De l’envoyé spécial de l’APS à Ankara, Alioune Diouf

Ankara, 21 juil (APS) – A 9 heures 15, la quinzaine de journalistes venus d’Afrique, d’Asie et de l’Europe de l’Est prennent le départ pour le centre de simulation de tremblement de terre de l’AFAD, l’organisme public turc en charge de la gestion des catastrophes et qui relève du ministère de l’Intérieur turc, à bord d’un bus qui les attendait devant l’hôtel où ils logent au centre-ville d’Ankara.

Il s’agit d’aborder le volet pratique de leur atelier dédié au “Journalisme en période de catastrophe”. Après une courte escale à l’Agence de presse turque Anadolu pour prendre des journalistes turcs et les agents de l’Agence turque de coopération et de coordination (TIKA), la voiture repart pour plus d’une demi-heure.

Le trajet offre une vue panoramique de la capitale turque où le béton cohabite harmonieusement avec la verdure.  Ankara, l’ancienne Angora sous l’empire ottoman, toujours ancrée dans ses traditions, ne s’en ouvre pas moins à la modernité.

Ses larges avenues verdoyantes, ses grands monuments, tunnels et places publiques, mais aussi ses gratte-ciel et mosquées aux minarets en coniques sous forme de fusée, défilent sous les yeux du visiteur, qui ne sent pas tellement le temps passer. Ces chaînes d’immeubles rosâtres aux toits en tuile orange, érigés sur les flancs des collines, ne manquent pas non plus d’attirer l’attention.

A mesure que s’approche du centre de simulation de tremblement de terre, le décor devient plus pastoral, avec l’apparition d’espaces agricoles.

Créé en 2009, l’AFAD a installé son quartier général, le directoire de la gestion des urgences et des désastres, qui abrite un centre d’entrainement et de simulation de tremblement de terre, dans cette partie excentrée de la ville, loin du cœur-battant d’Ankara, avec ses cafés, boutiques, hôtels et autres magasins grouillants.

En plus de la coordination des opérations de secours en cas de catastrophe, l’AFAD accorde beaucoup d’importance à la formation, aussi bien au profit des écoliers, des ONG, que des forces de dépense et de sécurité – police, gendarmerie, armée, mais aussi sapeurs-pompiers.

Le centre de simulation de tremblement de terre est composé de bâtiments administratifs, d’un réfectoire, d’un dortoir, d’une aire de repos, de deux mini-amphithéâtres, et de sites d’entraînement. Il s’agit d’un champ de décombres, d’un simulateur de tremblement de terre, d’une tour de sauvetage et d’une chambre à gaz et à fumée.

Il ne désemplit pas, notamment en ce moment où des équipes de secouristes sont toujours en action au Sud de la Turquie, à Hatay, la province la plus touchée, à 681 km de Ankara, pour être au chevet des victimes du tremblement de terre du 6 février dernier. Un séisme qui a mobilisé des secouristes venus de partout dans le monde.

Le site est un vaste espace avec des containers, des abris en structure métallique et des tentes géantes. En cette matinée du jeudi, l’endroit fourmille de monde.  Vêtus de leurs uniformes de secouristes aux couleurs vives – vert, orange et rouge, ils s’attellent à différentes tâches liées aux phases du sauvetage de victimes. Certains étalés sur le sol, dorment à poings fermés. La fatigue se lit sur les yeux de ceux qui sont en éveil, et qui ne cachent pas leur surprise de voir débarquer des journalistes dont certains se mettent à les filmer ou les photographier.

Les journalistes et autres agents d’appoint de la TIKA ont droit à une présentation théorique, suivie de questions dans un mini-amphithéâtre pendant environ deux heures. Elle porte entre autres, sur la différence entre un désastre et une urgence, les mesures de sécurité à prendre avant pendant et après le tremblement.

Il faut par exemple, note Ramzan Ilhan, le responsable du centre de simulation de tremblement de terre, avoir un plan familial de sécurité bien élaboré avant le séisme : identifier un numéro à appeler hors de la zone à risque qui s’étale sur une ligne de front de plus de 100 kilomètres au sud-est de l’Anatolie, connaître les numéros verts, avoir un kit de survie bien gardé à la sortie du bâtiment.

Ilhan iniste sur la nécessité de fixer tous les meubles aux murs et sortir du bâtiment tout ce qui n’est pas utilisé, définir un espace de sécurité entre autres mesures à prendre.

