Koutal, un village historique à la recherche de son autonomie
Koutal, un village historique à la recherche de son autonomie

SENEGAL-COLLECTIVITES-SOCIETE

Par Assane Dème

Koutal, 28  (APS) – Koutal, un village de la commune de Ndiaffate, dans la région de Kaolack (centre), rendu célèbre par le village de reclassement dédié aux malades de la lèpre qu’il a abrité, cherche à s’autonomiser pour prendre son destin en main, vu ses nombreuses potentialités socio-économiques.

Située en plein cœur du bassin arachidier, sur la transgambienne, cette localité traversée par la route nationale numéro 4, est devenue un grand village au fil des années.

Sa proximité avec la commune de Kaolack en fait une zone très prisée, grâce notamment à sa tranquillité et l’hospitalité de sa population vivant dans un climat soudano-sahélien qui attire plus d’un.

‘’Ce village a été créé par un homme du nom d’Abdou Wagué, un résident de Kaolack qui venait régulièrement à Koutal pour des activités de chasse. Un jour, un de ses amis, Abdou Ndiaye, lui suggéra de s’installer dans le village pour pouvoir être beaucoup plus proche de la Gambie où il se rendait pour ses activités commerciales’’, rapporte Abdourahmane Sy, un habitant actif du village.

Abdou Wagué accepta et se rendit chez le chef de canton de l’époque,  qui n’y voyait pas d’inconvénient, mais lui signala tout de même que cette zone n’était pas  favorable à cause de la présence de plusieurs animaux dont des hyènes.

Abdou Wagué et Abdou Ndiaye décidèrent malgré tout de s’y installer. Quelques années plus tard, le premier retourne chez lui, laissant son ‘’homonyme’’, Abdou Ndiaye à Koutal.

‘’Le nom du village viendrait du fait que quand ces chasseurs tuaient leur gibier, ils allumaient du feu pour la cuisson. Les villages de Koutal sérère et de Thiawane existaient déjà. Un habitant du village de Thiawane a dit, en wolof, ‘’+Koutal fi ?+’’ (Qui a allumé ce feu ? en wolof). C’est ainsi que Koutal est né, vers les années 1800, créé par Abdou Wagué qui l’a laissé à son ami et compagnon, Abdou Ndiaye, grand-père de l’actuel chef de village, Abdoulaye Ndiaye’’, renseigne M. Sy.

Koutal Malick Ndiaye, le site de reclassement social

‘’On ne peut pas parler de Koutal sans penser à Koutal Malick Ndiaye, qui a une histoire spéciale’’, soutient Alioune Badara Ngom, un jeune natif de ce quartier du village de Koutal qui abrite le site de reclassement des personnes jadis vivant avec la lèpre.

Koutal Malick Ndiaye a été créé en janvier 1952, en collaboration avec le chef du village de Koutal wolof de l’époque, Saliou Ndiaye, père de l’actuel chef du village, Abdoulaye Ndiaye, à travers la loi 76-03 instituant neuf  villages de reclassement des lépreux  au Sénégal.

 

‘’Les premiers pensionnaires de ce village de reclassement, Koutal Malick Ndiaye, étaient au nombre de 17 patients dont une seule femme, Amy Ndour, décédée en 2023, à plus de cent ans’’, explique Alioune Badara Ngom, membre de la zone 10/A de l’Organisme départemental de coordination des activités de vacances (ODCAV) de Kaolack.

Selon lui, les lépreux logés dans ce village n’avaient pas le droit de sortir sans permission. Leurs enfants n’avaient même pas le droit d’étudier dans les écoles publiques. Ce qui faisait que le taux de scolarisation était très faible à cause de la stigmatisation dont étaient victimes les populations de ce village où vivent aujourd’hui ‘’plus de mille habitants’’.

A en croire notre interlocuteur, actuellement, les populations locales vivent dans des ‘’difficultés indescriptibles’’, sans aucun programme de développement, déplore M. Ngom, enseignant de formation.

