Trois destins sénégalais réunis par la passion du football, à Tanger
Trois destins sénégalais réunis par la passion du football, à Tanger

MAROC-AFRIQUE-FOOTBALL-REPORTAGE

De l’envoyée spéciale de l’APS : Seynabou Ka

Tanger (Maroc), 27 déc (APS) – Deux Sénégalais installés en Espagne et en Pologne et un compatriote vivant en France se sont retrouvés à Tanger pour assister à l’entrée en lice des Lions à la Coupe d’Afrique des Nations. Une rencontre fortuite qui a donné naissance à une amitié portée par la passion du football et l’amour du Sénégal.

“C’est [un pénalty], l’arbitre déconne !”

Le cri fuse, chargé de frustration et de passion. À la terrasse d’un restaurant de Tanger, trois jeunes hommes vibrent devant l’écran comme s’ils étaient à Dakar, Koki (Louga) ou Guédiawaye. L’accent sénégalais, reconnaissable entre mille, attire les regards curieux de journalistes attablés non loin.

“Vous êtes Sénégalais ?”, demande un des journalistes. “Oui,” répond l’un, en souriant. “Vous venez de Dakar ?”, reprend-il.

“Non !”, poursuit le jeune homme, avant d’ajouter qu’il vient de Bordeaux, en France, et que ses deux amis sont venus de Pologne et d’Espagne uniquement pour les besoins de la Coupe d’Afrique. Ils sont à la recherche d’un restaurant sénégalais dans le quartier.

Un court silence, puis des regards et des sourires complices. Le journaliste, intrigué, leur demande presque naturellement de lui accorder un entretien, convaincu que leur histoire mérite d’être racontée.

Ainsi commence l’histoire de Serigne Diop, Cheikh Dia et Mohamed Sall. Pour deux d’entre eux, ce sont des retrouvailles ; pour les trois, le début d’une amitié inattendue, scellée par le football et renforcée par le hasard.

Serigne Diop a 28 ans et vit à Bordeaux. Pour la Coupe d’Afrique des nations, il a pris quelques jours de congé.

“Je voulais absolument voir jouer le Sénégal, au moins deux matchs. Dimanche, je repartirai, quel que soit le parcours des Lions. Mais déjà, j’envisage de revenir si le Sénégal se qualifie pour la finale”, confie-t-il timidement.

C’est lui qui raconte l’histoire de cette amitié naissante.

Le jour du match Sénégal-Botswana, Serigne se rend seul au stade. Un compatriote l’aborde en wolof. C’est Mohamed Sall, celui qui est venu de Pologne. N’ayant plus de dirhams, la monnaie marocaine, il cherche un endroit pour une opération de change.

Serigne, qui ne connaît pas la ville, propose spontanément de partager un taxi. Le hasard fait bien les choses, ils logent en face l’un de l’autre. À l’entrée du stade, Serigne paie même son billet.

“On s’arrangera après”, lui dit-il simplement.

Le match se joue, mais surtout, un lien se crée.

“Nous avons suivi la rencontre ensemble et nous sommes rentrés”, raconte Serigne avec le sourire. Originaire de Koki, dans la région de Louga, il ne sait pas encore que cette rencontre va transformer son séjour.

Le lendemain, Cheikh Dia rejoint le duo. Avec Mohamed, ils se connaissent depuis l’Université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio, où ils partageaient la même classe. Aujourd’hui, leurs chemins sont différents : Cheikh étudie la mécanique en Espagne depuis trois ans, Mohamed poursuit des études en agriculture en Pologne. Mais la CAN, comme un fil invisible, les rassemble à Tanger.

Une complicité presque fraternelle

“Nous avons entretenu notre amitié malgré la distance. Ce voyage, on l’a préparé depuis longtemps. Nous avons économisé pendant des mois pour pouvoir vivre ça ensemble”, explique Mohamed.

Cheikh, arrivé en retard à cause d’un vol perturbé, a manqué le premier match.

“On m’a raconté que le Sénégal a livré un match sérieux. Ça me rassure et me rend confiant pour la suite”, dit-il.

Comme Serigne et Mohamed, il croit aux chances des Lions dans cette compétition. Tous les trois rêvent déjà d’un sacre sénégalais et, pourquoi pas, d’un retour au Maroc pour célébrer une finale historique.

À Tanger, ils ne se quittent plus. Ils marchent ensemble, mangent ensemble, refont les matchs ensemble, rient des mêmes actions, partagent les mêmes espoirs. La complicité est évidente, presque fraternelle.

Serigne, d’abord par une simple rencontre de stade, est rapidement intégré, sans effort, les deux anciens amis lui ont naturellement fait de la place.

“Entre hommes, ce n’est pas compliqué. Le courant passe vite. Ce sont les femmes qui sont compliquées à ce niveau,” glissent spontanément les trois en se regardant puis échangent des sourires.

Ils ont décidé de profiter du séjour jusqu’au bout. Ils prévoient d’aller à Fès, puis Rabat et Casablanca, mêlant tourisme et spiritualité pour clore leur séjour dans le royaume chérifien.

Au lendemain du match Sénégal-République démocratique du Congo, chacun reprendra sa route vers Bordeaux, l’Espagne et la Pologne, mais cette nouvelle amitié avec Serigne continuera de vivre malgré la distance.

Le football, plus que jamais, se révèle fédérateur, capable de rapprocher les hommes et de tisser des amitiés au‑delà des frontières.

SK/HK/ASB