+++Par Alhousseynou Diagne+++Podor, 7 mars (APS) – Des riziculteurs du département de Podor (nord) redoutent une ‘’insécurité alimentaire’’, les terres qu’ils cultivaient n’étant plus accessibles depuis deux ans et demi en raison de travaux de réaménagement entrepris par l’État.De nombreux périmètres irrigués villageois (PIV) de l’Île à Morphil, une île constituée de plusieurs villages entre le fleuve Sénégal et son affluent le Doué, n’ont pas été exploités depuis septembre 2021 en raison du retard des travaux en question, disent-ils.Les aménagements agricoles de cette partie de la région de Saint-Louis sont obsolètes, ce qui réduit fortement la production de riz. C’est à cela que tente de remédier l’État, ‘’à la demande des producteurs’’, en déroulant le Projet de réhabilitation et d’extension des périmètres irrigués villageois (PREPIV), explique l’ingénieur agronome Elhadji Mar.‘’Au total, 3.000 hectares ont été recensés et doivent être réaménagés’’, précise M. Mar, le coordonnateur du PREPIV. Le coût des réaménagements est de 18 milliards de francs CFA, à payer par l’État du Sénégal et la Banque ouest-africaine de développement, selon lui.Selon le coordonnateur du PREPIV, les agriculteurs doivent encore patienter pendant ‘’une année’’, l’équivalent de deux campagnes de production de riz.Les riziculteurs disent souffrir de la durée des réaménagements.‘’Seules quelques familles peuvent s’adonner à la riziculture’’‘’Depuis deux ans et demi, plusieurs producteurs ne peuvent plus exploiter leurs terres. Ils bénéficiaient de deux saisons de production de riz et d’une contre-saison pendant laquelle ils cultivaient de l’oignon et de la tomate’’, témoigne Yaya Oumar Aw.Ce riziculteur est de Guédé Village, dont les habitants exploitaient quatre PIV de 200 hectares aménagés depuis les années 1980. ‘’Aujourd’hui, seules quelques familles propriétaires de périmètres privés peuvent s’adonner à la riziculture. C’est le cas de la famille Aw, qui dispose d’une superficie de 17 hectares’’, explique-t-il.Selon M. Aw, Guédé Village compte environ 7.000 habitants qui vivent essentiellement de la culture du riz.À Agnam Tonguel, un village situé près du Doué, un affluent du fleuve Sénégal, 23 hectares sont inaccessibles depuis la mise en œuvre du Projet de réhabilitation et d’extension des périmètres irrigués villageois. ‘’Nous ne cultivons presque que deux hectares. Nous sommes obligés d’aller jusqu’à Guédé Chantier ou à Mbantou pour trouver des terres à louer’’, déplore Cheikhou Guèye, un jeune habitant dudit village.Koppé Mangaye, Mboyo, Guédé Ouro, Diama Alwaly, Korkadié, Lahel, Diaw, Moundouwaye, Halwar et d’autres villages de l’Île à Morphil sont victimes aussi de l’inaccessibilité de leurs terres depuis l’exécution en septembre 2021 du PREPIV.L’inaccessibilité des terres a engendré la rareté du riz dans la zone. Le kilogramme est vendu maintenant à 400, voire 500 francs CFA, contre 300 à 350 auparavant.Producteurs de riz il y a deux ans et demi, les habitants de l’Île à Morphil sont obligés d’acheter cette céréale vitale à la consommation de leurs ménages. ‘’En novembre 2022, j’ai épuisé le riz récolté depuis la précédente campagne. Maintenant, j’achète du riz avec de l’argent que m’envoie mon fils, qui est vendeur de légumes à Dakar. C’est dur’’, témoigne Aliou Thiam, un habitant de Korkadié.‘’Rares sont ceux qui ont encore des réserves de riz de la dernière récolte’’, confirme Yaya Oumar Aw.‘’L’argent leur a été entièrement versé’’De nombreux villages sont confrontés à la rareté du riz local et à la cherté du riz importé. Ils disent craindre une ‘’insécurité alimentaire’’. Le retard des travaux d’aménagement des PIV est à l’origine de leurs difficultés, selon eux.‘’Les paysans ne devaient patienter que le temps d’une campagne et retrouver ensuite leurs parcelles. Mais ils attendent encore’’, reconnaît Elhadji Mar.Une partie des réaménagements confiée à une entreprise espagnole est achevée, assure-t-il, ajoutant que les riziculteurs attendent de recevoir les équipements agricoles afférents au projet. Mais le fournisseur, une entreprise sénégalaise, tarde à les livrer, selon M. Mar.Les superficies aménagées doivent être reliées au réseau de distribution du courant électrique de la Senelec, ajoute-t-il, rappelant que les équipements agricoles fonctionnaient au gas-oil.‘’L’État, pour aider les ménages, a mobilisé 316 millions de francs CFA, qui ont été répartis entre 88 groupements d’intérêt économique’’ réunissant des riziculteurs, dit l’ingénieur agronome.Il soutient que ‘’l’argent leur a été entièrement versé’’ pour les aider à surmonter leurs difficultés, en attendant la fin des réaménagements et l’accès à leurs terres.‘’Nous avons reçu en avril 2023 un virement d’un peu plus de 3 millions de francs CFA. La Banque agricole a en retranché l’argent que nous lui devions et nous nous retrouvons avec 750.000 à répartir entre 71 ménages. Chacun a reçu seulement 10.000 francs’’, explique Hamat Diagne, un membre de Folaade, un groupement d’intérêt économique du village de Mboyo.Ibrahima Sall témoigne des difficultés d’IT3, l’association d’agriculteurs de Donaye qu’il dirige : ‘’Nous avons reçu environ 3 millions. Nous devions à La Banque agricole 7 millions. Elle a retiré de ce montant son dû. Il ne nous restait plus rien.’’AHD/AMD/ESF/OID
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