Saint-Louis, 21 juin (APS) – Docteur Saliou Ndour, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis (nord) a pointé du doigt ‘’le ralentissement’’ de la production musicale sénégalaise et déploré la mise en avant de la logique commerciale au détriment de celle artistique et créative.

‘’L’ancienne génération de chanteurs sénégalais plus talentueuse et plus créative que la nouvelle fait preuve de résilience face aux nombreux bouleversements constatés dans ce sous-secteur de la culture, notamment, avec l’introduction du numérique”, a-t-il souligné lors d’un entretien avec l’APS à l’occasion de la fête de la musique célébrée vendredi 21 juin au Sénégal et dans le monde.

‘’Peut-être que je suis +has been+ [démodé], mais je trouve l’ancienne génération plus créative et plus talentueuse. Il leur [les musiciens actuels] faut travailler davantage. La logique commerciale l’emporte aujourd’hui sur la logique artistique et créatrice”, a déploré M. Ndour.

Enseignant à l’UFR Civilisations, religions, arts et communication (CRAC) de l’UGB, Saliou Ndour soutient que l’économie créative est plus que jamais une exigence pour les pays africains en raison de leur potentiel pour l’économie dans la mesure où la diversité culturelle et la créativité sont une richesse inépuisable sur le continent.

Il prend exemple des pays dits riches, où ‘’les industries culturelles et créatives sont créatrices de richesses et génératrices d’emplois et  rapportent énormément.

M. Ndour se rappelle du gouvernement travailliste de Tony Blair, homme d’Etat Britannique et Premier ministre de 1997-2007, qui s’était tourné vers les industries culturelles et créatives afin de faire face à la concurrence internationale.

‘’Ces ICC sont constituées des secteurs du numérique et des arts, porteurs de croissance en Grande Bretagne’’, fait valoir l’enseignant-chercheur.

Aujourd’hui, assure le docteur Saliou Ndour, ‘’les entreprises les plus prospères au monde sont les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft)’’.

Il estime que les nouvelles autorités ne se sont pas trompées en créant un Secrétariat d’Etat à la culture et aux industries créatives, mais dit-il, ‘’j’aurais voulu que ce soit un ministère de souveraineté’’.

Le numérique a bouleversé l’industrie de la musique

Ayant travaillé pendant plus de quinze ans sur l’évolution de l’industrie musicale sénégalaise, l’enseignant-chercheur est d’avis que l’industrie musicale sénégalaise doit pouvoir s’adapter à la nouvelle donne, avec l’avènement du numérique.

La dynamique de la musique sénégalaise des années 1990, actuellement perdue, peut être rattrapée, selon lui, si la nouvelle génération de musiciens s’adapte à la nouvelle donne et fasse preuve d’inventivité.

‘’Le numérique a bouleversé l’industrie du disque au plan national et mondial. Les GAFAM [Google Apple, Facebook, Amazon et Microsoft] trônent en maîtres, on ne plus se passer du streaming’’, a-t-il expliqué.

Il a souligné la nécessité de préserver le patrimoine musical sénégalais, lequel doit demeurer la matière première dont les jeunes chanteurs et musiciens devront se servir pour aller à l’assaut du monde.

Revenant sur le constat d’un ralentissement de la production musicale sénégalaise, du moins, précise-t-il, ‘’ dans sa sphère classique’’, ‘’la génération actuelle a privilégié le spectacle vivant et le streaming comme alternative à la production de Compact disque et de cassettes’’, indique docteur Saliou Ndour.

Selon lui, les jeunes artistes et musiciens, incarnant la nouvelle vague de la musique sénégalaise, ont envahi les plateformes de diffusion musicale à l’image des rappeurs Ngaka Blindé, Samba Peuzi, Dip Doundou Guiss, le Mbalaxman Waly Ballogo Seck, entre autres.

‘’Ils ont ainsi compris l’avantage qu’ils pourraient tirer des plateformes numériques’’, a-t-il fait remarquer. .

Pour l’enseignant-chercheur, la musique sénégalaise moderne peut beaucoup progresser et donner beaucoup de satisfaction à condition de s’y atteler.

‘’Son potentiel créatif est considérable, le talent est immense, son vivier qu’est la musique traditionnelle est fécond. Il faudra y puiser, car il s’agit d’une source qui ne tarit jamais’’, argumente-t-il, soulignant enfin qu’il est plus que jamais nécessaire d’insister sur la formation.

‘’Le mbalax condamné à se réinventer’’

L’expert en industrie musicale estime que le genre musical le plus répandu au Sénégal qu’est ‘’le ‘´mbalax’´ est condamné à se réinventer pour pouvoir s’imposer sur la scène internationale’’.

‘’Il faut que le mbalax soit plus créatif en se mélangeant à d’autres sonorités. C’est ainsi qu’il pourrait se frayer un chemin au plan international’´, a-t-il soutenu à l’APS.

Il explique que le mbalax est un instrument de musique avant d’être un rythme, une sonorité, un tam-tam qui accompagnait d’autres tambours.

‘’Pour des non-sénégambiens, le mbalax passe difficilement. Ce n’est pas pour rien que des artistes jouent un mbalax pur et dur pour la consommation locale (la diaspora sénégalaise incluse) et un mbalax ‘soft’, aseptisé pour l’international dont les mélomanes sénégalais, pour la plupart, ne s’y reconnaissent’’, estime M. Ndour.

CGD/FKS/ASB/AKS

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