SENEGAL-AFRIQUE-JURIDICTION-TIC
Dakar, 24 avr (APS) – Le Premier président de la Cour suprême du Sénégal, Mahamadou Mansour Mbaye, a rappelé, mercredi à Dakar, la nécessite de protéger la vie privée et des données à caractère personnel des justiciables, notamment en cette époque de développement des technologies de l’information et de la communication.
‘’Compte tenu de la sensibilité de certains sujets traités par nos juridictions, nos décisions doivent revêtir un aspect qui protège la vie privée des justiciables et rester dans le respect des données à caractère personnel’’, a plaidé le haut magistrat.
Il s’exprimait au cours d’une session de formation régionale des correspondants de l’Association des hautes juridictions francophones (AHJUCAF) placée sur le thème : ‘’Numérisation et anonymisation des décisions de justice’’, qui se tient mercredi et jeudi dans la capitale sénégalaise.
Cette rencontre de deux jours vise à trouver les mécanismes permettant de protéger la vie privée des personnes jugées, malgré la publication des données informatiques que tout le monde peut consulter. Quinze pays africains membres de l’AHJUCAF prennent part à cette session de formation régionale.
‘’Dans un monde de plus en plus interconnecté où les décisions sont diffusées en ligne et peuvent être consultées sans restriction par le grand public, la question de leur anonymisation prend une dimension nouvelle et ne saurait être envisagée comme une simple formalité administrative. Elle devient un enjeu stratégique, un défi technologique et surtout un impératif démocratique’’, a dit Mahamadou Mansour Mbaye.
Ce processus demande, néanmoins, des instruments adaptés, a précisé le Premier président de la Cour suprême du Sénégal, assurant que les juridictions travaillent à assurer la protection des données personnelles.
‘’En raison de la multitude de décisions rendues par nos cours et tribunaux, il nous faut souvent des logiciels qui permettent, dès qu’il y a un nom, de le changer automatiquement, concourant ainsi à la protection du justiciable’’, a-t-il indiqué.
Pour y parvenir, a-t-il dit, les juridictions des États membres de l’AHJUCAF, ‘’en retard dans ce domaine’’ du numérique, vont s’inspirer de l’expérience des autres, afin de savoir où est-ce qu’elles en sont.
Le président de la Cour suprême du Bénin, Victor Dassi Adossou, président de l’AHJUCAF
Le président de la Cour suprême du Bénin, Victor Dassi Adossou, par ailleurs président de l’AHJUCAF, qui a participé à la rencontre, a rappelé l’exigence démocratique que constitue aujourd’hui la transparence judiciaire.
‘’Rien de ce que fait le juge ne peut rester inconnu ou caché. En réalité, la diffusion de la jurisprudence, c’est-à-dire des décisions rendues par le juge est également une exigence démocratique. Alors comment diffuser une décision de justice sans tordre le cou à d’autres valeurs, d’autres principes que nos États se doivent de sauvegarder ?’’, s’est-il interrogé.
Pour lui, toutes les juridictions sont obligées d’arriver à l’anonymisation qui passe par la pseudonymisation. Pour y arriver, les pays africains doivent se former dans la numérisation, a-t-il estimé.
‘’Aujourd’hui, au Bénin, pour rester dans le respect de la protection des données personnelles, nous sommes obligés d’envoyer nos décisions à la Cour de cassation de France, qui dispose d’un logiciel adéquat pour aller à l’anonymisation et à la pseudonymisation’’, a fait savoir président de la Cour suprême du Bénin.
‘’En plein 21ème siècle, est-ce que nous pouvons encore, en tant que juridiction d’un État indépendant, nous contenter de cela ?”, s’est-il étonné, ajoutant que la rencontre de Dakar se fixe comme objectif d’outiller chaque juridiction de l’AHJUCAF pour qu’elle ait les mécanismes nécessaires, lui permettant de pseudonymiser sa décision anonymisée.
‘’A travers l’outil Open Data [données ouvertes], qui est très avancé dans un pays comme la France, nous voulons nous approprier cette avancée technologique. Ce qui nous permettra d’accompagner le travail admirable qui se fait au niveau des juridictions et rendre des décisions de qualité’’, a déclaré Victor Dassi Adossou.
Le haut magistrat béninois a par ailleurs fat remarquer que le Sénégal fait partie des pays africains qui s’illustrent actuellement dans l’utilisation des outils technologiques par les institutions judiciaires.
Et c’est à titre, d’ailleurs, a-t-il ajouté, qu’une délégation de la Cour suprême du Bénin séjourne actuellement à Dakar afin de voir ce qui se fait au niveau de la Cour suprême du Sénégal en termes de numérisation.
‘’Le Sénégal est en avance sur un pays comme le Bénin qui, lui-même, est en avance sur d’autres pays. Une situation qui s’explique par le fait que dans certains pays, l’outil informatique n’est pas bien présent. Ensuite, on ne peut réaliser la pseudonymisation sans que l’internet ne soit disponible 24 heures sur 24. Or dans certains de nos pays, c’est à peine que le juge a un ordinateur, l’internet n’en parlons pas’’, a fait observer le président de l’AHJUCAF.
HB/ABB/ASB