“L’Etat est responsable de votre survie, trois jours après la catastrophe, en attendant vous devez vous battre vous-mêmes”,  relève-t-il.  Une déclaration qui semble cynique et terrible à entendre, mais qui reflète la réalité, étant donné l’ampleur de ces cataclysmes, où les routes sont coupées, parfois les moyens de communication, bien que momentanément.

Pendant la secousse, il faut se mettre à terre, “se faire petit”  et ne pas se mettre à côté des meubles lourds pouvant tomber, note Ilhan.  Aussitôt après couper le gaz et sortir du bâtiment tout en vérifiant que personne n’est laissé derrière.

Une idée de ce que peut être un tremblement  de terre

Dans un “pays de tremblement de terre” comme la Turquie, comme le qualifie l’un des formateurs, l’AFAD tente de cultiver cette conscience de la menace dans toutes les couches de la population, en mettant au point une charte pour faire face aux désastres. Elle compte trois axes principaux : apprendre, planifier et se préparer.

Par petits groupes, les journalistes se constituent en famille dans un containeur meublé en espace familial  dédié à la simulation. Reposant sur des roulettes le container est secoué grâce à une traction électrique selon la magnitude voulue.

Même avec une magnitude de 3, les participants ont pu avoir une petite idée de ce qu’est un séisme. La réaction des membres des deux premières équipes sont rectifiées. Le gaz de la cuisine n’a pas été coupé avec risque d’incendie, tous membres de la famille qui se regroupent sur un même lieu sans aucun espace de sécurité, ou encore le père qui s’enfuit du bâtiment, sans se soucier des autres membres de sa famille.

Même si le tremblement de terre arrive en dernier en termes de fréquence, dans le pays derrière les inondations, les glissements de terrains, les feux de forêts, il provoque plus de pertes de vies humaines et de dégâts matériels, relève Ilhan.

A la sortie du cours théorique, les participants rejoignent les volontaires dans la pratique. Sous l’œil vigilant de leurs formateurs, un groupe de volontaires s’active à tour de rôle à découper dans les murs ou des dalles affaissés, un carré pour permettre aux secouristes de s’y introduire et aller chercher les personnes coincées à l’intérieur.

Un bâtiment dont la construction reproduit les conditions des décombres après un séisme, est dédié à l’exercice. “Seuls les blessés et les corps manquent pour reproduire la réalité” d’un champ de décombres, dit l’instructeur.   Il a vu passer des cohortes de volontaires qu’il forme, avant leur déploiement sur l’un des 11 provinces touchées par le séisme.

De l’autre côté, un homme portant un baudrier, grimpe à mains nues vers le haut de la tour d’environ quatre étages. Trois gaillards tiennent au sol l’autre extrémité de la corde attachée à son équipement et pendant du haut du balcon de la tour. En s’agrippant agilement à des objets fixés au mur de la tour, Yousouf, un jeune volontaire turc au petit gabarit, est l’un des rares à atteindre, sans faute, le sommet.

Applaudi et acclamé, il en redemande à la descente, déclenchant des rires fous. Une hilarité qui n’a rien à voir avec le sérieux qui entoure la tâche qui les attend dans une zone sismique, où plus de 50.000 personnes ont trouvé la mort dans les décombres.

Un peu plus loin, au pied de l’immeuble, d’autres apprenants agglutinés autour de leur formateur,  suivent attentivement comment il enroule une corde autour d’une soi-disant  victime  enveloppée dans une couverture et couchée sur une civière. La leçon vise à montrer comment faire descendre une victime du haut d’un immeuble.

A leur tour, trois femmes journalistes respectivement de la Croatie, du Monténégro et du Liban, se portent volontaires pour s’essayer à la montée, mais elles retombent très vite.  Le plus jeune du groupe, le journaliste kazakh, Yerdana prend la relève et sauve l’honneur de la presse. Même s’il n’arrive pas au sommet, il dépasse la moitié du trajet, avant de redescendre pendant au bout de la corde, tout épuisé. Le groupe finit par le surnommer “Spiderman”.

A l’image de la formation de journalisme de guerre dispensée par l’Académie de l’Agence Anadolu, cette session a pu mettre des hommes de média dans la situation du secouriste, et leur faire expérimenter la difficulté de ses conditions de travail. Ce qui pourrait à coup sûr changer le regard qu’ils porteront à l’avenir sur le travail de ce dernier et la manière dont ils traiteront les informations le concernant.

ADI/MTN

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