El Hadji Malick Sy, ‘’un poète de la mesure’’, selon un critique
El Hadji Malick Sy, ‘’un poète de la mesure’’, selon un critique

SENEGAL-RELIGIONS

Dakar, 4 sept (APS) – Le guide soufi El Hadji Malick Sy (1855-1922), un des propagateurs de la tidjaniya au Sénégal, fut ‘’un penseur mystique et pragmatique, un poète de la mesure’’, comme en témoigne le patrimoine littéraire et intellectuel d’une richesse exceptionnelle qu’il a légué à la postérité, analyse le critique littéraire sénégalais Sidi Mohamed Khalifa Touré.

Le savant de Tivaoune (ouest), cité religieuse où se tient ce jeudi la célébration de l’anniversaire de la naissance du prophète Mohammed, a beaucoup étudié et examiné des livres rares, qui ont contribué à sa formation spirituelle et intellectuelle.

‘’Maodo a commandé beaucoup de livres à l’époque coloniale, des livres qui mettaient du temps à arriver de la métropole. Mais il a surtout beaucoup écrit. El Hadji Malick […] n’a jamais écrit de façon compulsive’’, fait valoir M. Touré dans un entretien avec l’APS.

El Hadji Malick Sy, ‘’écrivain du moment’’, a pourtant produit des œuvres intemporelles dont le ‘’Khilass-Az-Zahab’’ (L’Or décanté), un chef-d’œuvre universel considéré comme l’une des meilleures biographies du prophète Mohammad.

‘’‘Khilass-Az-Zahab’ est aujourd’hui reconnu par beaucoup de savants musulmans’’, souligne Sidi Mohamed Khalifa Touré, critique littéraire doublé d’un ‘’muqaddam’’, du nom de ces dignitaires représentant les confréries et habilités à initier d’autres fidèles.

Maodo, un écrivain tourné vers son siècle

Dans le lot des écrits les plus emblématiques de Maodo – le surnom donné à El Hadji Malick Sy, le Guide –, il cite aussi le ‘’Taysir’’, ‘’une puissante oraison sertie des 99 noms de Dieu’’, une œuvre déclamée régulièrement dans les ‘’dahira’’.

La production littéraire de Maodo inclut également ‘’Ifham Al Mounkir Adjani’’, une réplique aux détracteurs de la tidjaniya, mais aussi le fameux ‘’Kifayatu Arraghibiine’’.

‘’Ce dernier ouvrage est un condensé de philosophie morale à l’intention des disciples et une critique acerbe contre les déviances’’, explique le critique littéraire.

Selon lui, Maodo va rester un auteur prolifique, qui a beaucoup écrit sur des sujets divers et variés, qui dépassent le cadre de la simple littérature.

L’analyse de l’ensemble de cette production fait ressortir ‘’un auteur pragmatique, qui n’écrivait pas pour écrire, mais produisait selon les besoins’’.

Les textes de Maodo, dont la poésie était le genre préféré, en raison de sa concordance avec la mémorisation, permettent de dresser le portrait d’un écrivain très à cheval sur la grammaire arabe classique, un poète de la langue, un penseur inspiré, selon Sidi Mohamed Khalifa Touré.

‘’Il était un écrivain tourné vers son siècle, mais dans le même temps un auteur encyclopédique, éclectique. Il ne s’est jamais limité à un seul domaine’’, relève M. Touré.

‘’La poésie, restée le genre de préférence de Maodo, est le mode d’expression essentiel du mysticisme, car elle est conforme à la mémorisation et plus proche du cœur par son lyrisme, son romantisme (le soufisme étant fondé sur l’amour de Dieu)’’, indique-t-il.

Engagé dans le redressement des mœurs

Selon le critique littéraire, même les ouvrages scientifiques de Maodo ont été écrits en vers. Ceux qui sont consacrés au droit musulman, par exemple.

‘’Il lui est arrivé même de traiter plusieurs disciplines (la métrique poétique, l’héritage, la grammaire, la rhétorique, etc.) dans un même recueil de poèmes’’, ce qui dénote, dit Sidi Mohamed Khalifa Touré, une grande maîtrise de la rhétorique arabe (bayane) et de la métrique (arroud).

‘’Maodo a un style littéraire recherché, chevillé à la grammaire. C’est, néanmoins, un poète inspiré’’, observe M. Touré.

Il y a très peu ou presque pas du tout, dans l’œuvre littéraire d’El Hadji Malick Sy, de marques d’ivresse mystique, que les soufis appellent ‘’chatahaat’’, signale-t-il. ‘’Il n’est jamais en transe dans ses textes.’’

Mais cela n’empêche pas l’auteur du ‘’Taysir’’ d’être reconnu comme un écrivain engagé, dans le sens où il est décrit comme un homme tourné vers son siècle.

‘’Il l’était par sa posture face à l’administration coloniale, en aidant à régler beaucoup de conflits. Mais il était surtout engagé dans le redressement des mœurs, le remembrement du droit islamique et sa réécriture, la correction des faux marabouts’’, poursuit le critique littéraire.

Cela explique les nombreuses fatwas qui lui sont attribuées, a-t-il poursuivi en faisant allusion à ces avis juridiques circonstanciés que sortent les spécialistes de la loi islamique pour résoudre des problèmes de société. En ce sens, dit-il, le ‘’Kifayatu Arraghibiine’’ est peut-être l’œuvre la plus engagée d’El Hadj Malick Sy.

‘’Sinon les œuvres de Maodo sont intemporelles. Elles dépassent le simple engagement, tel que cette notion est enseignée dans les classes’’, conclut Sidi Mohamed Khalifa Touré.

FKS/BK/ESF