Dakar, 19 avr (APS) – La vente aux enchères de la bibliothèque personnelle de Léopold Sédar Senghor, finalement suspendue à l’initiative du Sénégal qui négocie l’acquisition de son patrimoine, « aurait été une perte irrémédiable », estime le secrétaire général de la fondation portant le nom du premier président sénégalais. La bibliothèque du président-poète Léopold Sédar Senghor avait été mise en vente aux enchères. Le gouvernement du Sénégal, craignant une dispersion de la collection de livres de l’ancien chef d’État, a demandé la suspension de la vente. L’État sénégalais a ensuite entamé des négociations avec la maison de ventes pour acquérir la bibliothèque de Senghor. « Cela aurait été une perte irrémédiable que la bibliothèque de Léopold Sédar Senghor soit dispersée aux quatre coins du monde avec cette vente aux enchères d’une partie de la collection de cette bibliothèque de Verson », en Normandie, lieu de résidence, en France, du président-poète après avoir renoncé au pouvoir en décembre 1980. La vente de la bibliothèque de Senghor, annoncée le 16 avril dernier et suspendue sur instruction du président de la République du Sénégal Bassirou Diomaye Diakhar Faye, devait se faire en trois tranches, selon le professeur Amadou Ly, spécialiste de la littérature africaine de langue française. La première partie du contenu devant être mise en vente mardi dernier, regroupait « certains ouvrages très précieux » qui auraient été vendus « à coup de milliers d’euros et plus si l’État sénégalais n’était pas intervenu ». « L’alerte de M. Amadou Lamine Sall a été entendu, et tout de suite le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a instruit l’ambassadeur du Sénégal en France et le ministère de la Culture pour arrêter la mise à prix de cette digne partie de cette bibliothèque », dit-il. Il rappelle que c’est la troisième fois qu’une vente aux enchères du patrimoine de Senghor se trouve agitée, la première fois remontant à la vente, en 2021, d’un tableau de l’artiste peintre français Pierre Soulages, surnommé « le maître du noir ». Ce tableau acquis par le poète-président en 1956 a scellé l’amitié entretenue par Senghor et le peintre français. Il avait été vendu à 1, 5 million d’euros, soit 983 millions de francs CFA, selon des médias français. La fondation Léopold Sédar Senghor n’a pas été informée de cette opération, a signalé le professeur Amadou Ly. Il y a eu ensuite la vente des bijoux et décorations militaires de l’ancien président Léopold Sédar Senghor, que le Sénégal a acquis pour 244 mille euros, soit environ 160,064 millions de francs CFA, après avoir obtenu la suspension de leur vente aux enchères. L’émoi suscité par la perspective de cette vente chez nombre de Sénégalais et l’alerte de l’écrivain Amadou Lamine Sall, membre de la fondation Léopold Sédar Senghor, avaient conduit le président Macky Sall à demander que ces objets puissent être achetés par l’État du Sénégal. La troisième vente est celle de la bibliothèque, processus stoppé par le président Bassirou Diomaye Faye. Le professeur Ly assure que toutes les fois où la fondation Léopold Sédar Senghor a été informée de ces ventes, un processus a été mis en place pour l’acquisition des biens concernés. « Pour cette vente programmée le 16 avril dernier, Amadou Lamine Sall a alerté certes le président de la République, mais déjà, la fondation avait mis en place un processus interne pour aller acheter des ouvrages », a-t-il dit. « Amadou Lamine Sall avait alerté une de ses amies qui se trouve là-bas pour qu’elle [puisse acquérir des ouvrages] le jour de la vente. On aurait pu sauver une partie de cette bibliothèque », a révélé le professeur Ly. La fondation Léopold Sédar Senghor n’envisageait toutefois pas d’acheter toute la bibliothèque mise en vente, « parce qu’il y a des livres qui ne l’intéressent pas du tout », précise-t-il. « Ce qui l’intéresse, ce sont les romans, les poèmes, les essais et tous les livres littéraires et sociologiques », a indiqué l’universitaire, selon qui l’intervention du chef de l’État dans ce dossier est « miraculeuse », si l’on sait qu’il a « beaucoup de priorités en ce moment ». « Cet appel de Amadou Lamine Sall a créé un écho chez lui [le chef de l’État Bassirou Diomaye Faye], on m’a révélé qu’il est très attaché à la personne de Léopold Sédar Senghor qu’il adore, et m’a-t-on dit, il est un peu poète, il fait de la poésie, on ne le savait pas. Tous ces deux éléments ont fait qu’il est intervenu et nous lui en remercions grandement », a déclaré le professeur Ly. A l’en croire, la fondation Léopold Senghor « est très affectée par cette affaire ». « Cela aurait été dommage de perdre des livres dédicacés par leurs auteurs à Senghor, note-t-il, à l’image de celui de Jean Price-Mars, ethnologue haïtien, et du Français né en Martinique René Maran, précurseur de la Négritude et premier Goncourt noir, Aimé Césaire, etc. ». La bibliothèque destinée à la vente comprend aussi des ouvrages d’auteurs sud-africains et européens « très intéressants », fait savoir le professeur Amadou Ly. « Un livre en soi est précieux, mais un livre dédicacé à une grande personnalité par une autre grande personnalité, cela n’a pas de prix, car ces livres ont une valeur affective entre l’auteur et celui à qui on fait la dédicace », souligne ce spécialiste de la littérature africaine de langue française. Il estime que dans deux voire cinq siècles, un chercheur serait très content de voir un livre de Jean Price-Mars dédicacé à Léopold Sédar Senghor. « Le contenu du livre est important en lui-même, mais la dédicace dit des choses plus importantes », selon Amadou Ly. FKS/BK/ASG
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