Par Awa NdiayeNgati (Fatick), 2 oct (APS) – A Ngati, un village de la commune Niakhar (Fatick, centre), les traditions subsistent encore. Ici, les habitants ‘’vénèrent’’ un baobab dénommé ‘’Ɓakne ngati’’ (le baobab de Ngati en sérère), à travers des libations et des offrandes en l’honneur de cet arbre sacré dont l’histoire se confond avec celle de ce village de l’ancien royaume du Sine.Ngati se trouve au beau milieu du Sine, un ancien royaume sereer. Ils sont très rares les fils et filles de cette contrée à ne pas connaître son histoire et celle de son baobab mystérieux. »L’histoire de Ngati se confond avec l’histoire globale du Sine. C’est pourquoi, si nous voulons retracer l’histoire du baobab de Ngati, nous serons obligés de retracer celle de Diakhao Sine en passant par Bicole jusqu’au site actuel où se trouve le baobab’’, confie Abdoulaye Faye, membre de la famille de Mame Diodio Ngati, l’héritière du baobab.Assis sous l’arbre géant, vêtu d’un boubou beige, la tête coiffée d’ un chapeau, Abdoulaye Faye, 68 ans, fait un bref résumé de la lignée des rois qui ont eu à diriger le Sine, de la première reine, Sigua Badial Ndong, en passant par Tacet Faye, Wagane Diongolor, Diouma Dieng de Sass, Silmang de Mbimor, Mbégane Ndour, Mado Mbissel Diop, Diomay Banguan, Diokel Faldier, Mansouga Diouf, Birame Pathé Coumba Diagua, Wamone Ndong, Boucar Sossay, Guène Ndiaye Dagone, Guédio Palmane Niane, Bouka Thilasse Mané Niane, jusqu’à Wassila, le fondateur de Diakhao.Il insiste notamment sur les règnes de Coumba Ndofféne ‘’Fa Mack’’ (le grand), surnommé ‘’le lion de Mbelfandal’’, de Sémou Famack, l’oncle de Salmone Faye et grand frère de Diodio Codou Borome Ndaw Rass, qui est au début de toute l’histoire de Ngati.Après la mort du roi Coumba Ndofféne Diouf en 1923, Mahécor Diouf fut intronisé par le grand Diaraf, narre-t-il. A cette époque, dit-il, seuls les Guelwars pouvaient accéder au trône. Il fallait appartenir à cette lignée matriarcale pour prétendre diriger le royaume du Sine, selon lui. »’En ces temps, si tu n’étais pas un Guelwar, tu pouvais aspirer à être un chef dans les cantons comme Diohine, Ngayohéme, Ngoyé, etc., mais jamais roi du Sine’’, insiste-t-il.Habillé d’un boubou rouge, Bouna Faye, membre lui aussi de la famille, est assis sur une chaise sous le baobab sacré. Il fait partie des conservateurs des legs ancestraux. Le septuagénaire détaille l’arbre généalogique de la famille royale de Ngati.Il revient sur le règne de Diogo Gnilane, qui avait épousé une vendeuse de poissons avec qui il eut deux files, Ndella Ngati et Gnilane Diouf. La lignée maternelle étant plus considérée que celle paternelle dans le Sine, le roi savait pertinemment qu’une fille ne pouvait pas accéder au trône. Alors, le roi Dioguo Gnilane provoqua un gigantesque feu de brousse, pour attribuer des terres à ses filles.‘’Ce fut le début de l’histoire de Ngati et de son baobab, dit-il, après avoir été interrompu dans son récit par un appel +ngario mboutou+ (Venez déjeuner en sereer).’’ Un repas somptueux est servi. Du riz au poisson comme aiment les Sérères. Les femmes et les enfants mangent ensemble autour d’un bol, les hommes autour d’un autre.Après le déjeuner, tout ce beau monde se retrouve encore sous le baobab et chacun reprend ses occupations. Entre temps, Bouna Faye est lui parti assister à un mariage.C’est Abdoulaye Faye qui reprend le récit sur le village de Ngati et son baobab sacré. Le feu de brousse provoqué par le roi Diogo Gnilane s’est d’abord déclaré à Mbafaye, avant d’atteindre Mboudaye. Mais à hauteur de Bicole, il bifurqua vers Songorma et continua sa progression jusqu’à Péthie Djiré, à Koboskine. Il se dirigea ensuite vers Mboukoutour avant de s’arrêter à Polek.