Loi sur l’accès à l’information : journalistes et société civile saluent un “tournant historique”, appellent à la “vigilance”
Loi sur l’accès à l’information : journalistes et société civile saluent un “tournant historique”, appellent à la “vigilance”

SENEGAL-TRANSPARENCE-LEGISLATION

Dakar, 31 juillet 2025 – L’adoption, mercredi en Conseil des ministres, d’une loi sur l’accès à l’information publique suscite beaucoup d’attentes au sein des journalistes et des spécialistes de la vérification des faits, mais aussi de la société civile, qui saluent une avancée historique tout en appelant à la vigilance quant à sa mise en œuvre.

Moussa Ngom, journaliste et formateur en fact-checking au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI), estime que cette loi constitue une étape cruciale dans la lutte contre la désinformation.

“Le meilleur moyen de lutter contre les fausses informations est sans doute d’avoir une opinion publique avertie, disposant d’assez d’informations pour distinguer au maximum ce qui est vrai, faux ou invraisemblable”, a-t-il notamment dit à l’APS.

“Il est fréquent que les journalistes, fact-checkers ou non, soient amenés à abandonner un sujet faute d’informations basiques leur permettant d’avancer dans leurs recherches”, a fait remarquer Moussa Ngom.

Dans cette perspective, il estime que la loi annoncée sur l’accès à l’information devrait permettre de lutter contre “la culture de l’opacité qui caractérise l’administration sénégalaise et bloque souvent toute prétention à informer sur des sujets cruciaux”.

Il a également insisté sur l’importance de la vulgarisation du texte avant son vote, afin de permettre “aux acteurs qui ont longtemps plaidé pour son adoption d’en prendre connaissance et de proposer, si nécessaire, des améliorations pour garantir son efficacité”.

De son point de vue, “l’expérience d’autres pays devrait permettre d’identifier ce qu’il ne faudrait pas reproduire dans la législation au Sénégal : lourdeurs administratives dans la délivrance, classement discrétionnaire sous le sceau de la confidentialité, négligence des requêtes par les entités concernées faute de sanctions appropriées”.

Plaidoyer pour des débats ouverts avant l’adoption finale des textes 

Il estime plus que nécessaire qu’il y ait “des voies de recours raisonnables, qui n’induisent pas des procédures décourageantes, afin de contraindre les organismes publics à délivrer les informations sollicitées”.

Azil Momar Lo, fact-checker au bureau francophone d’Africa Check basé à Dakar, est du même avis.

Il souligne que l’entrée en vigueur d’un cadre légal garantissant l’accès à l’information publique est une “excellente nouvelle”.

“L’accès à l’information est l’un des plus grands défis rencontrés par les fact-checkers au Sénégal et sur le continent africain”, affirme-t-il.

Il insiste sur la nécessité de s’assurer que “cette loi fonctionne et qu’elle soit scrupuleusement appliquée”, notant que dans certains pays, “des lois similaires existent mais restent inefficaces”.

Elimane Haby Kane, président de Legs Africa, un think thank sur la bonne gouvernance, a salué le caractère historique des textes de loi adoptés en Conseil des ministres.

Sur sa page Facebook, il a salué le caractère historique de ces lois portant notamment sur l’accès à l’information, la réforme de la loi sur l’OFNAC – Office national de lutte contre la fraude et la corruption -, la loi sur la protection des lanceurs d’alerte, ainsi que celle sur la déclaration de patrimoine.

“En attendant de voir le contenu des moutures finales des lois, nous espérons que les textes feront l’objet de débats ouverts avant le vote par l’Assemblée nationale”, a-t-il préconisé.

Concernant le projet de loi sur l’accès à l’information, Elimane Haby Kane souligne qu’il s’agit d'”un accomplissement historique après près de 20 ans de plaidoyer de la société civile”. 

Sur la loi réformant l’OFNAC, il considère qu’il était important de corriger le texte de février 2024.

A propos de la loi sur la déclaration de patrimoine, Elimane Haby Kane dit espérer qu’elle soit “consolidante pour plus de transparence et de redevabilité en corrigeant les manquements constatés, notamment quand le président de la République quitte le pouvoir”.

Le gouvernement a annoncé avoir adopté, mercredi, en Conseil des ministres, plusieurs projets de loi dont l’un porte sur la création prochaine de l’Office national de lutte contre la corruption, une nouvelle structure dédiée à la prévention, la détection et la répression des actes de corruption.

Le communiqué ayant sanctionné la rencontre fait également état de l’examen et de l’adoption d’un autre projet de loi portant sur la déclaration de patrimoine et le plan de redressement économique du Premier ministre qui sera présenté vendredi.

Un projet de loi relatif au statut et à la protection des lanceurs d’alerte a été également adopté par le Conseil des ministres, de même qu’un texte consacré à l’accès à l’information, qui entend renforcer le droit des citoyens à l’information et améliorer la transparence de l’administration publique.

Ces réformes envisagées s’inscrivent dans une volonté affichée des nouvelles autorités de répondre aux fortes attentes en matière de probité et d’efficacité dans la gouvernance du pays.

En avril dernier, le Premier ministre avait annoncé aux députés que son gouvernement allait soumettre à l’Assemblée nationale quatre projets de loi dont celui relatif à la réforme de l’OFNAC.

A cette occasion, Ousmane Sonko relevait que la déclaration de patrimoine “doit être généralisée” à toute personne occupant une responsabilité publique, afin de savoir ce qu’elle possède avant sa prise de fonction.

Evoquant la loi sur l’accès à l’information, il avait souligné que “chaque citoyen a droit à l’information lui permettant de savoir ce que font le Premier ministre, les ministres et les directeurs”.

SMD/ABB/HK/BK