Par Khadija Mendy

Dakar, 9 août (APS) – Une main-d’œuvre peu qualifiée, des intrants en quantité insuffisante et un mauvais suivi des plans et programmes agricoles font obstacle au développement de l’agriculture sénégalaise, ont signalé deux experts interrogés par l’APS.

Une production agricole assez importante pour satisfaire les besoins alimentaires du pays est l’objectif commun des programmes proposés par les dirigeants qui se sont succédé à la présidence du pays. Mais le Sénégal peine encore à se nourrir sans recourir aux importations, malgré les nombreuses stratégies mises en œuvre, fait remarquer Abdallahi Ly, titulaire d’un diplôme d’agrobusiness.

M. Ly relève des manquements causés, selon lui, par le fait que les politiques agricoles sénégalaises se focalisent sur l’augmentation de la production en semblant négliger la qualité des denrées produites et les techniques permettant de les conserver.

S’y ajoutent, selon lui, l’insuffisance de ressources financières pour les agriculteurs sénégalais, la faible mécanisation de l’agriculture, les obstacles à la commercialisation de la production et les difficultés d’accès aux intrants agricoles et à des produits phytosanitaires de qualité.

“Afin d’assurer une production de qualité, il est indispensable de disposer de tous ces éléments (des ressources financières, des machines, des intrants…). Les grandes productions sont souvent obtenues par des étrangers, qui les exportent vers leur pays. En ce qui concerne la conservation, c’est encore plus complexe. La plupart des agriculteurs ne disposent pas de chambres froides, ce qui entraîne rapidement la dégradation des récoltes”, signale Abdallahi Ly.

Il estime qu’il est impensable d’atteindre l’autosuffisance alimentaire sans la formation des jeunes agriculteurs. “C’est indispensable d’avoir des jeunes qualifiés, rigoureusement dotés d’une formation théorique et pratique. Il faut faire en sorte que les jeunes aient une connaissance approfondie de l’agriculture pour augmenter les rendements”, souligne-t-il.

“L’État finance des formations agricoles. Il octroie des terres cultivables aux jeunes et subventionne les engrais et les semences”, reconnaît le jeune diplômé d’agriculture, tout en estimant qu’il reste des efforts à faire par les pouvoirs publics.

Il juge paradoxal que des produits agricoles pourrissent dans certaines régions sénégalaises au moment même où il en manque dans d’autres.

Des “atouts considérables”

Abdallahi Ly propose que chaque région se consacre aux filières qui y sont propices. “Chaque zone doit avoir une identité agricole”, dit-il, ajoutant que des investissements importants doivent être faits dans la zone des Niayes, par exemple pour la culture de l’oignon, et dans la vallée du fleuve Sénégal pour le riz et la pomme de terre.

L’ingénieur agronome Talkhata Fall relève, lui aussi, des manquements dans l’exécution des politiques visant à augmenter la production agricole. “De l’indépendance du Sénégal en 1960 à nos jours, l’État a créé plusieurs sociétés agricoles, dont que la SAED et la SONACOS, et a exécuté des plans et programmes tels que le plan REVA, la GOANA, le PRACAS, le PRODAC…”, rappelle M. Fall, laissant entendre que ces initiatives se sont détournées de leurs objectifs.

“Une analyse approfondie de l’évaluation des campagnes agricoles de 2011 à 2023 a permis de constater, pour chaque année, un déficit agricole, signe de l’échec des politiques agricoles mises en œuvres par les pouvoirs publics”, relève l’ingénieur agronome.

Pourtant, fait remarquer Talkhata Fall, “l’agriculture sénégalaise dispose d’atouts considérables : des ressources en eau douce de 30 à 35 milliards de mètres cubes, 3,8 millions d’hectares de terres cultivables, une main-d’œuvre suffisante, constituée d’une population jeune”.

“L’exécution des directives de l’État en matière d’agriculture doit être supervisée par des experts”, suggère M. Fall, recommandant aux pouvoirs de s’appesantir sur l’innovation et la motivation des jeunes.

KM/ESF/BK

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