Dakar, 23 jan (APS) – Le panel réuni jeudi à Dakar pour lancer les ‘’concertations nationales pour la réforme du secteur public’’ a relevé plusieurs obstacles au fonctionnement correct de l’Administration publique sénégalaise et à la bonne exécution des services rendus aux usagers. Des défauts hérités de l’administration coloniale, le mauvais accueil des usagers du service public dans les administrations, l’absence de sanctions et d’évaluation des agents publics, l’inaccessibilité des édifices abritant des services de l’État pour certaines catégories de la société font partie des nombreuses failles relevées par les membres du panel, Souleymane Bachir Diagne, le professeur Babacar Kanté et Aminata Touré. ‘’Nous avons hérité de beaucoup de défauts de l’administration coloniale, ce qui explique la très mauvaise qualité de l’accueil (…) Malheureusement, cet héritage colonial est encore là. Cela doit changer. Il y a des changements profonds à faire. On doit y arriver par la formation’’, a dit le Haut Représentant du président de la République et ancienne Première ministre. Invitée par le ministère de la Fonction publique et de la Réforme du secteur public à partager son expérience du service public en tant qu’ancienne fonctionnaire des Nations unies, ministre, cheffe de gouvernement et cadre de l’administration sénégalaise, Mme Touré estime que certains agents publics entretiennent ‘’des rapports de domination’’ avec les usagers, auxquels il faut substituer ‘’des rapports de respect et même de déférence, car le fonctionnaire est rémunéré avec les impôts payés par les usagers…’’ Les pouvoirs publics sénégalais ont conservé cette ‘’dose d’arrogance et de mépris’’ de l’administration coloniale envers les usagers, a-t-elle affirmé. De la gauche vers la droite, le professeur Babacar Kanté, Abdou Karim Guèye, modérateur du panel, et Aminata Touré Mme Touré suggère au ministère de la Fonction publique et de la Réforme du service public d’exprimer les changements et réformes à venir aussi bien en français que dans les langues locales. ‘’Si on est maltraité dans les services d’accueil de l’Administration publique, on n’a nulle part où aller pour se plaindre. S’il fallait changer une seule chose dans la fonction publique, ce serait l’accueil. La qualité du service public s’effondre à l’accueil, où le niveau de maltraitance est très élevé. On considère le service public rendu à l’usager comme une faveur’’, a analysé le Haut Représentant du président de la République. Abdou Karim Lô, consultant en management et ancien délégué général à la réforme de l’État, partage la préoccupation de Mme Touré. ‘’La qualité du service public commence par le bon accueil, qui n’est pas seulement physique. Quelquefois vous téléphonez ou écrivez une lettre à une administration, qui ne vous répond pas’’, a signalé M. Lô en intervenant au débat. ‘’La formation permanente et obligatoire’’ Aminata Touré propose ‘’la formation permanente et obligatoire’’ comme remède aux défauts hérités, selon elle, de l’administration coloniale. ‘’Il faut qu’il y ait des sanctions, ce qui n’existe presque pas dans notre administration’’, a-t-elle ajouté, rappelant avoir eu la surprise de constater, lorsqu’elle est devenue ministre de la Justice, que presque tous les fonctionnaires de ce département ministériel avaient la note de 19,5/20. ‘’Si quelqu’un est noté 17/20, ça donne des risques de grève.’’ ‘’Le système de notation est inexistant (…) Le système d’évaluation des agents publics doit être normal (…) Il faut que l’opportunité soit donnée au citoyen d’évaluer lui-même la qualité du service public’’, a proposé Mme Touré au ministre de la Fonction publique et de la Réforme du service public, Olivier Boucal. Lansana Gagny Sakho, le président du conseil d’administration de l’APIX, estime que l’évaluation des services publics est fondamentale. Elle doit être faite par des cabinets indépendants, a-t-il dit en participant au débat. Il doit y avoir un lien direct entre les contrats des agents publics et leurs performances, a poursuivi Aminata Touré, affirmant que c’est la règle en vigueur aux Nations unies depuis le début des années 90. ‘’Certains délais sont inacceptables’’ Le professeur agrégé de droit public Babacar Kanté et le philosophe Souleymane Bachir Diagne ont tenu à rappeler que les fondements d’une administration efficace existent au Sénégal. Le premier signale l’existence de pays où l’Administration publique n’est présente que dans certaines parties du territoire national, ce qui n’est pas le cas du Sénégal. ‘’Le Sénégal a une histoire dont on peut être fier (…) L’État est présent dans tous les coins du territoire, aucun n’est laissé en rade’’, a fait observer M. Diagne. Précisant contribuer au panel en tant qu’usager des services publics sénégalais, l’enseignant à l’Université Columbia (États-Unis d’Amérique) recommande aux autorités sénégalaises de faire en sorte qu’‘’aucune région de notre pays ne se sente à la périphérie…’’ Le temps est aussi une dimension fondamentale de l’amélioration