Par Ahmad Mouslim Diba Saint-Louis, 28 déc (APS) – La ville de Saint-Louis vibre depuis lundi dernier au rythme du fanal, une tradition bien locale perpétuée au fil des années grâce au dévouement de l’artiste comédienne Marie Madeleine Diallo. A travers son agence d’organisation culturelle, de promotion de spectacles et d’arts »Jaloré Production », créée en 2000, elle tente tant bien que mal, avec son équipe, de pérenniser la tradition en offrant chaque année un spectacle aux populations de la vieille ville. Le fanal est une œuvre d’art grandeur nature illuminée et dotée de roulettes pour se déplacer. Elle est conçue par des habitants d’un quartier qui la font défiler. La procession s’accompagne de chants fredonnés par une troupe de femmes. Ces dernières chantent les louanges d’un parrain ou d’une marraine choisie parmi les personnalités de la ville. Après avoir pris le départ dans un des quartiers de la vieille ville, la procession débouche sur la place Baya Ndar (ex-Faidherbe), son point de chute, où des activités culturelles sont organisées pour égayer la partie. A l’origine, informe Ameth Ndiaye, acteur culturel et coordonnateur du fanal, ce spectacle renvoyait aux signares accompagnées de leurs domestiques portant des lampions pour leur éclairer la voie sur le chemin de l’église, le dernier jour de l’an. Les signares, du mot portugais señora, est la désignation de jeunes femmes noires ou métisses de la Petite-Côte du Sénégal, des comptoirs de Rufisque (Rufisco) au XVIIe siècle, puis de Gorée (ouest) et finalement de Saint-Louis, jusqu’au milieu du XIXe siècle. Le bien paraître en société, commandé par une haute idée de l’élégance, rythmait la vie de ces signares vivant en concubinage avec des Européens influents et qui réussirent à acquérir au fil du temps un rôle économique et un rang social élevé Le spectacle que cela donnait a poussé les populations à parler de fanal qui renvoie au beau, souligne le coordonnateur de l’évènement. Ce dernier accompagne Marie Madeleine depuis 1999, année où elle décida de ressusciter cette tradition. En effet, cela faisait des années que le fanal n’était plus organisé à Saint-Louis et en bonne doomou ndar (fils de Saint-Louis), l’artiste et actrice culturelle a décidé de s’engager pour son maintien dans l’agenda culturel communal, voire national. Ainsi, dit son collaborateur, elle a mis en place cette structure pour organiser le fanal avec le soutien de certaines bonnes volontés. Selon Ameth Ndiaye, avant, ‘’on sollicitait l’appui d’une bonne volonté choisie comme parrain ou marraine et dont les louanges étaient chantées par les troupes de quartier’’. Marie Madeleine a ‘’pris sur elle de choisir des personnalités politiques, sportives, culturelle, etc. en les affectant à des quartiers qui avaient en retour la charge de confectionner un fanal et des chansons à sa gloire’’, explique-t-il. L’œuvre d’art grandeur nature n’était découverte que le jour du fanal et chaque quartier cachait son jeu et ne voulait pas que les autres lui dament le pion. En effet, il y avait une saine rivalité entre les quartiers de Sor, de l’Ile et de la Langue de Barbarie, qui voulaient chacun être l’auteur du spectacle le plus merveilleux. Aujourd’hui, dans beaucoup de quartiers de Saint-Louis, grâce à l’implication de la promotrice, des troupes de chant existent ainsi que des ouvriers capables de fabriquer le fanal. Ameth Ndiaye en déduit que ‘’pour longtemps encore, cette tradition va demeurer à Saint-Louis’’. Marie Madeleine Diallo, la gardienne du temple Marie Madeleine Diallo est célèbre à travers le pays pour avoir incarné la saint-louisienne type dans certaines pièces de la troupe Bara Yego aux côtés de feu Golbert et El hadj Mansour. Cependant, dans la vieille ville, elle est surtout connue pour avoir pris des initiatives, comme le fanal ou les festivités du 15 août à l’hydrobase, en vue de promouvoir le patrimoine culturel de l’ancienne capitale du Sénégal. »Parler de Marie Madeleine m’est difficile », déclare son protégé Ameth Ndiaye, sollicité pour des témoignages sur sa »maman ». Selon lui, »Marie Madeleine est une icône de la culture de Saint-Louis. Toute sa vie, elle l’a consacrée à promouvoir cette culture’’. A sa retraite, elle pouvait aller se reposer auprès de ses enfants en France, où réside toute sa