à cette époque.
La question de la bonne gouvernance, du patriotisme et de la souveraineté “est toujours d’actualité aujourd’hui. Souleymane Baal est quelqu’un de la province du Toro, qui a réuni tout le Fuuta pour dire qu’il nous faut la prospérité, la sécurité, la justice, combattons ensemble pour que cela règne au Fuuta”, explique l’auteur.
”La révolution du Fuuta-Tooro est une révolution du savoir. Ce sont des hommes de sciences qui se sont révoltés pour dire qu’on doit changer la donne, mais pas à la manière des Européens et des Américains, sans verser beaucoup de sang, sans guillotine”, a-t-il ajouté.
Selon le professeur Sall, cette révolution menée durant 7 ans, avait surtout consisté à convaincre les habitants du Fuuta-Tooro d’opérer un changement de régime.
Le message des révolutionnaires, dit-il, se dessinait comme suit : “Faisons tout pour que le Fuuta soit prospère, ait de la sécurité, soit libre de toute domination. Et avec beaucoup de raison, ils ont réussi”.
Les lettrés devenaient tous des ”Toro” à cette époque, ce qui leur permettait de gagner en considération sociale et d’accéder au pouvoir à l’occasion.
Intervenant lors de cette cérémonie de présentation, l’égyptologue Moussa Lam a insisté sur deux éléments contenus dans l’ouvrage, à savoir le changement des noms typiques aux Peuls et la question de l’accès à l’élection.
”Dans l’ouvrage, on remarque qu’il y avait un changement des noms typiquement peuls ou toorodo. A quel moment le passage s’est-il fait ? Était-il progressif, dans la durée ou brutal ?”, s’interroge-t-il, en signalant aussi seules deux des sept régions du Fouta bénéficiait du droit de vote à cette époque.
”C’était une zone musulmane où il y avait beaucoup de familles qui ont travaillé pour organiser la société”, a noté de son côté le professeur El Hadj Mamadou Saidou Bâ, avant de revenir sur le contexte socio-politique du ”Fuuta-Tooro” à cette époque où des savants ont réussi à impulser un système politique particulier à partir d’une reforme de grande ampleur.
Mamadou Youri Sall dirige le centre de recherche sur le patrimoine intellectuel africain dénommé ”Baajoordo”. Il est également auteur de plusieurs publications relatives à l’histoire de l’érudition en Afrique de l’Ouest.
AMN/A/SBS/BK