SENEGAL-GOUVERNEMENT-PROFIL
Dakar, 7 sept (APS) – L’avocat Mouhamadou Bamba Cissé dont le nom résonne dans les prétoires et dans les médias a été nommé, samedi, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, succédant ainsi au Général Jean Baptiste Tine au poste depuis la formation du premier gouvernement sous l’ère du président Bassirou Diomaye Faye et du chef du gouvernement Ousmane Sonko.
Bamba Cissé s’est très tôt imposé par son éloquence séduisante. Son visage juvénile contraste avec son statut acquis de hauts et célèbres dossiers judiciaires qu’il a défendus de main de… maître.
Avant Ousmane Sonko et d’autres responsables de PASTEF, Bamba Cissé a été en première ligne dans le dossier de Madinatoul Salam impliquant feu Cheikh Béthio Thioune qu’il a défendu avec Ciré Clédor Ly. Dans l’affaire dite de la Caisse d’avance de la Ville de Dakar, il était le conseil d’un des co-accusés de Khalifa Sall, en l’occurrence Mbaye Touré.
Récemment, c’est à lui également que le juge constitutionnel, Cheikh Ndiaye, a fait appel pour déposer une plainte pour ”outrage à magistrat, diffamation, discrédit sur une décision de justice”, entre autres infractions.
M. Ndiaye était accusé de corruption, avec son collègue Cheikh Tidiane Coulibaly, par des membres du Parti démocratique sénégalais (PDS), dans une déclaration non signée, après l’invalidation de la candidature de Karim Wade à la Présidentielle de 2024.
La robe noire n’a jamais été trop ample pour cet ancien secrétaire de conférence et lauréat du premier prix des Barreaux Francophones d’Afrique. Elle est un sur-mesure pour ce svelte, mais de taille élancée.
En 2003, il est inscrit au Barreau et devient presque un bourreau pour ses adversaires au prétoire. Il doit sa fertilité à sa maitrise en sciences juridiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
Me Cissé a côtoyé et continue de côtoyer des procéduriers comme Me Ciré Clédor Ly ou encore feu Cheikh Khoureyssi Ba, avec qui il a défendu Ousmane Sonko dans ses différents dossiers depuis 2021. Et avant.
Une vieille connaissance de Sonko
Le nouveau ministre de l’Intérieur n’est pas qu’un avocat du leader de PASTEF, le parti au pouvoir.
Sonko qu’il a qualifié de ”phénomène politique”, et de ”l’homme le plus remarquable dans l’histoire politique du Sénégal”, lors de l’émission Grand Jury de la RFM (radio privée) en 2024, est une connaissance de plus d’une vingtaine d’années.
”Je le connais depuis 2002. Nous avions, ensemble, fait le doctorat en droit à l’UCAD. Moi, je n’ai pas continué le doctorat d’Etat et lui était à l’université [Gaston Berger] de Saint-Louis. Il est venu me rejoindre à l’UCAD pour faire le doctorat d’Etat en sciences politiques”, racontait Me Cissé.
Il est présenté comme un homme disposant d’une ”pratique pointue à la fois en droit pénal, en procédure pénale, en droit civil et procédure civile sénégalaise” et ”intervient dans tous les domaines du droit bancaire, social, civil et commercial”. Ce qui lui vaut un solide carnet de clients ”VIP”. C’est un homme profond, adepte des citations de grands penseurs, qui appuient sa rhétorique à la barre.
As des joutes oratoires
Bamba Cissé, c’est la parole intelligible et la plume exquise, comme ses hommages à ses défunts confrères Mes Papa Ndiaye et Mbaye Jacques Ndiaye, des textes témoins de sa haute teneur intellectuelle. Et ce n’est pas pour rien qu’il est aussi membre de l’Union internationale des avocats et d’avocats sans frontière, section Sénégal.
Code pénal et de Code de procédure pénale pliés pour ne jamais se perdre dans ses articles, les va-et-vient de tribun, les regards perçants sur les prévenus ou sur les juges pour convaincre, Me Bamba Cissé est un as des joutes oratoires. Dans les salles d’audience et en dehors des tribunaux.
Sa dernière répartie est intervenue après la sortie de Me Aïssata Tall Sall sur l’abrogation de la loi d’amnistie des faits de 2021 et à 2024. Il avait souligné ”la grosse erreur” d’appréciation de l’avocate, membre de l’opposition. Me Sall avait avancé le principe des ”droits acquis” et celui de la ”non rétroactivité” de la loi d’amnistie, demandant à son ”petit frère, Bamba, de savoir raison garder”. Mais charriant son jeune confrère qui, selon elle, ”reste un gentleman” et la ”star” des nouveaux dirigeants du pays.
”La politique est une affaire de seigneurs”
Le nouveau ministre de l’Intérieur aura la charge d’organiser des élections et reçoit déjà des critiques de certains opposants qui dénoncent sa proximité avec le Premier ministre et leader de PASTEF, présumant une absence de neutralité.
Me Bamba Cissé est de ceux qui abhorrent ”l’ambiance de campagne électorale permanente”, comme il l’avait dit dans un entretien avec Dakaractu, un site d’informations privé, en 2015.
Pour lui, ”un parti qui gouverne et un autre qui s’oppose, quoi de plus normal dans une République”, estimant que l’essentiel est que ”les acteurs en cause fassent preuve de respect mutuel, de dépassement et d’humilité”.
Bref, l’avocat pense que les invectives ne sont pas d’une ”grande utilité dans un débat d’idées” et que ”la politique est une affaire de seigneurs”.
Il est convaincu que le Sénégal a une justice de qualité. ”Je pense très honnêtement que le Sénégal a une justice de qualité avec des magistrats bien formés et de bons avocats. Le reste se rapporte à une affaire personnelle, une affaire d’état d’esprit, notamment lorsqu’il est question de l’indépendance du magistrat”, avait-il martelé à Dakaractu.
Dans le débat sur le maintien ou non du chef de l’Etat au Conseil supérieur de la magistrature, Me Bamba Cissé, une voix très écoutée par les responsables de PASTEF, avait estimé que ce serait ”une grosse erreur de sortir le président de la République” de cette instance, relevant que la présence de ce dernier ”n’est pas politique”.
Plaidoiries contre le ”déficit de civisme” au Sénégal
Le civisme est, à la limite, une philosophie pour Me Bamba Cissé. Déjà en 2015, il déclarait que ”le déficit de civisme” était, ”sans aucun doute”, le mal le plus profond au Sénégal. Une conviction puisque sur sa page Facebook, il partageait régulièrement des messages de sensibilisation, des dispositions du code pénal à l’appui, pour dissuader les contrevenants.
Il partagera, par exemple, les peines encourues par ceux qui introduisent les faux test covid sur le territoire, ceux qui se livrent à l’abattage d’arbres appartenant à autrui, à l’affichage d’images sur les panneaux de signalisation de nature à effacer les inscriptions relevant du code de la route, ceux qui jettent des détritus sur les trottoirs, chaussées et jardins publics…
Il récoltera auprès de certains de ses abonnés le titre d’”avocat du peuple”.
Mais au ministère de l’Intérieur, Me Bamba Cissé va gérer d’autres dossiers.
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