Par Aissatou BaPikine (Dakar), 14 mars (APS)- Réunies en groupements féminins, les maraîchères de la forêt classée de Mbao mènent à travers leurs activités encadrées par le service des Eaux et forêts du département de Pikine, quatre combats ayant pour but leur autonomisation financière, la sécurité alimentaire de leurs familles et des habitants de Dakar, ainsi que la préservation des sols et de l’environnement de cette aire protégée urbaine confrontée à de multiples convoitises. Située dans le département de Pikine, cette forêt a été immatriculée en 1908 durant l’ère coloniale avant de faire l’objet de classement, le 7 mai 1940, sur une superficie de 808 hectares.Elle se trouve administrativement dans la commune de Mbao. Elle est limitrophe aux communes de Keur Massar et Diamaguène Sicap Mbao, depuis la création en 1996 des communes d’arrondissement dans la région de Dakar.D’une situation de forêt péri-urbaine, cette forêt est progressivement devenue au fil de l’urbanisation de Dakar, une forêt urbaine, un poumon vert, complètement ceinturé par les anciens villages traditionnels de Boune, Darou Misseth et de Médina Kell, situés au sud de Petit Mbao et de Grand Mbao et à l’est par Kamb et Keur Mbaye Fall. A l’ouest, elle est limitée par la Route nationale n°1 et les bretelles de Petit Mbao et Fass Mbao.Selon le service des Eaux et forêts, son classement vise à préserver son écosystème, sa biodiversité et développer l’activité de maraîchage dans la zone des Niayes, une bande côtière aux caractéristiques biophysiques favorables aux productions maraîchères. Cette bande côtière allant de Saint-Louis à Dakar sur une distance de 180 kilomètres, abrite en son sein, la forêt classée de Mbao, Près de 80% de la production de légumes frais du pays vient de la bande des Niayes Entourée progressivement par des localités en pleine extension disposant de peu de réserves foncières, la forêt classée de Mbao, est de plus en plus confrontée à des convoitises foncières des populations riveraines et des promoteurs immobiliers véreux.Une situation qui a poussé la direction des Eaux et forêts, à revoir le mode de gestion et de conservation de cette aire protégée, en impliquant les populations des villages environnants, dans le cadre d’un plan d’aménagement forestier, élaboré en 2008.L’objectif de l’aménagement forestier est de permettre à la société, aux riverains, de bénéficier pleinement de tous les services offerts par l’écosystème de la forêt classée de Mbao, parmi lesquels, la production de bois, le bien-être, la biodiversité, et la prévention de risques naturels.Dans cette dynamique, le service forestier, a organisé les femmes des localités de Boune, Darou Misseth, Médina Kell, Kamb, Keur Mbaye Fall, Petit Mbao et Fass Mbao, limitrophes à la forêt classée de Mbao, en cinq groupements féminins s’activant principalement autour du maraichage. Les plus en vue sont : +Ouliikaa+ (essayer en langue Joola)’’, Fass Mbao, et celui de Kamb. Accompagnés des agents de l’unité de gestion du plan d’aménagement de la forêt classée, sous les ordres, du sous-lieutenant Fatou Gaye, nos convois s’ébranlent dans les entrailles de la forêt où sur notre trajet, on aperçoit plusieurs variétés de plantes cultivées sur des périmètres maraîchers.On y trouve des oignons, des tomates, des aubergines vertes et mauves, des salades, des choux, etc., et d’autres arbres fruitiers comme le papayer ou encore le cocotier.Sur notre itinéraire, nous tombons devant un grand hangar, perdu au milieu de la forêt, et clôturé avec du bois mort laissant une porte d’entrée, dans un état défectueux. Ici se trouve, ‘’Ouliikaa’’, (essayer en Joola)’’, un jardin qui appartient à une association de femmes d’une famille originaire de la Casamance, a dit Bintou Sonko, présidente de ladite association, trouvée sur place.A l’intérieur, un grand jardin contenant plusieurs variétés de plantes est aménagé sur plusieurs