SENEGAL-SANTE-DEFIS
Diourbel, 18 juil (APS) – Le constat est établi par les structures sanitaires locales elles-mêmes : la malnutrition continue de sévir dans la région de Diourbel, affectant principalement les femmes, les nourrissons et les enfants.
Cette situation, alimentée par la pauvreté et des facteurs socio-culturels, impacte négativement sur la santé et la vie des plus jeunes.
Dès l’âge de six mois, de nombreux enfants souffrant de carences nutritionnelles sont accueillis dans les centres de régulation et d’éducation nutritionnelle (CREN). Comme celle attenante au district sanitaire de Diourbel, qui reçoit un nombre croissant de cas.
“Rien qu’en 2024, 1 000 enfants présentant des carences nutritionnelles ou énergétiques ont été pris en charge” dans cet établissement, a relevé son responsable, le docteur Ibrahima Fall.
Dans les salles exiguës du centre, la détresse saute aux yeux du visiteur dont l’attention est vite captée par les pleurs d’enfants qui résonnent derrière la salle de conférence du district.
Portés par leurs mères, une vingtaine d’enfants souffrant de retard de croissance attendent un diagnostic.
Les professionnels de santé se relaient, procédant à des mesures de taille et de poids, afin d’évaluer les signes cliniques de malnutrition aiguë tels que l’émaciation (perte de poids sévère et rapide) ou l’œdème (gonflement causé par une rétention excessive de liquide dans les tissus).
Dans l’unité d’hospitalisation, deux lits accueillent les cas jugés plus graves. Des sachets nutritionnels vert et blanc, administrés matin et soir, sont utilisés pour renforcer l’état des enfants apathiques et dont les cheveux ont perdu leur couleur naturelle.
Assanatou et Ousseynou, des jumeaux de 7 mois, illustrent la vulnérabilité de cette frange de la population. Le garçon semble suivre un développement relativement normal, mais l’état de la sœur inquiète.
La petite Assanatou, originaire du village de Patar, dans la région de Diourbel, lutte contre la malnutrition depuis sa naissance. Elle souffre de diarrhée et de fièvre, et a dû être transférée au CREN pour des soins spécialisés.
“Je compte sur la générosité des voisins pour subvenir à leurs besoins”, explique leur maman, qui ne dispose pas de ressources suffisantes pour la prise en charge de ses deux enfants.
L’allaitement exclusif, un enjeu encore mal compris
Il y a le manque de ressources mais certaines pratiques inadaptées contribuent aussi à aggraver la situation, alerte Yacine Fall, superviseure des soins de santé primaires.
“Beaucoup de femmes introduisent précocement de l’eau dans l’alimentation de leurs bébés, invoquant la chaleur. Or, seul l’allaitement exclusif jusqu’à six mois permet un bon état nutritionnel”, explique-t-elle.
Coumba Guèye, pédiatre, ajoute que “si la mère est malnutrie, son lait perd en qualité. L’enfant n’a pourtant pas besoin d’eau supplémentaire s’il est correctement allaité”.
Une campagne de sensibilisation est en cours pour corriger ces comportements à travers des relais communautaires, signale Mme Guèye.
Les pratiques de sevrage précoce, dictées par des pesanteurs socio-culturelles, représentent également un frein, dit-elle, en faisant observer que certains enfants sont sevrés dès 12 ou18 mois, pour des raisons essentiellement culturelles ou liées à la pauvreté.
Dans les 41 structures sanitaires de la région de Diourbel – 32 postes et 9 centres de santé – des efforts sont déployés, notamment par l’ONG Hellen Keller International (HKI), dans le cadre de la lutte contre la malnutrition.
Selon Fatma Bèye, assistante nutritionnelle à HKI, en plus des actions ciblées mises en œuvre – dépistage de la malnutrition aiguë et supplémentation en vitamine A pour les enfants de moins de cinq ans par exemple, les structures concernées bénéficient de dotations en matériel anthropométrique.
Des formations sont également dispensées aux infirmiers-chefs de poste, sages-femmes et agents communautaires. Elles portent sur la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë sévère, la fabrication locale de farine enrichie, et le suivi des cas, a-t-elle poursuivi.
HKI qui prévoit une revue nutritionnelle pour les 2e et 3e trimestres de 2025, recommande notamment aux acteurs de penser à “garantir la disponibilité des intrants nutritionnels” et à “renforcer l’équipement des structures”.
Elle dit également suggérer au ministère de la Santé et de l’Action sociale d’intégrer les produits nutritionnels dans la chaîne d’approvisionnement de la Pharmacie nationale d’approvisionnement (PNA).
La région de Diourbel subit régulièrement des épisodes de sécheresse, compromettant la production agricole et entraînant une insécurité alimentaire chronique, en particulier en milieu rural.
Cette situation structurelle rend la lutte contre la malnutrition encore plus complexe, fait-on savoir.
NSS/SMD/HB/ADL/BK/ASG