La Dakar, 6 juin (APS) – La révision du curriculum est devenue une ‘’demande sociale’’ formulée par des organisations de la société depuis les Assises nationales de l’éducation en 2014 et réaffirmée par la crise sanitaire qui a fait sentir qu’il y avait ‘’un encyclopédisme qui ne disait pas son nom, parce que les enfants étaient surchargé’’, indique le directeur exécutif de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (COSYDEP), Cheikh Mbow, déplorant un ‘’bourrage devenu inquiétant’’.

Des syndicats, et récemment des apprenants à Diourbel, ont battu le macadam, pour réclamer l’allégement des programmes.

‘’Il y a une exigence de réadapter nos curricula à nos réalités. Ce qui pose problème, c’est que cette décision du ministre arrive juste après cette manifestation d’élèves à Diourbel’’, a regretté Cheikh Mbow. Il rappelé que ‘’des organisations de la société civile, des gens plus mûrs, des partenaires, avaient réclamé cette révision et n’ont jamais été entendus’’. Il a fallu une grève des élèves, pour que le ministère de l’Education choisisse de communiquer pour annoncer cette révision, a-t-il regretté.

‘’C’est une bonne chose, mais en terme d’image, cela pose problème parce pour être entendu, il faut être dans la rue, il faut manifester. Pourtant, cette demande était confortée par des études réelles à travers des processus responsables pour demander à ce qu’on aille vers ces réformes’’, a rappelé le directeur exécutif de la Cosydep, une structure qui regroupe une cinquantaine d’organisations actives dans le secteur de l’éducation, dont des organisations de parents d’élèves et des syndicats d’enseignants.

L’histoire des réformes montre que durant les années d’indépendance, a relevé le président de l’Union nationale des parents d’élèves du Sénégal, Abdoulaye Fané, ‘’il y avait cette école qui nous disait +notre mère la France+, qui nous parlait de nos ancêtres les Gaulois, où il y avait un prolongement du système éducatif de la France qui a gouverné notre pays durant les premières années d’indépendance’’.

‘’Les premières réformes sont survenues en 1962 où le Sénégal a essayé de revoir les programmes. Et après, on a un peu plus avancé vers les années 1971 qui est aussi une date repère, où on a essayé de revoir les contenus pour avoir une entrée par les contenus, puis on a eu Mai 1968, où nous avions un programme fondamentalement marqué par un bourrage avec l’objectif de donner un maximum de connaissances aux enfants avec une approche disciplinaire’’, a-t-il expliqué.

C’était un enseignement généraliste mettant l’accent sur des éléments de contenu. Dans les 1980, il y a eu l’entrée par les objectifs fortement soutenue par feu Pr Iba Der Thiam avec les états généraux de l’Education qui constituent une étape phare du système éducatif.

L’évaluation, une ‘’étape fondamentale avant la réforme’’

Mais, le problème fondamental avec toutes ces réformes, c’est qu’elles n’ont jamais fait l’objet d’une véritable évaluation, déplore Abdoulaye Fané, donnant l’exemple des écoles pilotes introduites par Iba Der Thiam lorsqu’il dirigeait le ministère de l’Education, sous le régime d’Abdou Diouf. Ces écoles n’ont jamais été ni généralisées ni évaluées. Plus tard est venue l’approche par les compétences.

Dans le cadre de la révision qui est annoncée, il ne faudrait pas qu’on saute l’étape de l’évaluation de l’approche par les compétences, mettent en garde les acteurs de l’école interrogés sur la révision en vue.

‘’Il faut systématiser l’évaluation, apprendre de ce que nous avons vécu pour pouvoir nous projeter dans l’avenir, autrement nous allons vers un pilotage à vue, on sera dans de la réaction parce que toutes les réformes ont été des demandes extérieures de partenaires, de syndicats, et cette fois-ci, c’est une demande des apprenants’’, a relevé Cheikh Mbow.

Pour le directeur exécutif de la Cosydep, ‘’il est essentiel qu’on puisse comprendre qu’il nous faut d’abord entrer par une évaluation objective, profonde de ce que nous sommes en train de vivre du programme actuel avant de nous lancer vers un nouveau programme’’. Selon lui, ‘’on ne peut pas simplement nous suffire de perception pour aller vers le changement de programme’’.

