Par Serigne Mbaye DraméDakar, 18 (APS) – La polémique soulevée par le candidat à l’élection présidentielle du 25 février 2024 Thierno Alassane Sall sur une supposée double nationalité, française et sénégalaise de Karim Wade, également candidat, continue d’alimenter les débats sur les réseaux sociaux. Une discussion juridico-politico-administrative offrant l’occasion de revenir sur l’évolution de la législation sénégalaise en matière d’attribution, d’acquisition, de perte ou de déchéance de la nationalité.ContexteL’homme politique et candidat déclaré à l’élection présidentielle du 25 février prochain, Thierno Alassane Sall a effectué, en début de semaine, des sorties sur la double nationalité, sénégalaise et française, de l’ancien ministre d’Etat, alors que la Constitution postule que « tout candidat à la présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise ».Mamadou Aw, le coordonnateur des cadres de la République des valeurs, le parti politique de Thierno Alassane Sall, a déposé un recours au Conseil constitutionnel contre la candidature de Karim Wade. Ce dernier, à travers ses militants, a indiqué avoir renoncé à sa nationalité française.Dans son édition du 17 janvier, le journal officiel de la République française a rendu public le Décret du 16 janvier 2024 »portant naturalisation, réintégration, mention d’enfants mineurs bénéficiant de l’effet collectif attaché à l’acquisition de la nationalité française par leurs parents, francisation de noms et de prénoms et libération de l’allégeance française ».L’article 2 de ce texte signé par le Premier ministre Gabriel Attal et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin stipule: »Sont libérés de leur allégeance à l’égard de la France les Français dont les noms suivent : (…) WADE (Karim, Meïssa), né le 01/09/1968 à Paris 15e (75015) ».Karim Wade est le fils de l’ancien président de la République du Sénégal Abdoulaye Wade (2000-2012). Il a acquis la nationalité par l’un des parents, sa mère qui est française.Attribution, acquisition et perte de la nationalité sénégalaise, que dit la législation ?La République du Sénégal s’est dotée depuis 1961 d’une législation sur la nationalité, par laquelle il a décidé d’attribuer la nationalité sénégalaise à tous ceux qui se trouvaient sur le territoire national au moment de son indépendance en 1960 par le biais d’un droit du sol (jus soli).Pour prendre en considération certaines difficultés posées par le critère des coutumes en vigueur au Sénégal dans l’octroi de la nationalité aux communautés libanaises, la législation va connaître une première évolution avec l’adoption en 1972 d’un Code de la famille au Sénégal. Selon un rapport du centre d’études avancées Robert Schuman, datant de juillet 2021, la réforme la plus récente intervenue dans ce domaine est celle de 2013 qui a supprimé « les discriminations dont les femmes étaient victimes dans la transmission de la nationalité sénégalaise par le mariage, la descendance et l’adoption, et la discrimination fondée sur la naissance dans ou hors mariage ». Ainsi aux yeux de la législation, est sénégalais :la personne née au Sénégal d’un père ou d’une mère nés au Sénégalla personne dont le père ou la mère est sénégalaisla personne mineure non mariée dont le père ou la mère a acquis la nationalité sénégalaise par naturalisationComment disposer de la nationalité sénégalaise ?Outre la nationalité par le droit du sol, la loi sénégalaise prévoit deux manières d’acquérir la nationalité.Il s’agit de l’acquisition par décision de l’autorité publique (naturalisation) et l’acquisition par mariage. Selon le site du ministère de la Justice, cette procédure administrative concerne « toute personne étrangère âgée de 16 ans au moins ayant résidé au Sénégal pendant une durée de 10 ans ». Quant à l’acquisition de la nationalité sénégalaise par voie de mariage, elle est réservée à « toute étrangère mariée à un Sénégalais ou un étranger marié à une Sénégalaise ». En effet, depuis 2013, « la femme sénégalaise, au même titre que l’homme sénégalais, peut transmettre sa nationalité à son époux étranger après cinq années de mariage ».Perte et déchéance de la nationalité sénégalaiseEn droit sénégalais, « la perte de la nationalité est la conséquence de l’acquisition ou de la possession d’une nationalité étrangère », tandis que la déchéance est « la privation de la nationalité en tant que sanction d’un défaut de loyalisme envers l’État sénégalais ou d’une condamnation à une peine sévère ».Qui peut demander la renonciation à la nationalité sénégalaise ?Est concerné par cette disposition, tout citoyen sénégalais résidant à l’étranger dont la loi du pays d’accueil l’autorise à prendre la nationalité et l’oblige en même temps à renoncer à sa nationalité d’origine, peut-on lire sur le site internet du ministère de la Justice.La loi sur la nationalité sénégalaise de 1961 comportait des « dispositions spéciales transitoires », devant permettre aux personnes originaires des anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne et des pays voisins « d’acquérir la nationalité sénégalaise par option, mais seulement pendant une très courte période de trois mois après l’entrée en vigueur de la loi », explique un rapport du centre d’études avancées Robert Schuman.Que dit la législation française sur la perte et le renoncement à la nationalité française ? Selon le site du ministère français de l’Intérieur et des Outre-mer, la loi française prévoit deux voies pour la perte volontaire de la nationalité en France: une procédure déclarative du concerné et une procédure de perte par décision de l’autorité publique.Selon le code civil français, la procédure déclarative réserve le droit de perdre la nationalité française par « déclaration à la personne majeure de nationalité française qui réside habituellement à l’étranger et qui a acquis volontairement une nationalité étrangère ». Elle peut être souscrite à partir du dépôt de la demande d’acquisition de la nationalité étrangère et, au plus tard, dans le délai d’un an à compter de la date de cette acquisition, indique-t-on.La perte de la nationalité française par décret, également appelée « libération des liens d’allégeance envers la France », est prévue par l’article 23-4 du code civil. Elle relève de la compétence du ministère de l’Intérieur.SMD/SBS/OID/ASG
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