SENEGAL-SANTE-RECIT
Par Ndèye Suzanne Sy
Dakar, 12 juin (APS) – Des personnes souffrant de la tuberculose sont revenues pour l’APS sur les péripéties de leur vie avec cette maladie infectieuse et contagieuse.
Sidy Fall, consommateur de tabac est l’une d’elles. Du fait de sa pathologie qui lui cause des douleurs atroces à la poitrine, il est contraint de s’isoler. La quarantaine bien sonnée, il a été infecté par le bacille de Koch lors de la fête de Tabaski de l’année dernière, dit-il. Face à la persistance des douleurs, il a décidé de tourner le dos aux mondanités, de s’isoler et de se concentrer sur son traitement pour guérir.
“Au début, je ne faisais que tousser. Je passais la nuit à tousser jusqu’au petit matin. La journée également, je continuais à tousser. La situation devenait inquiétante. L’année dernière, le jour de la Tabaski, de retour de la mosquée, je ne pouvais même pas arpenter les marches des escaliers”, soutient-il.
La toux s’accompagnait chez lui de douleurs. “J’avais mal à la poitrine. J’étais obligé de mettre ma main droite sur ma poitrine pour monter les escaliers. Je n’ai même pas pu immoler le mouton de la Tabaski, une tradition que j’ai toujours respectée, à cause des douleurs”, raconte ce tuberculeux.
Comme la douleur persistait, il s’est résolu à se faire consulter en se rendant au centre de santé une semaine après la fête de la Tabaski. “Sur place, raconte-t-il, on m’a fait faire des analyses et une radiographie qui ont révélé que j’avais contracté la tuberculose”.
Sidy Fall a été ainsi orienté vers le centre de santé Baye Talla Diop, ex-Dominique, à Pikine, dans la région de Dakar, où sont pris en charge les malades souffrant de tuberculose. Il y a été placé sous traitement, après une radiographie et un test du crachat. “J’étais exténué lorsque je suis arrivé au centre de santé. Je grelottais. J’avais perdu énormément de kilos. A la pesée, je faisais 41 kilos”, se remémore-t-il.
Aux origines du mal : tabac, alcool, substances psychoactives et promiscuité
“Grace aux prescriptions médicales, pas de tabac, interdit d’alcool et de substances psychoactives, j’ai pu retrouver un poids normal”, ajoute Sidy Fall, gros fumeur devant l’éternel. “A la plage, je fumais avec des amis et on se partageait les mêmes tiges de cigarette. C’est là que j’ai chopé le virus”, dit-il.
Pour se soigner, il devait impérativement s’isoler. “Je suis resté isolé trois mois. Je dormais à la terrasse de la maison. Je ne voulais pas contaminer ma femme et mes enfants”, confie Sidy Fall. Chaque matin, au réveil, il désinfectait avec de l’eau de javel partout où il passait, ouvrait toutes les fenêtres de la maison pour ensoleiller les lieux, respectant en cela les préinscriptions médicales.
Si dans le cas de Sidy Fall le partage de cigarettes a été la source de contamination, Macky Diallo a été lui piégé par la promiscuité. Cet adolescent de 17 ans, venu dans la capitale pour chercher du travail, a été contraint de vivre dans une demeure peu éclairée où il a attrapé la tuberculose. “Il y a quelques mois, de retour de Kolda, je sentais que j’avais de la fièvre et je prenais froid”, raconte-t-il.
Il ajoute : “La douleur était tellement intense que j’ai écourté mon travail pour rentrer à la maison. J’avais mal au niveau de la poitrine, sur le côté gauche notamment. Un mois durant, je me couchais sur le côté droit. Je toussais au point de vomir”.
Puisque la douleur devenait insoutenable, il s’était résolu à se rendre à l’hôpital. “On m’a orienté au centre de santé de Pikine pour faire le test revenu positif. Je ne dormais pas la nuit à cause des douleurs. Je restais éveillé jusqu’au lever du jour”, raconte Macky Diallo.
Douleur et essoufflement
Interpellé sur l’origine de sa contamination, il évoque la promiscuité. “L’immeuble où je logeais est surnommé ‘’bateau Joola’’, en allusion à ce navire sénégalais qui a chaviré en septembre 2002 au large des côtes sénégalo-gambiennes, explique l’adolescent. ‘’J’avais cherché en vain une chambre. Devant l’incapacité d’en trouver une, on m’a orienté vers le ‘’Joola’’, le seul endroit où je pouvais avoir un toit”.
L’immeuble en question est une bâtisse “imposante et sombre”, dont les fenêtres se trouvaient à l’intérieur de la maison, ce qui fait que “le soleil ne pénétrait pas la demeure”. “On n’aperçoit pas le soleil lorsqu’on se trouve à l’intérieur de la maison. Et dans une chambre, on pouvait se retrouver à plusieurs personnes”, confie Macky Diallo.
L’adolescent est parvenu à se rétablir peu après avoir été placé sous traitement, parvenant même à reprendre ses activités. “C’est lorsque j’ai entamé le traitement que j’ai commencé à retrouver l’appétit. Je suis à mon quatrième mois de traitement et je rends grâce à Dieu. J’ai repris le travail. Je pensais que j’allais y passer”, dit-il avec le sentiment de l’avoir échappé belle.
Une situation que vit actuellement un autre malade ayant voulu témoigner sous l’anonymat. Teint clair, 1 mètre 75, mince, ce tuberculeux exerçant le métier de tailleur, visiblement mal en point, revient sur son combat avec la tuberculose.
“J’ai du mal à parler à cause de la maladie. Il y a des mois, lorsque les signes apparaissaient, j’avais de la fièvre et je maigrissais de jour en jour. Cela m’avait poussé à venir au centre de santé de Guédiawaye où je suis suivi”.
Il dit ignorer comment il a été contaminé mais trouve que la tuberculose a cela de particulier qu’elle empêche de mener correctement la moindre activité, à cause de la fatigue, de l’essoufflement et de la douleur.
Dans la banlieue dakaroise, à Guédiawaye et Pikine, notamment, la tuberculose ressemble à un fléau qui se propage assez rapidement. Selon les données des points focaux chargés de sa prévention et de son traitement, rien que pour le premier trimestre de cette année, 500 cas ont été enregistrés.
NSS/BK/ABB/ASG