SENEGAL-AFRIQUE-SOCIETE-PLAIDOYER
Dakar, 19 nov (APS) – Les pays voisins du Mali ne doivent pas rester indifférents à la situation prévalant dans ce pays et seraient bien inspirés de se mobiliser davantage contre le “péril” sécuritaire qui guette la sous-région ouest-africaine, a plaidé le réalisateur et homme politique malien Cheick Oumar Sissoko.
“Il faut que les pays voisins aient conscience qu’il y a péril en la demeure […] Ce qui se passe aujourd’hui au Mali par la rébellion et les terroristes va se retourner contre les pays du littoral”, a-t-il dit dans un entretien avec l’APS.
“Les intérêts financiers ne vont pas se satisfaire des pays enclavés. Ils vont avoir besoin des pays côtiers tels que la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo, la Guinée, le Sénégal, entre autres”, des pays, pour la plupart, frontaliers du Mali qui “ont accès à la mer”, a indiqué le cinéaste.
Selon l’ancien ministre de la Culture du Mali, invité d’honneur du festival Image et vie, “ce qui se passe au Mali doit aussi concerner le Sénégal” en particulier.
“Vous avez vu déjà ce qui est en train de se passer à la frontière du Sénégal à Tambacounda, c’est la région la plus proche du Mali. Nous avons des intérêts communs”, a fait observer le réalisateur, historien et sociologue de formation.
Il a rappelé les perspectives de coopération liées au barrage hydroélectrique de Manantali et les échanges commerciaux entre les deux pays.
“La dépendance du Mali au port de Dakar, la dépendance du port de Dakar et des industries sénégalaises aux importations du Mali, les islamistes et les rebelles le savent. C’est pour cela que je parle des intérêts financiers énormes. C’est le capital financier international qui est à la base de tout cela”, a soutenu Cheick Oumar Sissoko.
Une pénurie aiguë de carburant provoquée par un blocus djihadiste sur plusieurs axes routiers stratégiques bouleverse la vie quotidienne des habitants du Mali déjà miné par l’insécurité.
Une déstabilisation liée à “la nouvelle géopolitique mondiale”
Depuis septembre, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, bloque notamment les importations de carburant en provenance du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, par où transitent la plupart des biens importés par ce pays enclavé d’Afrique de l’Ouest.
Le blocus affecte désormais Bamako, la capitale, et la majorité des régions du pays, plongeant les populations dans une crise énergétique et alimentaire.
“Je vis très mal cette situation du Mali. Nous vivons très mal cette situation. Nous sommes dans une situation de déstabilisation et c’est lié à la nouvelle géopolitique qui se dessine dans le monde”, a déclaré l’ancien ministre de la Culture du Mali de 2002 à 2007.
Il laisse entendre que des puissances occidentales et des multinationales sont derrière les attaques que subissent le Mali depuis 2012.
“Les puissances occidentales, les multinationales, après nous avoir exploités, dominés et surexploités, comprennent que l’Afrique est en train de leur échapper avec les nouveaux ateliers du monde que sont les usines dynamiques des pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Alors, elles ont programmé la stratégie du chaos”, dénonce le réalisateur.
Cet état de fait des pays dits du Sahel s’explique, selon lui, par la richesse de cette zone dont le sous-sol, dit-on, regorge de richesses immenses.
Selon Cheick Oumar Sissoko, ce chaos a été programmé depuis l’assassinat de l’ancien président libyen Mouammar Kadhafi, en 2011, un évènement tragique qui a, dit-il, causé la déstabilisation de la région avec la création des mouvements rebelles.
“C’est un coup monté (..). Malheureusement, en Afrique, nous ne faisons pas d’enquête pour comprendre que c’est un coup monté”, a insisté le cinéaste.
La ”bêtise” des dirigeants africains
“Depuis 2012, le Mali vit une tragédie, hélas !”, regrette-t-il, en faisant allusion à l’insurrection de groupes salafistes et indépendantistes pro-Azawad, territoire désertique du nord Mali, théâtre de plusieurs insurrections depuis le début des années 1990.
Il estime que la situation politico-sécuritaire que vit son pays s’explique par “la propagande occidentale” qui, dit-il, essaie d’opposer les Maliens les uns aux autres.
La situation actuelle nécessite toutefois “une évaluation générale, parce qu’ils [les terroristes] ne sont pas aussi nombreux que ça. Ils ne peuvent pas occuper la totalité du territoire dont la superficie s’étant à 1 240 238 kilomètres carrés. Ils ne peuvent gérer aucune grande ville. Ils n’en ont pas les moyens, ni la capacité”, déclare-t-il.
Le cinéaste se dit convaincu que sans le soutien des puissances occidentales et des multinationales, les terroristes ne peuvent pas continuer à déstabiliser le Mali et les pays du Sahel.
“Nous avons besoin, c’est vrai, d’une meilleure direction de l’Etat [pour] mobiliser les Maliens derrière un projet politique. Je dis bien un projet politique. Nous viendrons facilement à bout de tout cela. Sinon, c’est le chaos qui va continuer, hélas !”, martèle-t-il.
Cheick Oumar Sissoko considère que de manière générale, les populations africaines sont étouffées par leur dirigeants.
“La bêtise [des hommes politiques africains], surtout des dirigeants, nous étouffe”, dit-il, appelant les Etats et les peuples à la mobilisation générale, pour réaffirmer les intérêts communs à la sous-région.
“On ne veut pas que nous soyons industrialisés. Et comme aujourd’hui, avec la mondialisation, les Chinois, les Brésiliens, les Turcs, les Indiens, etc., se partagent aussi ce qui était la propriété privée de la France et des Européens, ces derniers ne veulent pas accepter cela”, analyse le cinéaste malien, estimant que “ce n’est pas demain la veille que ces problèmes [sécuritaires et géopolitiques] vont se résoudre”.
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