De l’envoyé spécial de l’APS : Alioune DioufAnkara, 20 juil (APS) – Des journalistes, agents d’organisations humanitaires ou de services étatiques déployés sur le terrain suite au séisme qui a frappé le sud de la Turquie se sont plaints dans leurs témoignages de l’effet de la désinformation et autres fake-news, via les réseaux sociaux sur le travail sur le terrain.Des reporters de l’Agence turque Anadolu prennent part, en même temps qu’une quinzaine de journalistes venus d’Afrique, d’Asie et d’Europe de l’Est, à une session de formation sur le journalisme de catastrophe, ouverte lundi, pour une semaine à Ankara, la capitale turque.L’atelier est organisé par l’Académie de l’information de l’agence Anadolu, en collaboration avec l’Agence turque de coopération et de coordination (TIKA).Le responsable des relations extérieures de la TIKA Ugur Tanyeli, chef du département des relations extérieures de la TIKA a relevé, par exemple, que tout un district a été évacué à cause de la désinformation, venant de la part de gens faisant courir à travers les réseaux sociaux la rumeur d’un nouveau tremblement dans cette zone.Les populations ont fui leurs maisons, qui ont par la suite fait l’objet de pillages et de vols. D’où la nécessité pour le journaliste de vérifier toute information qu’il reçoit, grâce à un recoupement auprès de sources dignes de foi, avant de la diffuser.« Tout le monde peut vous envoyer des informations et cela peut vous induire en erreur, car vous ne savez pas laquelle est vraie », estime ce journaliste de NTV, Özden Erkus, qui a été sur le terrain quelques minutes après le cataclysme.Ce qui fait dire à un des formateurs que le journalisme reste le même, même en période de cataclysme, à la seule différence que tout est chaotique, réduisant ainsi sa marge de manœuvre.Un représentant de l’AFAD, l’organisme public turc de gestion des catastrophes, a estimé que les critiques essuyées sur les réseaux sociaux étaient leur « plus grand défi », alors qu’ils apportaient de l’aide aux populations, avec 2.000 personnes sauvées, 22 dépôts logistiques et 16 points de distribution d’aliments installés dans les provinces frappées par le séisme.« Pendant ce temps, des gens buvant leur café dans leur salon, se mettent à annihiler tous vos efforts », se désole-t-il.Dans un pays où « 85% de la population utilisent les réseaux sociaux », selon Erkus, parfois ces fake-news bloquaient directement le travail des secouristes.C’était le cas, quand, en février, quelqu’un disait dans les réseaux sociaux qu’un pan d’un barrage avait cédé et que les eaux allaient envahir la zone, a relevé Ersin Altinsoy, directeur de l’information de AA.Cela avait créé la panique et les gens s’enfuyaient, interrompant, du coup, les secours. Des gens qui auraient pu être sauvées, sont morts de ce fait. Des autorités gouvernementales ont dû faire une déclaration pour démentir cette assertion, pour que la situation revienne au calme.Une autre difficulté à affronter était l’usage de la catastrophe par les mouvements dits terroristes, pour décrédibiliser l’État ou mettre en mal le vivre-ensemble, par exemple, en faisant croire que telle communauté n’a pas été aidée, parce qu’elle est chiite.C’était aussi pour les médias étrangers hostiles à la Turquie de politiser la gestion de la catastrophe, pour faire faire croire à une incompétence des pouvoirs publics. Par exemple couverture « euro-centrique » du tremblement de terre.L’occasion était aussi saisie par les rebelles du PKK pour faire de la désinformation, le virtuel étant un terrain où ils peuvent être plus efficaces que dans la réalité, relève un des présentateurs pour qui, « une fausse info peut avoir plus d’impact qu’une balle tirée ».Le département fact-checking de l’agence Anadolu a dû parfois intervenir pour démentir certaines assertions basées sur la « théorie du complot », qui faisaient florès aussi sur les réseaux, a noté Serkan Kaya, chef de ce département à l’agence de presse turque.Certains internautes faisaient le lien entre ce séisme au sud de la Turquie et la présence, auparavant, dans le Bosphore, d’un navire de guerre américain. Pour d’autres, c’est en cherchant du pétrole dans la mer de Marmara que les Américains auraient déclenché la catastrophe.L’agence a interrogé un géologue qui a précisé que cela était impossible parce qu’il fallait une énergie extraordinaire pour provoquer un tel tremblement à 2.000 km de là. « Cela n’a rien changé, car les gens continuent à croire ce qu’ils veulent croire », dit-il.Il a souligné la nécessité de choisir une approche pour chaque cas de fact-checking, pour éviter d’être considéré comme un « défenseur de l’oppresseur ». Parfois, la meilleure démarche, estime-t-il, est de « mettre tous les éléments sur la table et laisser le public tirer sa propre conclusion ».Le fact-checking devant être le quotidien de tout journaliste, doit l’être davantage en période de calamité, fait-il valoir.ADI/ASG/BK
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