‘’La seule école privée qui existait était sous la direction de mon père. Pour qu’un enfant du village de Koutal Malick Ndiaye puisse y étudier, il faut nécessairement qu’un médecin, à travers un certificat médical, atteste que l’enfant est bien portant et ne souffre d’aucune maladie liée à la lèpre’’, rappelle-t-il.

‘’Dieu merci, cette page est définitivement tournée dans ce village qui a connu une croissance démographique exponentielle’’, se réjouit le jeune homme qui soutient que ‘’malgré le fait que les jeunes de la localité sont des diplômés ou des hommes avec une qualification professionnelle avérée, le chômage y demeure une réalité inquiétante’’.

Il invite les autorités sénégalaises à apporter des ‘’réformes significatives’’ dans une démarche de discrimination positive au profit des populations locales.

‘’La loi 76-03 a  été abrogée mais cette abrogation doit inclure une politique de dédommagement. Mais, jusqu’à présent, rien n’a été fait pour permettre aux victimes de cette loi de bénéficier d’un programme d’accompagnement’’, insiste M. Ngom.

D’après lui, plusieurs démarches ont été menées par les populations, avec le soutien de DAHW, une organisation d’aide allemande pour la lèpre et la tuberculose. Malheureusement, aucune réaction positive n’a été notée.

Des populations réticentes au début à cohabiter avec les lépreux

D’après le chef de village de Koutal wolof, Abdoulaye Ndiaye, plus connu sous le sobriquet de Mame Abdou, les chefs coutumiers étaient, dans un premier temps, réticents à l’idée d’abriter, dans leur localité, une léproserie.

‘’Après avoir été bien informés sur les tenants et les aboutissants de la lèpre, qui était considérée comme une maladie contagieuse, les réticences se sont dissipées. Les habutants ont fait preuve d’hospitalité pour accepter les malades de la lèpre dans le village’’, explique-t-il, saluant la ‘’bonne cohabitation’’ qui a prévalu dans ce village, malgré la stigmatisation dont ces personnes malades étaient confrontées au quotidien.

 

‘’Aujourd’hui, nous plaidons pour la communalisation de Koutal, qui fait partie des plus grands villages du Sénégal en termes de démographie et de superficie. En 2019, les statistiques révélaient que le village était peuplé de 15 mille habitants. Cette situation démographique a certainement évolué, pour que le village soit érigé en commune’’, plaide le chef coutumier.

Selon lui, ce sont des préoccupations politiques qui ont amené Koutal à faire partie de la commune de Ndiaffate.

”C’est l’ancien ministre, Jean Colin, dont l’épouse était originaire du village de Ndiaffate, qui l’avait érigé en communauté rurale’’, rappelle-t-il, non sans relever une ‘’incohérence territoriale’’ puisqu’il y a des localités non loin de la commune de Passy, dans la région de Fatick, qui sont rattachées, administrativement, à l’actuelle commune de Ndiaffate.

Le chef du village de Koutal wolof sollicite l’électrification de l’ensemble des quartiers et le renforcement du réseau hydraulique avec l’érection d’un château d’eau à la place de l’actuel et unique forage pour un meilleur approvisionnement des populations en eau potable.

”Avec la démographie de Koutal, deux forages ne seraient pas de trop pour un approvisionnement correct des populations en eau, au grand bénéfice des différentes communes et villages de la zone alimentés à partir de le forage, comme Keur Socé, Latmingué, le village de Sanguil et Ndiaffate’’, estime Mame Abdou Ndiaye de Koutal wolof.

D’après le chef de village, ce forage qui, en réalité, produit une eau salée de mauvaise qualité, était resté en panne pendant plus d’an an, obligeant les populations à aller se ravitailler à Kaolack.

”Même si on décidait de nous construire un château d’eau pour augmenter la capacité de production, on doit faire en sorte qu’elle fournisse une eau de qualité’’, insiste-t-il de nouveau.

ADE/ASB/OID/SKS/ABB

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