SENEGAL-CONSOMMATION-REPORTAGE
Kaolack, 21 sept (APS) – À Kaolack, la consommation régulière de fruits demeure un luxe pour les consommateurs, qui constatent la cherté des prix motivée par plusieurs raisons selon les commerçants.
Au quartier Dialègne, sur le boulevard El hadji Ibrahima Niass, un groupe de conducteurs de moto-taxi ‘’Jakarta’’, attendent l’arrivée de potentiels clients.
L’un de ces motocyclistes, Mor Mbaye, assis sur un banc public en ciment, déguste son pain enveloppé dans un papier journal. Ce jeune conducteur de ‘’Jakarta’’ ne s’en cache pas. Il raffole de fruits, mais ne les trouve pas à la portée de toutes les bourses.
‘’Comme tout le monde, j’adore les fruits, mais du fait de leur coût excessif, on ne peut pas s’en procurer à volonté’’, dit-il, lunettes de soleil remontées sur le front.
A peine termine-t-il sa phrase que son collège, Amsatou Diop, visiblement intéressé par la question, descend de sa moto et lance : ‘’Les fruits sont chers, surtout ceux qui sont importés’’.
Selon lui, une poire qui coutait 300 francs CFA est aujourd’hui vendue à 500 francs CFA. Pour celui qui se considère comme un grand consommateur de fruits, la solution consiste désormais à se rabattre sur les fruits locaux ‘’plus abordables’’.
‘’Je préfère les fruits de saison. Ces temps-ci, vu que c’est la campagne du +solome” (tamarin de velours noir), j’en achète chaque jour pour 100 francs CFA’’, confie-t-il, non sans déplorer le prix de la pastèque qu’il juge actuellement exorbitant.
Un peu plus loin, les rues adjacentes au boulevard El hadji Ibrahima Niass bouillonnent de vie. Des groupes de jeunes discutent, rient et jouent.
Des adultes sont assis sur des bancs devant les maisons tandis que d’autres, absorbés par leurs préoccupations quotidiennes, marchent d’un pas vif juste à hauteur du passage à niveau.
En face de l’hôpital régional El hadji Ibrahima Niass, sur la route de Gossas, Mamadou Aliou a immobilisé son chariot rempli de fruits sous un grand parasol.
Des bananes, pommes, clémentines et oranges sont rangées par compartiments. Selon Mamadou Aliou, les clients viennent, même si beaucoup d’entre eux estiment que les prix sont chers.

Pour ce vendeur détaillant de fruits, la rareté de certains fruits importés justifie la hausse de leur prix. Au même moment, un homme accompagné d’une femme demande le prix d’une grappe de raisin. ‘’2 000 francs CFA’’, lui répond Mamadou Aliou. Un prix qu’il juge hors de portée.
Poursuivant ses explications, Mamadou Aliou affirme que ces dernières années, tous les fruits importés ont connu des hausses, précisant, par exemple, que la caisse de pommes qui coutait 20 000 francs CFA s’élève aujourd’hui jusqu’à 28 000 francs CFA.
‘’Pour ne pas vendre à perte, nous sommes obligés de revoir nos prix au détail à la hausse’’, explique-t-il.
Dans les méandres du marché ‘’Géej’’ de la commune de Kaolack, le marché ‘’Syndicat’’ se dresse comme le principal espace de commerce de fruits.
Sous un soleil accablant, le marché vibre au rythme des appels des commerçants, éparpillés dans un vaste espace parsemé de tentes, de grands parasols, cohabitant avec des flaques d’eau en cette période de saison des pluies.
Les eaux stagnantes mêlées aux épluchures de fruits rendent l’accès difficile. Des fruits saisonniers comme l’orange, le deterium senegalensis ou ‘’ditax’’ en wolof, ou encore des pastèques sont entassés, sur les étals des vendeurs et dans de gros paniers.
Assis sur un siège de voiture au milieu d’un tas d’orange, Abdoulaye Diaw devise avec ses pairs commerçants. Ce commerçant en gros déplore les nombreuses difficultés auxquelles ils font face, et qui justifient les prix en hausse appliqués.
‘’Ces oranges-là que vous voyez sont importées de la sous-région. Elles traversent tout un circuit avant d’atterrir ici. Et pour toutes les étapes, il y a des frais à payer, allant du chargement, au déchargement, en passant par le transport et le dédouanement’’, détaille le vieux Abdoulaye Diaw, appuyé par ses collègues qui opinent de la tête.

Concernant les prix, il soutient avoir acheté le sac d’orange à 18 000 francs CFA, précisant que le prix peut augmenter du jour au lendemain auprès de ses fournisseurs.
Toutefois Abdoulaye Diaw pense que les prix peuvent également baisser quand la campagne des oranges de la Casamance débutera, après l’hivernage.
A la sortie du marché ‘’Syndicat’’, sur la route nationale numéro 4, Lamarana Diallo s’active dans la distribution de fruits.
Dans son magasin, deux gros climatiseurs sont accrochés au mur. Des tas de bananes, des caisses de pommes, d’oranges et de clémentines campent le décor.
Tout en reconnaissant que le prix des fruits ne sont pas stables sur le marché, Lamanara Diallo estime que cela est dû à des facteurs exogènes.
‘’Ce n’est pas nous qui augmentons les prix. Ce sont les producteurs qui, après la récolte, fixent leurs prix. Alors si on achète à un prix cher, c’est logique que ça se répercute sur le consommateur final’’, dit-il.
Selon lui, cette période n’est pas une période faste pour les commerçants, car certains fruits comme la poire ou la clémentine, en plus d’être chers, sont presque introuvables sur le marché.
Pour appuyer ses dires, il donne l’exemple du kilogramme de clémentine qui se vendait entre 1 000 francs CFA et 1 500 francs CFA et qui, actuellement, s’élève à 2 500 francs CFA sur le marché.

Face cette poussée inflationniste des prix de certains fruits, El Hadji Abdou Badio, président de la section régionale de l’Association des consommateurs du Sénégal (ASCOSEN) à Kaolack, propose l’instauration d’un Conseil national de la consommation avec des démembrements locaux pour mieux réguler le marché des fruits.
Concernant la banane locale, même s’il salue les progrès notés dans la filière, il ne cache pas son regret de constater des prix pratiquement similaires au prix de la banane importée sur le marché. Pour lui, les produits locaux doivent être plus accessibles et leur prix plus abordable.
Joint par téléphone, Adama Mouhamed Mbaye, chef du service régional du commerce de Kaolack, explique que la vente de fruits au Sénégal est soumise au régime de la liberté de prix.
Ce qui signifie que c’est le producteur ou l’importateur qui, en fonction de ses charges, fixe son prix de vente.
Néanmoins, il rappelle que cette liberté de prix s’exerce dans le respect de certaines dispositions relatives aux conditions de conservation, à l’étiquetage des produits, au respect des poids, etc.
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