mètres carrés. Un groupe de femmes est au travail, laissant à côté, un enfant entrain de jouer.Sous l’ombre d’un arbre, des chaises sont positionnées autour d’un pagne étalé à même le sol.Dans ce groupe de femmes, figure Marième Badiane, une jeune femme âgée d’une trentaine d’années, détentrice d’un master en phytopharmacie et protection des végétaux de l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.Membre de l’association +Ouliikaa+ elle occupe le poste de secrétaire générale du bureau de cette association..Chapeau sur la tête, assise à même le sol, cette diplômée, justifie sa présence ici par sa passion pour l’agriculture depuis sa tendre enfance et par le fait qu’elle est sans emploi rémunéré. Marième Badiane, secrétaire générale de l’association OULIIKAA‘’ Si je suis là, c’est par amour de cette activité agricole. Au cours de mon enfance, j’accompagnais régulièrement ma tante dans des travaux champêtres. C’est peut-être par-là que m’est venue ma passion de l’agriculture.’’ a-t-elle expliqué, sous une mine radieuse.‘’Je suis là également parce que je suis sans emploi comme beaucoup de jeunes diplômés en fin d’études ou de formation’’ a-t-elle ajouté.‘’N’ayant pas pu trouver du travail, j’ai décidé, de revenir à mes premiers amours, pour subvenir à mes besoins tout en participant au développement de mon pays’’ a-t-elle encore confié, soulignant que ce travail occupe presque tout le temps des membres de notre association.”Ne disposant pas de beaucoup de moyens financiers pour recruter des travailleurs journaliers, nos membres passent beaucoup de temps ici au point de reléguer à un second plan leurs tâches ménagères ’’ a-t-elle expliqué.La spécialiste en phytopharmacie a souligné qu’elle n’avait aucune connaissance sur les techniques de maraîchage à ses débuts dans l’association.‘’Mais grâce aux agents des eaux et forêts, j’ai pu améliorer mes connaissances dans ce domaine’’, a-t-elle salué, soulignant qu’elle souhaite à l’avenir bénéficier d’un financement pour se lancer dans l’entrepreneuriat agricole afin de réaliser son vieux rêve de construire une maison pour sa maman.A côté d’elle, se trouve Fatou Badji, la maman des membres de l’association, âgée d’une soixantaine d’années. Elle est assise sur le sol entrain de désherber un périmètre maraîcher, en présence de ses enfants.Elle explique avoir appris le maraîchage auprès de sa mère en Casamance, depuis sa tendre enfance avant de regagner plus tard Dakar, après son mariage.‘’Ici à Dakar, je n’ai pas pu m’empêcher de reprendre le maraîchage, dans la forêt classée de Mbao où je dispose depuis 2007, d’une parcelle, grâce à l’appui de la direction des Eaux et forêts’’, a-t-elle justifié.Assise par terre, son petit-fils sur ses cuisses, elle dit, se rendre tous les matins à partir de 7 heures, pour arroser ses plantes avec ses enfants.‘’Nous enlevons également les mauvaises herbes, semer des semences, etc., notre travail ici, consiste aussi à semer des graines ’’, a-t-elle ajouté, précisant que le désherbage précède l’arrosage des plantes. Elle a souligné qu’elle fait ce travail qui demande beaucoup d’efforts et de la volonté depuis longtemps pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille. Fatou Badji, membre du groupement OULIIKAA, entrain de désherber son champ Pour cela, elles écoulent leurs récoltes de légumes au marché Thiaroye de Dakar, a dit Mme Badji, estimant que cette forêt représente aussi un grenier agricole pour la région de Dakar. Elles gagnent jusqu’à 200 mille francs CFABintou Sonko, une des filles de Fatou Badji et présidente de l’association ++Ouliikaa++, a expliqué de son côté, qu’il arrive qu’elles gagnent sur le marché beaucoup d’argent comme des pertes par saison.