Dakar, 4juil (APS) – La prolifération des maisons d’édition au Sénégal reflète le dynamisme du secteur, malgré le manque de qualité qui caractérise certains des ouvrages qu’elles publient, estiment des férus de la littérature sénégalaise interrogés par l’APS.Depuis quelques années, de nouvelles maisons d’éditions voient le jour un peu partout sur le territoire national. Elles sont créées par des jeunes qui non seulement s’adonnent à l’édition, mais assurent aussi la promotion de leurs propres ouvrages ou ceux des autres auteurs de même génération.Des écrivains et autres férus de la littérature partagent un constat : le manque de qualité des ouvrages édités par certaines de ces nouvelles maisons. Ce foisonnement de maisons d’édition n’en illustre pas moins à leurs yeux, le dynamisme du secteur de l’écriture au Sénégal.‘’Je crois que plusieurs jeunes s’adonnent à ce métier sans se former et même sans savoir l’importance de l’édition, de l’accompagnement d’un auteur, etc.’’, soutient Fatoumata Diallo Bâ, écrivaine et enseignante de français et de latin au lycée français Jean-Mermoz de Dakar.Auteure de deux romans (Des cris sous la peau 2022 et Rouge silence 2023), elle explique que si les jeunes s’adonnent à ce métier, c’est parce qu’ils veulent ainsi échapper aux maisons d’édition classiques, où la publication d’un ouvrage requiert de nombreuses démarches.‘’Nous sommes un jeune pays, et on a besoin de beaucoup d’énergies pour créer une industrie du livre au Sénégal. Raison pour laquelle il faudrait plutôt avoir plusieurs personnes qui s’essaient et se mettent ensemble pour produire des ouvrages de qualité’’, indique-t-elle.Elle déplore le fait que le secteur est actuellement envahi par des non professionnels qui ignorent tout du métier d’éditeur.‘’L’on ne peut pas créer sa propre maison d’édition juste pour l’autoédition, ce n’est pas possible ! Et lorsqu’il y a des prix littéraires, l’on est tenté de postuler avec sa propre œuvre, ce qui n’est pas très éthique, je trouve’’, critique-t-elle.Diplômée de Lettres classiques, Fatoumata Diallo Bâ souligne que la meilleure des choses à faire serait le regroupement de ces maisons d’éditions en plusieurs démembrements et selon des lignes éditoriales distinctes. Cette sorte de mutualisation serait plus efficace, moins coûteuse et permettrait d’avoir une industrie forte et viable.Elle appelle l’Etat à réguler le secteur afin que les gens respectent l’éthique, pour éviter la publication de productions dont la ‘’qualité laisserait à désirer’’.‘’Diffuser et faire la promotion de son propre ouvrage, je pense que ce n’est pas bien, cela crée de la pagaille. C’est la raison pour laquelle l’on voit parfois des livres qui sont truffés de fautes, car il n’y a pas eu en amont une équipe de relecture avant la publication’’, déplore-t-elle.Fatimata Diallo Ba pense qu’il faudrait faire confiance à la jeunesse en l’accompagnant dans ce métier qui permet de découvrir le talent sénégalais.‘’Un livre doit être nickel avant d’être publié. [C’est pourquoi] j’insiste sur le fait qu’il faut avoir un comité de lecture avant toute publication. Cela permet au lecteur de nous faire confiance et d’avoir envie de nous lire’’, insiste-t-elle.L’écrivaine-enseignante estime qu’une bonne maison d’édition et la publication d’ouvrages de qualité requièrent un comité de lecture à la hauteur.‘’L’édition doit être organisée, elle n’est pas une jungle. Comme toutes les industries naissantes, il y aura beaucoup d’erreurs, mais si l’on s’organise petit à petit, cela va finir par se réguler’’, déclare-t-elle.Journaliste et critique littéraire, Abdou Rahmane Mbengue rappelle pour sa part que l’autoédition demeure une pratique ancienne de la littérature. Il considère qu’elle peut être un moyen de révéler des talents littéraires, tout en déplorant lui aussi, le manque de qualité dans la production de certains ouvrages.‘’C’est une forme d’entreprenariat littéraire dans lequel le profit n’est pas vraiment visé’’, soutient-il. Selon lui, le fait que les jeunes se lancent de plus en plus dans la création de leur maison d’édition est parfois due à la déception ou la frustration que certains parmi eux éprouvent pour la promotion ou la qualité d’impression de leurs ouvrages.L’édition n’est cependant pas un secteur rentable au Sénégal, les jeunes s’y adonnant pour éviter de tomber dans les griffes des maisons d’édition classiques.‘’L’édition est une entreprise financière assez critique au pays. Si les gens créent des maisons, cela est dû parfois à la passion. C’est un combat personnel qu’ils mènent souvent’’, analyse-t-il.A l’en croire, c’est l’amour que ces jeunes ont pour le livre qui les pousse actuellement à le promouvoir eux-mêmes à travers la création de leur propre maison d’édition.‘’Il y a une volonté aussi de secouer le cocotier au Sénégal chez les jeunes éditeurs et de révéler le nouveau dans le monde de la littérature. Cet engouement répond à un besoin existant. Beaucoup de ces jeunes s’y adonnent parfois sans savoir qu’ils sont eux-mêmes dans l’édition’’, poursuit-il.‘’Elément clé de la promotion de la littérature’’ Abdou Rahmane Mbengue invite à faire en sorte d’avoir des maisons d’édition très fortes, ‘’élément clé du développement et de la promotion de la littérature’’.‘’L’élément clé du développement et de la promotion de la littérature, c’est la maison d’édition. Il faut faire en sorte qu’on ait des maisons d’édition très fortes’’, a-t-il lancé.Pour lui, ce sont les maisons d’édition qui sont capables de détecter ou de repérer les auteurs, de les accompagner dans leur travail afin qu’ils mettent sur le marché un livre de qualité et en fassent la promotion.‘’ (…) Mais, malheureusement, ces dernières [certaines maisons d’édition] n’existent que lorsqu’il s’agit de distribuer le fonds d’aide à l’édition dont les gens ne rendent pas souvent compte de l’argent utilisé’’, a-t-il regretté.Il déplore le fait que les gens qui perçoivent ces fonds ne donnent pas d’information sur le nombre d’ouvrages publiés ni ne disent sur quelle base ils l’ont été, etc. ‘’C’est cela le vrai problème et tant qu’il n’y aura pas d’ouvrages de qualité, il n’y aura pas d’engouement vers le livre’’, a-t-il averti.Selon lui, une multiplication des maisons d’éditions permettra de rendre plus fort le monde de la littérature, mais à condition qu’il y ait une production de qualité. ‘’Je suis convaincu que ces maisons d’éditions vont aider à détecter des pépites de la littérature sénégalaise et la qualité va forcément venir’’, espère M. Mbengue.AMN/FKS/AKS
SENEGAL-ENVIRONNEMENT-COMMEMORATION-REPORTAGE / Bamboung, une idée des trésors du delta du Saloum – Par Mohamed Tidiane Ndiaye (APS)