Dakar, 20 jan (APS) – Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne a appelé à affirmer la présence africaine sur toutes les grandes questions du monde, estimant que les Africains devront s’engager à y travailler au lieu de se limiter à des questions strictement africaines voire sénégalaises.

 »(…) Avoir l’impression que le souverainisme, cela va être des îlots et des insularités, c’est de ne pas comprendre la configuration du monde et le mouvement du monde. Et dans ce mouvement du monde, il faut que nous soyons engagés, il faut que nous affirmions la présence africaine sur toutes les grandes questions du monde’’, a-t-il déclaré.

Face à ses lecteurs, samedi, à la librairie Harmattan, l’enseignant-chercheur à l’université de Columbia (USA), estime qu’au lieu de dire que  »nous avons simplement des questions strictement africaines qui seraient strictement les nôtres, ou des questions strictement sénégalaises, etc., grâce à l’outil internet, l’Afrique peut affirmer sa présence dans le monde ».

‘’Les nouvelles technologies permettent même à des petites différences de s’affirmer. (…) Et donc travailler à cette présence africaine dans le monde, c’est la direction dans laquelle nous devons nous engager. Et cela ne doit pas être, encore une fois, cette attitude purement réactive et purement défensive’’, insiste-t-il.

Le philosophe sénégalais est revenu largement sur plusieurs concepts abordés dans ses deux derniers ouvrages à savoir ‘’Ubuntu, entretien avec Françoise Blum [historienne]’’ et l’essai ‘’Universaliser pour un dialogue des cultures’’ publié chez l’éditeur français Albin Michel.

Le monde, est selon lui, traversé de devenir et il en sera ainsi de plus en plus, a affirmé le philosophe pour qui ‘’le nationalisme est le pire ennemi de l’éducation et que l’idée de s’amputer d’une langue ou une autre n’est que pure absurdité’’. 

Il ne s’agit pas, fait savoir Souleymane Bachir Diagne, de remplacer le philosophe allemand Emmanuel Kant, Platon (philosophe grecque) par Kocc Barma (philosophe wolof) par exemple, mais de mettre dans le système éducatif des textes dits classiques qui méritent d’être en classe et qui vont aiguiser l’esprit critique.

‘’Comprendre que l’éducation est engagée dans le mouvement de Ubuntu, c’est-à-dire enseigner à l’humain à devenir pleinement humain, ou encore enseigner à l’humain la capacité de décentrement, la capacité d’aiguisement de l’esprit critique qu’il y a dans le décentrement, c’est cela la véritable éducation’’, a expliqué l’auteur de ‘’Le fagot de ma mémoire’’ (Philipe Rey-2021).

Selon lui, cette éducation doit se faire évidemment dans les langues qui sont les nôtres, parce que, précise-t-il, ‘’confiner notre langue Wolof dans une simple activité d’interaction privée, cela n’est pas rendre justice à cette langue-là’’.

Prêcher les valeurs du “Ubuntu”

Répondant aux questions du journaliste sénégalais Pape Alioune Sarr et du public venu nombreux, Souleymane Bachir Diagne invite à ‘’éviter tout repli identitaire’’, prêchant les valeurs du vivre ensemble, de l’acceptation et de l’amour de l’autre, du ‘’Ubuntu’’ tout court.

‘’Ubuntu, [traduit par co humanité -rendre la communauté meilleure- traduction politico politique de Nelson Mandela], un mot bantu devenu un concept politique et éthique associé à mon travail se traduit par ces sentiments positifs de faire humanité ensemble, de construire un instinct de tribu’’, a-t-il expliqué.

‘’Ubuntu est précisément un concept porteur de la communauté humaine’’, poursuit-il.

Souleymane Bachir Diagne a souligné que ‘’le métissage n’est pas simplement un état, mais une valeur, une capacité qu’il nous faut cultiver en nous’’.

Interpelé sur les discours nationalistes dans un contexte mondial de tribalisation, de racialisation, de conflits identitaires, de migrations et d’inégalités sociales, l’auteur sert comme réponse ‘’Ubuntu’’ d’abord.

A l’en croire, ‘’il faut sortir des tribalismes pour le chemin vers un universel en réconciliant bien sûr les positions et éviter toute sorte de repli identitaire’’.

Le penseur sénégalais estime alors que le concept d’universalité est indissociable du concept d’“Ubuntu”. Il prône en effet un universalisme qui se nourrit de la diversité du monde pour ainsi dire donc ‘’l’universel c’est l’humanité’’.

Sur la question des réseaux sociaux, il estime que c’est comme la langue d »’Ésope’’,  »la meilleure et la pire des choses ».

‘’La meilleure dans la mesure où les réseaux sociaux par définition et dans leur nom même auraient dû, devraient être des moyens de faire communauté, de constituer de la sociabilité, de la socialité et d’être une traduction technologique de Ubuntu’’, fait savoir le professeur Diagne. 

Mais, ajoute-t-il, ‘’on voit que les réseaux sociaux peuvent aussi très facilement être transformés et être happés, pour ainsi dire, par le tribalisme. Le tribalisme se satisfait parfaitement de ces outils-là (…) Vous avez de véritables commandos politiques dans les réseaux sociaux qui sont là à l’affût de ce qui se dit et qui regardent ce qui se dit’’, fait remarquer le philosophe qui souligne cette manipulation et fabrication des opinions.

Il en appelle à rendre les réseaux sociaux à leur idéalisme premier en essayant, dit Souleymane Bachir Diagne, ‘’de toujours continuer le combat pour être digne de cet héritage que nous ont laissés Nelson Mandela et Desmond Tutu’’.

SC/FKS/ADL/OID/ASB

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