‘’Après le feu de brousse, le cortège royal fait le tour de la surface brûlée et parcourt les villages de Mbafaye, Nianiane, Mboudaye, Bicole, Mbanéme, Songorma, Pethie Djiré, Mboukoutour, Polek et Mbem’’, renseigne le notable Faye.Ils ont découvert alors sur le site correspondant à l’emplacement de l’actuel village de Ngati, un jeune baobab au milieu d’herbes calcinées et qui restait intact malgré la furie des flammes. Après trois jours de feu de brousse provoqué par Diogo Gnilane pour céder des terres à sa descendance féminine, dont Gnilane et Ndella Ngati, le baobab est resté entièrement intact.Un baobab séculaire aux multiples facettesC’est à la suite de cette découverte étrange qu’ils ont décidé d’implanter la maison royale de Ngati à côté du baobab. C’est ce mystère qui fait du baobab de Ngati un arbre sacré.Toutes les terres environnantes calcinées par le feu furent cédées à la famille royale qui devait rester à Ngati, renseigne Abdoulaye Faye. Ces terres étaient destinées à l’agriculture, au pâturage et l’habitat.L’âge du baobab est estimé à 203 ans, soit le même que celui du village de Ngati. Sa grandeur se mesure en fonction de celle de la maison royale qui n’a cessé de s’agrandir et de gagner en popularité au fil des siècles.Le baobab de Ngati est même entré dans le langage courant des habitants de toute cette partie de la région de Fatick. Les personnes de grande taille ou les choses importantes sont comparées à cet arbre, a en croire le notable, qui estime son diamètre à sept mètres.Les habitants du village et ceux des localités environnantes vénèrent et respectent cet arbre mystérieux. Chaque année, la conservatrice du baobab choisit un mercredi pour venir y faire des libations. Le rituel consiste à verser de la farine du mil autour de l’arbre sacré. Et les habitants font le tour du baobab en chantant et en dansant.Surplombant le village de Ngati, le baobab, feuillu, fait office d’agora pour les habitants. Sous ses branches protectrices, des enfants, des jeunes, des hommes, et des femmes, se rencontrent. Les enfants aiment venir se folâtrer à l’ombre de ses branches gigantesques, où ils s’adonnent à plusieurs jeux, en particulier celui cache-cache.Agée de dix ans, Gnilane Faye fait partie de ces enfants qui viennent s’amuser sous l’arbre.‘’Je viens ici tous les jours jouer avec mes amies’’, lance la petite Gnilane, trouvée en train de jouer sur ses branches. ‘’On se sent bien à l’aise même si je suis une fois tombée de l’arbre. Cela n’empêche que je suis toujours là’’, ajoute-t-elle pour montrer son attachement à cet arbre.Très souriante avec de belles dents colorées en marron, la tête à moitié tressée, elle retourne joyeusement jouer avec ses amies.De temps à autre, beaucoup de personnes viennent visiter le site ou prendre des photos. Des étudiants ont même écrit des mémoires sur le baobab de Ngati, révèle Bouna Faye.Mais, avec l’avènement de la loi sur le domaine national, toutes les terres appartenant à la famille royale ont été redistribuées aux populations qui désiraient faire de l’agriculture ou de l’élevage.Fief du royaume du Sine, Ngati, la bourgade au baobab séculaire et ses trois maisons restées telles quelles depuis deux siècles, garde toujours un mystère sur son histoire et son baobab sacré. De génération en génération, cet arbre aux multiples facettes continue encore à émerveiller son monde.NAN/FKS/ASB/OID
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