famille. Mais, elle a décidé de rester à Saint-Louis pour ressusciter le fanal qui était en voie d’extinction. Elle s’est sacrifiée pour cette ville en se consacrant chaque année à l’organisation du fanal, qui est un évènement déficitaire en gérant tout malgré son âge, selon le coordonnateur du fanal et non moins membre de Jaloré production. Seulement, il déplore qu’elle ne soit pas soutenue à la mesure de son engagement et se débrouille pour respecter ce rendez-vous avec les populations de Saint-Louis. Même si ce n’est pas aussi énorme, la tutelle accompagne l’évènement, reconnaît-il cependant. Il y a aussi la mairie dont les subventions arrivent tard (celle de l’année dernière est toujours attendue) et de rares hôteliers aussi s’impliquent dans cette activité de promotion de la destination Sénégal. Il se souvient également que l’ancienne animatrice à la Radiodiffusion Télévision sénégalaise (RTS, publique) a été aussi à l’origine des festivités du 15 août, qui ont connu un grand moment. Cependant, comme pour le fanal, l’initiatrice a rencontré des difficultés pour le 15 août qui a tendance à ‘’mourir’’. Des mouvements religieux musulmans ont combattu l’évènement, arguant qu’il favorisait la débauche des jeunes. Il rappelle qu’en 1995, un des sponsors avait distribué des préservatifs pour sensibiliser sur les maladies sexuellement transmissibles (MST). Cela avait provoqué beaucoup de tension à Saint-Louis et poussé les autorités administratives à intervenir. Mais, Marie Madeleine avait tenu à organiser son événement pour respecter le contrat avec ses sponsors. Cette année-là, des policiers du Groupement mobile d’intervention (GMI) avait jalonné le chemin menant vers l’hydrobase. Ce déploiement devait permettre d’éviter que les populations de Guet Ndar ainsi que les membres de cette association musulmane ne s’en prennent aux personnes venues passer du bon temps à la plage le 15 août. Finalement, l’organisatrice avait fini par lâcher du lest, en dépit du fait qu’elle n’avait d’autre ambition que d’animer la ville qui, sans ces événements, risque de tomber dans la morosité, déplore Ameth Ndiaye. Avec son association Pêcheur d’Espoir, elle a contribué en son temps à la formation de beaucoup d’acteurs culturels dont M. Ndiaye. Un programme d’une semaine pour enterrer l’année Pour la 24 é édition du fanal organisée sans interruption depuis 1999, sauf durant les deux ans de la Covid 19, le thème choisi est »Culture, vecteur de développement' ». Une exposition est prévue à partir de ce mardi, début des festivités, au hall du syndicat d’initiative avec un artiste belge. Le programme prévoit une mini foire à la place Baya Ndar. Les produits de l’artisanat local seront au menu, indique le coordonnateur du fanal. Les femmes transformatrices de la commune animeront le lendemain les stands en exposant des produits locaux pour les faire découvrir aux jeunes, explique Ameth Ndiaye. Il y aura un podium musical chaque soir avec des groupes de jeunes qui vont assurer l’animation pendant une semaine. Un défilé de mode est prévu le 29 défilé avec la styliste Oumou Sy et Baye Bathly, un jeune styliste saint-louisien. La styliste Oumou Guissé, partenaire du fanal, entrera en jeu avec l’organisation du Takussanou Ndar mettant en valeur la tradition saint-louisienne. Le jour j, le 30 décembre, ce sera au tour du fanal à partir de 20 heures. Les participants viendront de Sor, de l’Ile et de la Langue de Barbarie juste pour faire ressortir la tradition. Pour chaque fanal, un thème sera au menu. Sor mettra en avant la souveraineté alimentaire en montrant les produits locaux pour inciter les populations à les consommer afin de booster l’économie nationale. Pour l’Ile, des tableaux sur le thème culture et développement seront mis en avant. La Langue de Barbarie va rendre hommage au boxeur Batling Siki, dont le centenaire de l’assassinat sera célébré l’année prochaine. Le fanal fredonnera des chants dédiés à son parcours, selon le coordonnateur de l’évènement. L’évènement sera aussi marqué par un défilé de mode mettant en exergue Saint-Louis à l’époque coloniale avec les signares. Un spectacle sons et lumières ainsi qu’une prestation de faux Lions égailleront le public avant la sortie du fanal. AMD/FKS/OID/ASG
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