Une doctorante explore les enjeux d’une riziculture résiliente
Une doctorante explore les enjeux d’une riziculture résiliente

SENEGAL-AGRICULTURE-PORTRAIT

Saint-Louis, 7 août (APS) – Inscrite en thèse de doctorat à l’université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis et stagiaire à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA), Ndèye Binta Guèye Niang, fait partie de cette nouvelle génération de chercheurs déterminés à inventer des solutions pertinentes et endogènes face aux grands défis agricoles qui interpellent le Sénégal.

La thèse de doctorat en agronomie qu’elle prépare actuellement à l’UGB propose une approche innovante et durable de la riziculture, pensée pour répondre aux défis du changement climatique et adaptée aux conditions écologiques du delta du fleuve Sénégal.

À travers ses travaux de recherche, elle s’attaque à la problématique de l’autosuffisance en riz, considérée comme une priorité pour les plus hautes autorités du pays compte tenu de ses enjeux pour le pays.

“Malgré les ambitions affichées, la production nationale de riz reste encore en-deçà de la demande”, fait remarquer la doctorante.

Elle cite la salinité croissante des sols, les inondations récurrentes et les perturbations du calendrier agricole comme les facteurs entravant l’atteinte de l’autosuffisance en riz, devenue une réelle ambition politique.

“Dans le delta [du fleuve Sénégal], on constate souvent des terres abandonnées à cause de la salinité et du chevauchement des saisons. Cela réduit considérablement les rendements”, déplore Ndèye Binta Guèye Niang.

La chercheure dit travailler sur une méthodologie originale, “résolument agroécologique et centrée sur un Système de riziculture intensif et résilient (SRIR)”.

Sa démarche inclut une “irrigation alternée (mouiller-sécher) permettant une gestion intelligente de l’eau”.

Elle évoque également “le repiquage précoce de jeunes plants de riz de moins de 15 jours et la fertilisation combinée, intégrant des engrais organiques et chimiques”.

“Contrairement aux systèmes traditionnels fondés sur une inondation continue, notre approche favorise la respiration des sols et le développement racinaire”, souligne la chercheure en agronomie.

Un choix par défaut devenu une passion

Elle soutient que sa méthode induit une amélioration significative des rendements, à en croire les observations visuelles sur les parcelles expérimentales, notant une “nette différence de croissance et de verdure entre les zones traitées et non traitées”.

“Jusqu’à présent, nous avançons avec les moyens du bord. Cela entraîne des retards dans l’installation des dispositifs et l’accès aux intrants. Nous espérons qu’un soutien institutionnel ou d’organismes partenaires pour renforcer notre travail”, dit-elle, appelant les pouvoirs publics à davantage financer des initiatives de ce genre pour plus d’impact sur le terrain.

Le parcours personnel de Mme Niang témoigne également d’une remarquable résilience. Rien n’a été vraiment facile pour cette jeune femme originaire de la région de Thiès, ville où elle a obtenu un baccalauréat scientifique avant d’être orientée en agronomie à l’université Gaston Berger.

L’agronomie, une discipline qu’elle n’avait pas vraiment choisie qu’en dernier ressort, en quatorzième position sur la liste de ses préférences en termes d’orientation. La jeune femme s’attendait à être orientée en médecine.

“J’étais très déçue, mais mon père, aujourd’hui décédé, m’a encouragée. Il m’a dit : ‘Lance-toi, tu vas réussir dans ce domaine.’ Je lui rends hommage aujourd’hui”, confie-t-elle, avec émotion.

Ce qui n’était au départ qu’un choix universitaire par défaut est devenu une passion assumée au fil du temps.

Après une licence dans cette discipline, elle a enchainé avec un master en production et transformation de produits agricoles. C’est au détour d’un stage à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) qu’elle a trouvé sa voie dans la riziculture, orientée sous l’angle de la salinité. Cette expérience renforce sa volonté de contribuer activement à la sécurité alimentaire de son pays.

“Dès les premiers cours, j’ai été inspirée. L’agronomie, c’est de la science appliquée, c’est concret et elle a un impact direct sur la vie des gens”, assène-t-elle avec conviction.

Épouse et mère de deux enfants, elle poursuit aujourd’hui ses recherches doctorales avec détermination. Si elle admet que concilier vie familiale et exigence académique est un défi, Ndèye Binta refuse toutefois d’en faire un obstacle pour se réaliser dans la recherche.

“Ce n’est pas évident, mais avec du courage, de l’organisation et un bon encadrement, on peut y arriver”, martèle-t-elle.

Son ambition dépassant sa propre personne, Ndèye Binta rêve de voir davantage de femmes s’engager dans l’agriculture scientifique et participer ainsi à la transformation d’un secteur longtemps dominé par les hommes.

“L’agriculture est un domaine d’avenir. Les femmes ont toute leur place dans la recherche et l’innovation”, a-t-elle conclut.

AMD/ADL/SMD/HK/HB/BK