SENEGAL-SOCIETE-REPORTAGE
Nima, 8 sept (APS) – Nima fait partie de ces villages de la région de Matam (nord) qui ont un lien étroit avec la Mauritanie. C’est à la suite des événements d’avril 1989 que ce village implanté en terre mauritanienne depuis les années 1940 s’est retrouvé de l’autre côté de la rive.
Rouguiatou Ciré Deh, actrice communautaire, revient sur cette période qui a vu les déplacés habiter d’abord sous des arbres et des bâches avant de construire des bâtiments pour enfin s’établir sur ce site côté sénégalais.
Ce lundi, comme dans beaucoup de localités de la région de Matam, Nima a enregistré une très grande quantité de pluie. A l’entrée du village, à la sortie de la route latéritique du Dandé Mayo nord, les eaux sont presque partout.
Ici, le sol est boueux, le moindre faux-pas peut être fatal, sous une pluie encore fine. Ce qui oblige le reporter de l’APS à garer sa moto pour poursuivre le chemin à pied.
Comme beaucoup de villages du Fouta, Nima tire ses racines de l’autre côté du fleuve Sénégal, en Mauritanie où l’on retrouve des villages qui portent le même nom que d’autres situés du côté sénégalais.
C’est le cas de Koundel, situé à moins d’un kilomètre de Nima, d’où l’on aperçoit ses minarets et maisons à étage.
Pour en savoir plus sur l’histoire de ce village du Dandé Mayo, il faut interroger l’actrice communautaire Rouguiatou Ciré Deh. Cette dame d’une soixantaine d’années est un témoin du déplacement de Nima de la Mauritanie vers le Sénégal.
Assise sur un fauteuil, dans un salon de la famille Sow, la native de Nima, à l’époque où le village était en terre mauritanienne, raconte que cette localité existe depuis 1943.
A l’en croire, Nima était habité par des populations actuelles de Woudourou, de Koundel Worgo (Sénégal) et de Nima.
“Nima Mauritanie reste inoubliable pour nous, mais aussi pour tout le monde. Nous y avons laissé tout notre bétail, heureusement aucun habitant n’y est resté”, explique Rouguiatou.
Elle se souvient qu’avant de quitter Nima, les habitants ont reçu la visite de personnes chargées de recenser tous ceux qui vivent dans ce village “dans le but de les considérer définitivement comme des Mauritaniens”.
Des audiences foraines pour obtenir des papiers
Un membre de ce groupe avait alors pris un vieux en aparté, conseillant aux villageois de quitter Nima, pour éviter un drame.
“C’est ainsi que nous avons quitté Nima avant leur retour pour aménager juste à côté du fleuve, dans l’espoir de retourner en Mauritanie très vite. Pendant ce temps-là, nous avons installé des tentes de Koundel à Woudourou, certains vivaient sous des arbres”, raconte l’actrice communautaire.
Les autorités de l’époque, avec l’appui du Haut-commissariat des réfugiés (HCR), ont installé des bâches tenues par des tubes en fer pour permettre à tous les habitants de Nima de se retrouver sur un même site en attendant la construction de bâtiments.

C’est d’ailleurs ce qui fait que le village est souvent appelé Nima Bassoudji (Nima bâches).
Rouguiatou se souvient de l’appui en nattes et en vivres du HCR, mais de son refus de laisser leurs voisins ou les officiels présenter les nouveaux arrivants comme des réfugiés, se considérant comme des Sénégalais à part entière.
Et c’est finalement avant les années 2000 que le nom Nima a été adopté, explique Rouguiatou, qui ne cesse de se battre, depuis 1989, pour le bien de ses habitants.
En plus d’être à l’origine de l’acceptation du nom de la localité, elle s’est battue pour que Nima soit doté d’une école primaire.
Rouguiatou a aussi permis aux villageois d’être en règle en ayant des papiers sénégalais, à travers des audiences foraines et des jugements au tribunal de Matam.
Devant le juge, elle se rappelle qu’elle donnait les noms de tous les membres de familles qui composent ce village.
En fin de compte, les habitants de Nima n’éprouvent aucun regret d’avoir quitté leurs terres d’avant pour revenir “au bercail”, assure-t-elle. “C’est “juste un retour à la maison d’origine”, ajoute cette dame qui n’a pourtant jamais pensé un jour passer la nuit ailleurs qu’à Nima.
De ses souvenirs de Nima d’avant 1989, Rouguiatou Ciré Deh retient ces après-midi où, avec des amies, elle jouait sur du sable fin.
Les élèves du village étaient répartis à cette époque entre Koundel Worgo (Sénégal) et Koundel Réwo (Mauritanie), dit-elle, se rappelant que ceux qui étudiaient du côté sénégalais, prenaient la pirogue chaque jour pour se rendre à Koundel.

AT/HK/HB/SBS/BK