‘’Cette évaluation faite, [cela] nous permettra de comprendre qu’il faut renforcer les capacités des enseignants par rapport à l’approche par les compétences, (APC) qui exige une bonne maîtrise des connaissances’’, estime Amidou Diédhiou du SELS. L’APC, qui est une excellente innovation, comporte des aspects très appréciés par la communauté, selon lui. ‘’Dans l’évaluation, recommande-t-il, il faudra aussi aborder la question des manuels scolaires qui sous-tendent les approches ou autres démarches pédagogiques.’’

Pour le secrétaire général du Syndicat des inspecteurs, Alcantra Sy, ‘’l’approche par les compétences, qui est de rigueur, n’est même pas suffisamment évaluée avant de passer à autre chose’’. ‘’Nous faisons partie de ceux qui ont la conviction que le système devrait être bien carapacé des jeux d’acteurs et ne doit pas être l’affaire de régime et de partis. Il est essentiel qu’on soit plus inclusif, plus participatif pour protéger le programme et qu’il ne fasse pas l’objet à chaque fois de retouche’’, a-t-il conseillé. Il ne s’agit pas de réviser pour couper une partie de programme, ‘’c’est une question aussi qui a un coût financier important’’.

En effet, la construction du curriculum par l’approche par les compétences en cours a pris quinze années pour un coût de 12 milliards de francs Cfa, rien que pour la réécriture du programme et la formation des enseignants, rappelle l’Inspection générale de l’Education et de la formation (IGEF). Cette réforme a coûté également des investissements techniques importants avec un groupe de 40 inspecteurs et 10 enseignants choisis pour la réécriture.

‘’Il nous faut certes une réforme, mais il faudra y mettre toutes les formes et respecter tout le processus pour garantir un curriculum solide qui pourra exister longtemps et traverser les temps’’, soutient Cheikh Mbow, qui a fait partie de l’équipe de récriture.

‘’Il ne faudrait pas qu’à chaque fois qu’il y a un changement de ministre ou de régime, le système éducatif fasse l’objet d’un bouleversement’’, estiment les acteurs. Pour eux, ‘’cet exercice doit être suffisamment inclusif, le citoyen lambda pouvant poster ces préoccupations’’.

Il est essentiel que cet exercice puisse permettre à chacun de contribuer, de repenser le programme, de le mettre dans le cadre d’une chaîne d’interventions, voir quelles devraient être les finalités.

L’idée est d’arriver à réfléchir au cours du processus sur ce Sénégal qu’on voudrait dessiner, le Sénégal dans vingt, trente ans, bâti par des femmes et des hommes formés à l’école sénégalaise.

Pour le président de l’Union nationale des parents d’élèves du Sénégal (UNAPES), Abdoulaye Fané, la révision du curriculum est une question déterminante, car elle est une des conditions des bonnes performances de l’École sénégalaise.

‘’Notre proposition est la tenue d’assises sur cette réforme, et la meilleure démarche serait la rédaction de termes de références prenant en compte les attentes des familles d’acteurs’’, a souligné le président des parents d’élèves, proposant la tenue dans chaque région d’une réunion de concertation. Les conclusions de ces rencontres pourront servir de documents de référence pour la tenue des Assises nationales, a suggéré Abdoulaye Fané.

”Les réformes partiront d’un état des lieux qui prendra en compte le préscolaire jusqu’à l’université. La durée et les contenus devront être réexaminés par les spécialistes et tout cela adossé à nos valeurs et aux exigences du contexte’’, a-t-il suggéré.

Pour M. Fané, les enseignements ont évolué et l’école du futur prendra en compte forcément le numérique qui doit être enseigné dans les Centre régionaux de formation des personnels de l’éducation (CRFPE) et à la la Faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (FASTEF). Les élèves et étudiants devraient être associés à ces rencontres, car ils seront les premiers bénéficiaires de ces réformes, a-t-il ajouté.

ADL/OID/ASG/AKS

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