des performances du secteur public, selon M. Diagne. ‘’Certains délais sont inacceptables. Une administration doit pouvoir mesurer la durée du service offert à l’usager’’, a-t-il soutenu en contribuant au panel par vidéoconférence. Babacar Kanté, également ancien vice-président du Conseil constitutionnel, souligne qu’‘’il y a trois services extrêmement importants du secteur public : la santé, l’éducation et la justice’’. ‘’Ces trois services sociaux posent problème’’, a-t-il ajouté, conseillant aux pouvoirs publics de ‘’restaurer la confiance entre le citoyen et l’administration’’. Le ministre de la Fonction publique et de la Réforme du service public, Olivier Boucal Les rapports entre les agents publics et les usagers des administrations des pays anglo-saxons sont exemplaires, selon M. Kanté. ‘’À Londres, le policier est dans l’obligation de vous conduire chez vous lorsque vous vous retrouvez dans la rue à des heures indues’’, a-t-il dit, faisant remarquer qu’il n’en va pas du tout de même au Sénégal. ‘’Il faut aussi qu’on arrête cette déresponsabilisation du citoyen, qui pense qu’il n’a que des droits’’, et la remplacer par le ‘’savoir-être citoyen’’ et la ‘’citoyenneté positive’’, a recommandé Babacar Kanté. Certains usagers se présentent dans les services publics ‘’sans le minimum de comportements qu’un citoyen doit avoir’’, a-t-il signalé. M. Kanté conseille aux pouvoirs publics de tenir compte de la situation des handicapés et des femmes enceintes. ‘’Il faut éviter de créer des discriminations’’ Aminata Touré aussi s’est préoccupée de l’accès des personnes à mobilité réduite aux infrastructures de l’Administration publique, de celui des personnes illettrées aux services fournis par l’État aussi. ‘’Il faut éviter de créer des discriminations’’, a-t-elle dit. Les pouvoirs publics peuvent offrir des ‘’services délégataires’’ aux personnes handicapées, non-voyantes ou illettrées en mobilisant une main-d’œuvre dédiée à cela, ce qui peut générer des emplois, a proposé Mme Touré. Souleymane Bachir Diagne a suggéré de recourir à la digitalisation pour améliorer la qualité des services publics. ‘’Nous n’avons pas besoin d’être un pays hyperdéveloppé pour recourir à la digitalisation (…) La technologie permet de gagner du temps’’, a-t-il affirmé, tenant à préciser que, pour des raisons éthiques, ‘’l’humain doit être au centre de tout’’. ‘’Il faut éviter que l’usager du service public se mette dans la peau d’un quémandeur. Il faut qu’il se sente en droit de demander le service qu’il veut’’, a soutenu le philosophe en évoquant l’expérience américaine : ‘’Aux États-Unis, l’usager a toujours la possibilité de se plaindre. Il est établi qu’il n’est pas un quémandeur.’’ ‘’Dépolitisation’’ de certaines fonctions Il est autorisé, dans ce pays d’Amérique du Nord, de payer plus que le tarif habituel pour raccourcir les délais d’exécution d’un service public, a dit M. Diagne. ‘’Je ne dis pas de faire la même chose ici. Nous n’avons pas la même culture administrative’’, a-t-il précisé. Momar Ndao, le président de l’Association nationale des consommateurs du Sénégal, estime qu’une telle pratique s’apparente à la corruption. Le consumériste va plus loin en affirmant que ‘’les bases de notre administration ne correspondent pas à notre culture’’. Souleymane Bachir Diagne dit souhaiter que les ‘’concertations nationales pour la réforme du secteur public’’ puissent permettre par exemple, en guise d’efficacité, de se faire délivrer aux États-Unis d’Amérique un acte d’état civil, par la mairie de sa ville natale, Saint-Louis du Sénégal, via les services consulaires sénégalais. Aminata Touré propose aussi de recourir à la ‘’dépolitisation’’ de certaines fonctions. Elle a donné l’exemple de l’Île Maurice, où ‘’vous ne pouvez pas exercer certaines fonctions si vous faites de la politique’’. Mme Touré a demandé au ministre de la Fonction publique et de la Réforme du secteur public de penser à la rationalisation des dépenses publiques lors de la mise en œuvre des réformes souhaitées. ‘’La volonté politique est clairement affichée. C’est, à mon avis, notre plus grand atout au Sénégal’’, a-t-elle dit. ESF/ASB/OID
SENEGAL-RELIGION-INFRASTRUCTURE / Reconstruction de la mosquée omarienne : la diaspora sénégalaise des Etats-Unis remet plus de 123 millions de francs CFA au khalife
SENEGAL-ENVIRONNEMENT-COMMEMORATION-REPORTAGE / Bamboung, une idée des trésors du delta du Saloum – Par Mohamed Tidiane Ndiaye (APS)
SENEGAL-RELIGION-INFRASTRUCTURE / Reconstruction de la mosquée omarienne : la diaspora sénégalaise des Etats-Unis remet plus de 123 millions de francs CFA au khalife
SENEGAL-RESSOURCES-ENVIRONNEMENT / La carte des ressources minières et des hydrocarbures »est très favorable » (spécialiste)
SENEGAL-AFRIQUE-ENVIRONNEMENT / Gouvernance des ressources naturelles : Birame Diop invite les pays africains à adopter des stratégies efficaces
SENEGAL-SOCIETE / Saint-Louis: l’amélioration de l’accès des personnes handicapées aux technologies d’assistance au menu d’un atelier