Par Mamadou Yaya Kanté (APS)

Dakar, 25 juil (APS) – De retour au bercail après une longue pérégrination intellectuelle et artistique entre l’Égypte et l’Europe, le musicien soufi-jazz sénégalais Modou Gaye fait de nouveau escale au pays avec de nouvelles inspirations, une volonté toujours plus déterminée de faire découvrir aux mélomanes un style musical teinté de références religieuses et qui se résume dans la pleine humanité d’une quête renouvelée de spiritualité.

“Modou, le joueur de hang” s’est donné les moyens d’une traduction rénovée de son ambition en acquérant une nouvelle variante de son instrument fétiche, une sorte de tambour mélodique en métal.

Il l’a fait adapter à des sonorités plus locales, tout en restant conforme à la musicalité unique de cet instrument, sa sensibilité particulière, sa tonalité rendue dans une grande spiritualité.

Depuis 2001, Modou joue de cet instrument que le destin a placé sur son chemin et dont les sonorités se marient si harmonieusement avec les chants spirituels.

Le hang est un instrument créé en Suisse en 2000 par Felix Rohner et Sabina Schärer. Il est la synthèse de plusieurs années de recherches inspirées par beaucoup d’autres instruments : gong, gamelan, ghatam, tambour, cloche, scie musicale, etc.

“C’est un instrument de musique acoustique facile à jouer, aux sonorités identiques à celles de la cithare”, explique le musicien sénégalais, présent au Sénégal l’année dernière pour des prestations pendant le ramadan.

De nouveau revenu dans son pays natal pour présenter de “nouvelles tonalités du soufi-jazz au public”, il a animé une résidence de création comportant cinq séances de répétition en dix jours, à Dakar.

Ce travail a été clôturé par un showcase organisé, jeudi, au Grand Théâtre national Doudou-Ndiaye-Rose en perspective de nouvelles productions, qui, espère-t-il, lui vaudront d’être sollicité sur les scènes du Sénégal et du monde en attendant un nouvel album.

Le tube “Sindidi”, une réussite artistique

“Le soufi-jazz, explique Modou Gaye, est un concept qui réunit la croyance, le zikr (invocation), les chants religieux et le jazz, un genre musical africain bien que né aux États-Unis. J’ai commencé à chanter dans les ‘dahira’ (associations confrériques) dès l’âge de huit ans, c’est ce qui explique mon penchant pour la musique spirituelle”, s’est-il souvenu.

Les chants religieux sont adaptés aux instruments de musique moderne dans beaucoup de pays comme l’Égypte, le Pakistan et le Sri Lanka, observe le fils de Serigne Sakhir Gaye, une figure emblématique de la communauté layène, une confrérie musulmane sénégalaise.

“Pourquoi au Sénégal, on n’exploite pas cette piste pour vulgariser les poèmes des guides religieux soufis”, s’interroge Modou Gaye en donnant en exemple son tube à succès “Sindidi” (2005), une adaptation musicale du poème éponyme de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (1853-1927), le fondateur du mouridisme, une autre importante confrérie musulmane sénégalaise.

“‘Sindidi’ m’a fait beaucoup voyager à travers le monde, ce morceau passe partout où je chante, partout où je vais, il a été une réussite artistique”, confie Modou Gaye, dont la carrière a été retracée dans un documentaire de cinquante-deux minutes intitulé “Modou, le joueur de hang”.

Cette production datant de 2006 porte sur les pérégrinations d’un jeune musicien soufi insatisfait et en quête d’un signe du ciel qui lui est finalement venu des vertus d’un instrument particulier, le hang.

“C’est un instrument que j’attendais toute ma vie et qui m’a permis de travailler en deux ans ce que je comptais réaliser en dix ans”, avait expliqué Modou Gaye à l’APS.

La quête d’une “musique silencieuse”

Il est peut-être le premier Sénégalais, sans doute aussi le premier Africain, à jouer de cet instrument qu’il s’amuse à comparer à “une soucoupe volante” ou à “une bombe”.

Modou Gaye a vécu au Caire pendant plusieurs années, au début des années 2000. Une période déterminante pour sa carrière qui a profité de la vitalité de la vie artistique nocturne cairote.

Il a eu l’occasion de se produire avec de grands musiciens, dans le cadre du festival “Les Nuits du ramadan” notamment, des moments rêvés, au cours desquels il s’est entraîné à chanter toutes sortes de poésies soufies en arabe.

La démarche artistique de Modou Gaye trouve sa justification dans la volonté de partager avec le monde une éducation artistique et une spiritualité qu’il tient notamment de son père, Serigne Sakhir Gaye, maître layène du chant religieux et poète réputé.

La perspective de Modou Gaye est de se donner, par la grâce de cet héritage familial, les moyens de représenter partout son père et maître, sans renoncer pour autant à d’autres influences, synthèse de différentes cultures et religions.

Modou Gaye cherche à mixer et à harmoniser des airs jazzy à d’autres types de sonorités, orientales et modernes, inspirées de ses multiples voyages et rencontres artistiques.

“Le soufisme, c’est mon éducation, le jazz mes origines” africaines, a l’habitude de clamer ce musicien. Selon lui, le but ultime du soufi-jazz est d’arriver à “une musique silencieuse” correspondant à l’harmonie du monde tout à ses débuts.

MYK/BK/FKS/ESF

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