Thiambé, 8 mars (APS) – Bineta Anne, une secrétaire de direction à l’hôpital régional de Ourossogui, dans la région de Matam (nord), s’investit en même temps dans l’agriculture, un secteur dont elle devient une figure emblématique locale, à force de diriger avec dévouement le réseau de sociétés d’intensification des productions agricoles (SIPA).Ce mardi matin est jour de récolte à la SIPA de Thiambé, un village de la commune d’Ogo, situé sur la route nationale 2.Sous une tente, sont rangées des caisses de tomate et de gombo. Avec un stylo, une jeune fille dresse la liste des produits sortis fraîchement du site de 40 hectares, dont 30 arrosés avec un système au goutte-à-goutte.Deux garçons se chargent de peser les caisses à l’aide d’une balance électronique posée au milieu de la tente. À leurs côtés est assise Bineta Anne. Deux téléphones entre les mains, elle supervise les tâches.En face de la tente sont dressées deux chambres froides à l’arrêt à cause de la cherté de l’électricité, selon Mme Anne. Un plus loin se trouve une autre chambre froide achetée récemment. Elle fonctionne à l’énergie solaire.Ces chambres froides appartiennent toutes au réseau de SIPA mises en place par le Projet de développement agricole de Matam (PRODAM) pour contribuer à la réduction de la pauvreté dans la région. Des tomates fraîches sont stockées sous une autre tente.Juste derrière les tentes s’étend un immense champ dans lequel sont cultivées plusieurs variétés.On aperçoit au loin les habitations du village de Thiambé. Depuis le lancement des SIPA en 2011, Bineta Anne y passe ses week-ends. Au début, elle travaillait pour un projet de lutte contre la désertification. En 2014, elle trouve un poste de secrétaire de direction à l’hôpital régional de Ourossogui.Bineta Anne est née et a grandi à Ouakam, à Dakar. Elle a fait sa scolarité à l’école primaire Mamadou-Ndiaye de cet ancien village lébou dakarois, puis au collège El Hadji-Mamadou-Diagne et au lycée des filles John-Fitzgerald-Kennedy, à Dakar, avant d’intégrer l’école de formation professionnelle IAFP Thomas-Sankara.‘’En 2005, en compagnie de mon mari, j’étais en vacances dans mon village d’origine, Thiambé. J’avais déjà mon diplôme d’assistante de direction mais j’étais au chômage, malgré plusieurs stages. Quand je suis arrivée ici, j’ai fait acte de candidature pour un poste d’assistante de direction, dans un projet pour lequel je travaillais déjà’’, se souvient-elle.Cinq ans plus tard, la présidente du réseau de sociétés d’intensification des productions agricoles de la région de Matam et du département de Podor quitte le projet dirigé par une organisation non gouvernementale étrangère. Elle se lance dans une autre aventure, avec l’avènement des SIPA.Le PRODAM étant à la recherche de profils adéquats pour la gestion des SIPA, Bineta Anne postule et devient la gérante de celle de Thiambé, son village.Depuis 2011, elle gère cette SIPA, la deuxième à voir le jour après celle de Sinthiane, dans le département de Matam, en 2009.‘’Les choses n’étaient pas faciles au début, car il fallait diriger des groupements composés d’hommes et de femmes. Au début, il y avait 80 % d’hommes et 20 % de femmes. Au fil du temps, ces dernières ont renversé la tendance en termes de nombre’’, rappelle l’assistante de direction native de Ouakam.Le PRODAM l’a choisie en raison de son précédent poste et de son expérience avec un projet de lutte contre la désertification et d’implantation de pépinières.Bineta Anne dit connaître ‘’des notions d’agriculture’’ et s’assure d’avoir le niveau d’études requis pour la gestion des SIPA.Sa sélection n’a pas plu à certaines personnes qui doutaient de ses compétences managériales, raconte-t-elle, se souvenant d’avoir essuyé de nombreuses critiques. Toutes les autres SIPA de la région de Matam étaient dirigées par des hommes, selon Bineta Anne.Les critiques n’empêchent pas la présidente du réseau de SIPA de faire de très bons résultats, celle qu’elle dirige étant la seule en activité durant toute l’année, à ses dires. ‘’Notre SIPA fait partie des meilleures en terme de production, de fonctionnement et d’organisation’’, se réjouit Bineta Anne.En 2014, elle devient la présidente du réseau des SIPA de la région de Matam et du département de Podor, à l’unanimité de ses pairs.Les hommes ont décidé, cette année-là, de l’élire présidente du réseau, rappelle Bineta Anne, reconnaissant avoir tiré profit d’un contexte où la priorité est souvent donnée aux compétences féminines.Elle a exercé deux mandats à la tête du réseau et espère être reconduite à son poste au cours de l’assemblée générale prévue au cours de ce mois.‘’Aujourd’hui, beaucoup de femmes membres du réseau peuvent me remplacer. Avec les résultats obtenus, les financements et l’aide des structures publiques, nous avons beaucoup fait et permis à la région de bien se positionner dans le secteur agricole’’, estime-t-elle.Bineta Anne se rappelle qu’il n’y avait presque rien dans la région de Matam, avant la mise en place des SIPA, à part quelques périmètres maraîchers appartenant à des femmes et les cultures sous pluie.Les SIPA ont généré des productions agricoles importantes, selon elle.Bineta Anne affirme que l’activité qu’elle mène dans les SIPAS lui a permis d’étoffer son carnet d’adresses, dans lequel figure des noms de ministres. Ses activités professionnelles lui ont ouvert les frontières de plusieurs pays, confie la secrétaire de direction et gérante d’une société agricole rentrée récemment d’un forum organisé en Allemagne.‘’Ils savent que je travaille pour le développement de la région’’, dit-elle en parlant de ses collègues.‘’Quand je suis arrivée à Matam en 2005, j’ai trouvé des femmes qui n’avaient aucune occupation. C’est pourquoi quand j’ai été recrutée par l’hôpital de Ourossogui, je n’ai pas voulu abandonner l’agriculture, par crainte de voir les SIPA disparaître’’, explique cette femme mariée et mère de deux enfants.AT/ASB/ASG/ESF
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