SENEGAL-FINANCE-ANALYSE
Dakar, 4 mars (APS) – La priorité que devraient se fixer les autorités sénégalaises, à la suite des malversations relevées par la Cour des comptes et la baisse de la note du Sénégal par certaines agences de notation, est de restaurer la confiance du monde de la finance envers le système financier du pays, estime l’économiste Pape Demba Thiam.
‘’C’est peut-être bien qu’on fasse la lumière dans toutes ces choses-là’’, a-t-il dit, d’abord.
L’ancien fonctionnaire de la Banque mondiale parle des mesures prises par les autorités sénégalaises dont les poursuites judiciaires prévues contre les auteurs présumés des ‘’anomalies’’ relevées par la Cour des comptes dans la gestion des finances publiques entre 2019 et 2023.
‘’Mais la chose la plus importante aujourd’hui, du point de vue du repositionnement du Sénégal dans le système financier, même au niveau national (…), c’est de restaurer la confiance dans le système’’ financier du pays, a recommandé M. Thiam dans une interview avec l’APS.
‘’Ça, c’est une urgence. Et la seule manière de restaurer la confiance dans le système financier et fiduciaire, c’est de corriger immédiatement, de prendre toutes les mesures correctives qui permettent d’assainir la chaîne de maîtrise des opérations financières et de leur contrôle fiduciaire’’, a-t-il expliqué.
Pape Demba Thiam, titulaire d’un doctorat d’économie du développement, d’intégration économique régionale et de développement des chaînes de valeur de l’université de Neuchâtel (Suisse), ajoute: ‘’Comment est-il possible de demander aux Sénégalais vivant à l’étranger d’engager de l’argent (…) si nous avons ce genre de problème (la situation décrite par la Cour des comptes), qui interpelle toute personne capable d’investir de l’argent dans le pays? Donc, ça, c’est très sérieux.’’
— ‘’Changer radicalement de cap’’ —
‘’J’ai souvent entendu les nouvelles autorités, quand elles étaient dans l’opposition, dire qu’elles vont faire une sorte de rupture, changer radicalement de cap en matière de développement. Mais, on ne peut pas changer radicalement de cap en matière de développement, si on ne revoit pas la méthode et les instruments avec lesquels on finance le développement’’, a analysé l’économiste sénégalais vivant depuis 2017 en Suisse où il travaille comme expert en développement industriel.
Il dit s’attendre à ce que ‘’les nouvelles autorités [aient] une autre manière de voir le financement du développement que cette [méthode] qui repose sur l’endettement public et fait tout reposer sur l’État’’.
‘’Quand on parle des agences de notation, j’entends souvent les Sénégalais dire […] que de toute façon, notre développement ne dépend jamais de l’extérieur’’, a dit M. Thiam, s’empressant d’ajouter: ‘’Mais une chose est certaine: il n’y a pas un seul pays qui s’est développé sans l’investissement direct étranger et l’investissement du secteur privé, sans un État capable de financer ce que j’appelle des plateformes de compétitivité pour attirer l’investissement privé. Il n’y en a pas.’’
‘’De ce point de vue (…), il est absolument important que les notations de ces agences puissent donner confiance aux investisseurs publics, institutionnels et privés’’, a soutenu Pape Demba Thiam.
Il estime, concernant la récente baisse de la note du Sénégal chez Moody’s et Standard & Poor’s, que ‘’le problème posé actuellement, dans le cas du Sénégal, est, au-delà de la responsabilité alléguée des anciennes autorités du pays, la fiabilité de notre système judiciaire et financier’’.
ESF/MFD/SBS/ASG