Par Serigne Mbaye Dramé

Dakar, 17 fév (APS) – La Cour des comptes a relevé des anomalies dans l’usage fait de la finance islamique par la Société nationale de gestion et d’exploitation du patrimoine bâti de l’État (SOGEPA) pour vendre une dizaine d’immeubles appartenant à l’État, mais des spécialistes interrogés par l’APS relèvent, pour leur part, la ‘’mauvaise utilisation d’un mécanisme scientifiquement éprouvé’’ – pour employer la formule de l’un d’entre eux.

Certaines réactions au rapport publié mercredi par cette institution de contrôle des finances publiques remettent en cause le recours à la finance islamique dans une opération financière de l’État.

Des spécialistes interrogés par l’APS relèvent, pour leur part, la ‘’mauvaise utilisation d’un mécanisme scientifiquement éprouvé’’. C’est la formule de l’un d’entre eux.

Les anomalies relevées dans le rapport d’audit de la Cour des comptes ne sont pas une raison valable pour ‘’jeter le discrédit et semer la confusion sur la finance islamique, qui est une alternative au système classique de financement’’, prévient Mansour Ndiaye, un expert en microfinance et formateur en finance islamique.

La procédure de finance islamique utilisée pour vendre des immeubles appartenant à l’État relève d’‘’un mécanisme clair’’, précise M. Ndiaye.

De quoi sukuk est-il le nom ?

Il déplore, toutefois, la manière dont le ‘’sukuk SOGEPA’’ a été utilisé. L’expert exhorte l’opinion à éviter de considérer la finance islamique comme une ‘’nébuleuse’’.

‘’C’est quelque chose de clean’’, a tenu à préciser Mansour Ndiaye.

Le site d’information Iqra Finance définit le sukuk comme une ‘’obligation adossée à un actif’’. Généralement émis par les entreprises, les institutions financières et les États, ‘’le sukuk est un billet de trésorerie qui confère à l’investisseur une part de propriété dans un actif sous-jacent, en lui assurant un revenu à ce titre’’, explique ce site spécialisé.

Iqra Finance ajoute que ‘’l’entité émettrice doit identifier les actifs existants, à vendre aux investisseurs sukuk par transfert à une entité ad hoc’’.

Il signale que les investisseurs jouissent de l’usufruit de ces actifs, au prorata de leur investissement.

Le mécanisme de finance islamique utilisé dans le cadre du ‘’sukuk SOGEPA’’ est appelé ijara, qui renvoie à une commission, à des frais ou à une rémunération.

La ijara est définie comme une location au terme duquel une partie achète un bien et le loue à une autre, en contrepartie d’un loyer périodique prédéterminé contractuellement, selon le glossaire de la finance islamique d’Iqra Finance.

La Cour des comptes a signalé l’existence d’un reliquat de 114,4 milliards de francs CFA de l’emprunt obligataire non versé au Trésor public.

La Société nationale de gestion et d’exploitation du patrimoine bâti de l’État a procédé, le 21 avril 2022, à la mobilisation d’un emprunt obligataire sous forme de sukuk d’un montant de 330 milliards de francs CFA. Pour effectuer cette opération, l’État a procédé à la vente de certains de ses immeubles à la SOGEPA, à l’aide du décret n° 2022-163 du 3 février 2022 portant cession à titre onéreux au profit de la SOGEPA, selon le rapport publié par la Cour des comptes.

Le document rendu public mercredi fait état d’une dizaine d’immeubles appartenant à l’État, d’une valeur de 198 milliards 92 millions de francs CFA, sur la base d’un rapport d’évaluation et après avis favorable de la Commission de contrôle des opérations domaniales.

Les auditeurs de la Cour des comptes signalent que les justificatifs de cette opération de trésorerie ne sont pas produits. Ils ont relevé un gap de trésorerie de 114,4 milliards de francs CFA, un montant n’ayant pas été reversé au Trésor.

Que dit la Cour des comptes du ‘’sukuk SOPGEPA’’ ?

L’opération de mobilisation de fonds à l’aide des sukuks n’est nullement ce qui est mis en cause dans le rapport de la Cour des comptes, mais ‘’un reliquat de 114,4 milliards de francs CFA de l’emprunt obligataire (sukuk SOGEPA) de 2022 non versé au Trésor public’’, précise le docteur en finance islamique Abdou Karim Diaw, coordonnateur national du Programme de développement de la microfinance islamique au Sénégal.

‘’L’Etat du Sénégal vend certains de ses immeubles bâtis à la SOGEPA, une société qui appartient à l’État à 100 % et a, entre autres  missions, la gestion administrative et technique des logements et bâtiments appartenant à l’État ou conventionnés par ce dernier. À ce niveau, je ne vois pas de problème’’, analyse M. Diaw.

Il relève ensuite la volonté de mobiliser des ressources à hauteur de 330 milliards de francs CFA, par le biais de la SOGEPA, qui vend ‘’l’usufruit des bâtiments en question aux investisseurs détenteurs de sukuks’’, pendant une durée devant expirer en 2037.

Abdou Karim Diaw considère qu’on ne peut pas parler  ‘’d’un bradage des bâtiments de l’État’’, dans la mesure où la SOGEPA reste toujours propriétaire des bâtiments pendant et après la transaction.

À la question de savoir si cette procédure respecte ou pas les règles de la finance islamique, M. Diaw insiste sur le fait que cette transaction de sukuk est censée être ‘’certifiée conforme par le conseil de conformité à la charia de l’arrangeur’’.

Le conseil de conformité, appelé également Sharia Board, veille à la conformité des opérations des institutions financières islamiques avec les règles édictées, inspirées de l’islam.

La Banque islamique du Sénégal est l’arrangeur dont parle M. Diaw.

Mansour Ndiaye estime qu’‘’il n’y a pas eu de vente à des investisseurs’’. ‘’Après remboursement total du capital sur la base de la location versée à la SOGEPA, cette dernière restitue à l’État ses immeubles’’, a ajouté M. Ndiaye, précisant que les investisseurs n’ont droit qu’à ‘’l’usufruit’’, c’est-à-dire les loyers payés par l’État à la SOGEPA.

‘’Ce ne sont pas les sukuks qui sont en jeu mais l’utilisation que le régime [précédant] en a fait’’, a-t-il précisé.

L’audit faisant état d’anomalies dans la vente d’immeubles appartenant à l’État a fait l’objet de beaucoup de commentaires et a suscité l’indignation de nombreux Sénégalais.

SMD/ADL/MT/ESF/OID/ASG

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