Acte III de la décentralisation : la communalisation intégrale exacerbe les problèmes de planification (experte)
Acte III de la décentralisation : la communalisation intégrale exacerbe les problèmes de planification  (experte)

SENEGAL-DECENTRALISATION-AMENAGEMENT

Tivaouane 29 mai (APS) – La communalisation intégrale résultant de la mise en œuvre de l’Acte III de la décentralisation a exacerbé les problèmes de planification territoriale auxquels sont confrontés les grandes agglomérations, du fait de conflits fonciers les opposant souvent aux communes rurales limitrophes, a soutenu la directrice de la planification spatiale à l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (ANAT), Oumou Kalsoum Khoulé Seck.

“La mise en place d’infrastructures, d’équipements et de services prévus dans le cadre de la planification territoriale dans certaines grandes agglomérations, est souvent bloquée par l’exiguïté du périmètre communal de ces dernières, ne pouvant pas empiéter sur les collectivités territoriales limitrophes, au risque de conflits”, a-t-elle dans un entretien avec l’APS.

Selon Mme Seck, membre du conseil consultatif de la ville de Tivaouane, cette situation “a été exacerbée par la communalisation intégrale consécutive à l’Acte III de la décentralisation”, qui a notamment instauré la communalisation universelle.

“Avant la réforme de l’Acte III de la décentralisation, il existait une distinction claire entre communes urbaines et communautés rurales, ces dernières étant caractérisées par des activités principalement agricoles (agriculture, élevage, pêche, agroforesterie) et une organisation fondée sur des terroirs”, rappelle l’experte en aménagement du territoire.

Le vote de la loi 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités territoriales (CGCT), a supprimé cette différenciation pour instaurer la communalisation intégrale, transformant toutes les communautés rurales en communes, sans distinction entre urbain et rural, a rappelé Mme Seck.

Avec cette réforme, poursuit-elle, “chaque commune, qu’elle soit en milieu urbain ou rural, dispose désormais des mêmes outils de gouvernance et des mêmes instruments de planification territoriale que les autres”.

“Nous sommes en face d’un statut juridique homogène, mais de réalités territoriales contrastées”, a indiqué l’experte.

Malgré un statut juridique unifié, “les réalités restent hétérogènes, car les communes rurales conservent leurs zones de terroir avec une faible densité démographique et des infrastructures limitées”.

Ces mêmes collectivités connaissent des problèmes d’extension et de délimitation qui persistent, notamment autour des périmètres des anciennes communautés rurales.

“En perspective de la réforme de l’Acte III de la décentralisation, ne faudrait-il pas réintroduire une différenciation entre communes urbaines et rurales, avec des outils de gouvernance et de planification adaptés à leurs réalités [respectives] ?”, s’est enfin interrogée la spécialiste en aménagement du territoire.

Mme Seck a listé une typologie de conflits d’ordre foncier qui surviennent soit entre usagers, soit entre usagers et autorité (Etat ou collectivité territoriale), ou encore qui opposent des collectivités territoriales entre elles.

Elle considère que l’absence de reconnaissance juridique peut engendrer des conflits entre différents utilisateurs surtout dans les localités à enjeux de développement.

Elle faisait allusion à l’augmentation de la valeur des terres dans certaines régions, en particulier dans les zones proches des villes ou des sites devant abriter des projets d’infrastructure.

Ce renchérissement du foncier, objet de convoitise, peut déclencher des conflits entre agriculteurs locaux et investisseurs ou promoteurs immobiliers, a-t-elle fait observer.

Elle note que les incohérences territoriales et la non-démarcation des limites communales sont les principales sources de conflits entre collectivités territoriales, surtout dans les zones à grands enjeux fonciers.

En outre, elle estime que la croissance démographique entraînant une pression accrue sur les terres disponibles, peut susciter des disputes quant aux droits d’accès et d’utilisation des terres.

”La croissance des villes-centres empiète sur les terres cultivables et les ressources naturelles, pouvant intensifier les conflits”, a encore fait valoir Oumou Kalsoum Seck.

En milieu urbain, ”la croissance rapide des villes a conduit à une urbanisation informelle, où des terres sont occupées sans autorisation légale, ce qui crée des tensions entre occupants et autorités”.

Elle a insisté sur l’impossibilité, selon elle, de planifier un territoire dont on ne maîtrise pas les contours, “ni la taille de la population, ni les ressources naturelles, ni les potentialités”.

Ainsi, du fait des conflits fonciers entre usagers, les projets définis sans planification territoriale “ne peuvent être mis en œuvre efficacement”.

MKB/ADI/SBS/BK

 

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