‘’ Mais, il est hors de question pour nous de s’arrêter. On ne peut pas s’arrêter à cause des pertes. Nous continuons de travailler, car c’est notre passion et notre moyen de survie’’, a déclaré Mme Sonko. Marième Badiane, secrétaire générale de l’association a indiqué qu’avec une production moyenne de 2 tonnes de tomates, elles gagnent, jusqu’à au moins 200 mille francs CFA. ‘’ Avec cet argent, nous prenons en charge nos dépenses d’eau, de transport des légumes, d’engrais, etc., avant de dégager les bénéfices’’, a-t-elle précisé, plaidant pour la réalisation d’un forage dans l’enceinte de la forêt.Selon, elle, ‘’l’accès difficile à l’eau demeure, un des plus grands soucis des maraîchères de la forêt classée de Mbao’’.Poursuivant, notre progression dans la forêt, nous franchissons, avec l’équipe du sous-lieutenant Fatou Gaye, le seuil d’un autre jardin érigé sur 1,5 hectare.Il s’agit d’une parcelle appartenant au groupement des femmes de Fass Mbao, un quartier de la commune de Diamaguène Sicap Mbao.A l’entrée du jardin, on aperçoit à l’autre bout, un groupe de tisserands franchissant à peine le troisième âge. En torse nu pour certains, ces hommes âgés, confectionnent des tissages artisanaux avec des fils.Au milieu du jardin, se trouve un grand puits, entouré de planches arrosées laissant dans l’atmosphère une odeur de sol humide.Marie Mbaye, présidente du groupement, a magnifié l’exemplarité de la collaboration existante entre les groupements de femmes et les agents des Eaux et Forêts de Pikine.Des membres du groupement des femmes de Fass Mbao ‘’Les agents sont toujours à nos côtés. Ils nous aident dans le cadre de nos activités à acquérir des connaissances techniques agricoles’’, a-t-elle salué.Grande de taille avec une noirceur d’ébène, Mme Mbaye indique que leur groupement compte 22 femmes appuyées dans leurs activités par des travailleurs journaliers.Dans le cadre de cette collaboration avec les service forestier de Mbao, il est strictement interdit d’utiliser des engrais chimiques dans les périmètres maraîchers. L’objectif visé à travers cette mesure, est de préserver la nature des sols cultivables et de l’environnement de la forêt classée de Mbao.. Une agriculture résiliente et écologiqueL’union des femmes pour le développement de KambL’union des femmes pour le développement de Kamb, (UFDK), un village limitrophe à la forêt classée de Mbao, en est une parfaite illustration, dans la préservation de l’écosystème de cette aire protégée.Propriétaire d’un des plus grands jardins aménagés, on y trouve plusieurs variétés d’arbres et cultures.Sur place, il y a une grande paillote en face de l’entrée du jardin, où plusieurs femmes et hommes sont au travail. Le jardin dispose aussi d’une mini pépinière.Bineta Wane, présidente de ce groupement, indique que le travail se fait de 7 heures à 10 heures dans la matinée puis le soir, de 17 heures à 19 heures voir jusqu’à 23 heures.La convivialité entre les membres du groupement, fait que le travail peut aller jusqu’à des heures tardives, a-t-elle relevé.Elle a rappelé que leur groupement, avait en 2005, comme fond de départ, seulement 6500 FCFA, pour 500 mètres carrés aménagés. ‘’Aujourd’hui, l’UFDK, fait partie des groupements, les plus célèbres de la région de Dakar avec des recettes de l’ordre de 800 mille francs pour 2 hectares aménagés ’’, s’est-elle réjouie, relevant que ses membres, parviennent aujourd’hui à subvenir à leurs besoins grâce au maraichage.Aujourd’hui, elle dit, regretter son engagement tardif dans cette activité.‘’Si j’avais commencé un peu plutôt à l’âge de 30 ou 35 ans, aucun de mes enfants, n’aurait souffert autant à l’époque. Mais aujourd’hui grâce à cette activité, j’ai pu accompagner deux d’entre eux à l’école jusqu’à l’obtention du baccalauréat ’’, a-t-elle témoigné, pendant que des femmes arrosent des planches tout en fredonnant quelques chants pour amuser la galerie. Les femmes du groupement ont offert aux visiteurs du jour, une séance de dégustation de papayes et de cerises vertes et aigres, dans la gaieté. AMN/AB/SKS
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