A défaut de tanneries industrielles, le Sénégal exporte une richesse non transformée (acteur)
A défaut de tanneries industrielles, le Sénégal exporte une richesse non transformée (acteur)

SENEGAL-ARTISANAT-DEFIS

Dakar, 12 août (APS) – Les entreprises sénégalaises spécialisées dans la collecte et la commercialisation des peaux continuent d’exporter vers l’étranger les peaux d’animaux collectées lors d’événements religieux comme le grand Magal de Touba, faute d’infrastructures industrielles de transformation.

Cette tendance prive le secteur de l’artisanat local d’une ressource à fort potentiel économique, apprend-on des acteurs de cette filière.

“Nous expédions nos peaux vers l’Inde, le Pakistan et le Kenya. La Chine était également un marché important, mais les exportations vers ce pays sont à l’arrêt depuis quelques années”, a expliqué Mamadou Faye, gérant de “Touba cuirs et peaux”, dans un entretien accordé à l’APS.

Selon lui, les collectes effectuées lors du Magal atteignent en moyenne plus de 1 000 peaux de bovins, et plus de 2 000 pour les ovins et caprins. “Mais cela dépend des capacités financières des collecteurs. Avec un bon financement, on peut élargir le périmètre de collecte et augmenter les volumes”, a-t-il fait savoir.

Malgré ce potentiel, le commerce des peaux est en crise, déplore M. Faye, appelant à la mise en place d’une tannerie industrielle au Sénégal pour valoriser localement cette ressource et booster l’économie artisanale.

”Avec la crise, on arrive à peine à faire deux ou trois containers de peaux par an. Notre chiffre d’affaires avoisine les 15 millions à 20 millions de F CFA avec la baisse du prix des peaux. Le container vous revient à environ 5 ou 6 millions de francs CFA”, a-t-il expliqué.

La société “Touba cuirs et peaux” ne s’est pas encore investie dans l’activité de tannage, mais ne l’exclut pas si les moyens sont disponibles, indique son gérant.

”Nous ne faisons, pour le moment, que la collecte, la conservation et la commercialisation des produits bruts. Mais pour le tannage, pas encore, peut-être dans le futur, avec la Zone industrielle de l’artisanat”, a dit Mamadou Faye. Il ajoute que société mise sur d’éventuels partenaires pour monter une tannerie.

A défaut de tanneries industrielles, le Sénégal exporte une richesse non transformée (acteur)

”Nous sommes au courant du projet de Zone industrielle de l’artisanat par l’Etat, mais franchement, on n’a pas eu encore d’écho sur l’état d’avancement de ce projet”, a t-il ajouté.

La Zone industrielle de l’artisanat (ZIAR) est un projet qui ambitionne de promouvoir des unités modernes de transformation et d’industrialisation de la filière peaux et cuirs. Il est porté par l’APIX, l’agence sénégalaise chargée de promouvoir les investissements.

Les entreprises de collecte ont l’ambition d’investir dans le tannage industriel des produits bruts collectés, ce qui demande l’aide de l’Etat et de partenaires extérieurs, martèle Mamadou Faye.

“Touba cuirs et peaux” collabore ainsi avec quelques partenaires qui ont l’idée d’investir dans la tannerie industrielle, mais n’a pas encore commencé les démarches dans ce sens, a dit son gérant, notant que trois tanneries ont fermé faute de moyens.

Dans un entretien avec l’APS, Magatte Wade, maire de Ngaye Mekhé, ville qui doit une grande partie de sa renommée à ses artisans spécialistes de la fabrication de chaussures en peaux et cuirs, dans la région de Thiès (ouest), a indiqué avoir demandé à l’Etat d’interdire les exportations de peaux, déplorant que le Sénégal soit le seul pays à le faire.

”Tant qu’on exporte [des peaux], il n’y aura jamais de volonté de transformation, il n’y aura jamais d’approvisionnement correct de nos artisans, il n’y aura jamais de plus-value, il n’y aura jamais de travail, et l’économie ne pourra jamais être boostée par ce secteur aussi stratégique”, selon cet élu local.

L’ancien fonctionnaire à la Banque africaine de développement a toutefois annoncé la réalisation en cours du projet dénommé Nouvelle tannerie industrielle du Sénégal (NOTIS).

HK/ADL/SMD