Ousmane Sène : “La langue de Shakespeare se fera difficilement une place”
Ousmane Sène : “La langue de Shakespeare se fera difficilement une place”

SENEGAL-EDUCATION-REFORME-ANALYSE

Dakar, 22 avr (APS) – Le Sénégal tente de se faire entendre par le monde en misant sur l’anglais par son apprentissage dès le préscolaire et l’élémentaire, mais la langue de Shakespeare se fera difficilement une place à côté de la langue de Molière au pays de Senghor, a soutenu Ousmane Sène, directeur du Centre de recherche ouest africain (WARC).

“Dans un pays qui a produit le premier noir agrégé en grammaire française, poète nourri à la sève du français et académicien, il sera difficile pour l’anglais de se faire une place”, a-t-il dit dans un entretien avec l’APS, à l’occasion de la Journée de la langue anglaise célébrée ce 23 avril.

Cette date correspond au décès du dramaturge, poète et acteur anglais William Shakespeare (1564-1616).

Les politiques linguistiques du Sénégal ont pourtant commencé avec Senghor comme premier président et qui avait un accent feutré pour les langues, a souligné le professeur Ousmane Sène.

Certains pourraient être surpris mais le puriste Senghor avait un goût prononcé de l’anglais, selon le directeur du WARC, un centre dont l’objectif est de favoriser les échanges et des recherches de haut niveau.

Si les Sénégalais ne savent pas parler couramment l’anglais, c’est parce que le temps consacré au cours d’anglais est “insuffisant”, estime Ousmane Sène.

“Les contacts n’existent pas pour qu’ils puissent parler comme ceux dont l’anglais est la langue maternelle”, a-t-il ajouté dans un entretien avec l’APS portant sur les enjeux de la réforme du système éducatif sénégalais avec l’introduction de l’anglais dès le préscolaire.

“Une heure ou deux heures [de cours] d’anglais pendant l’année scolaire, de la 6e à la Terminale, [alors] qu’à côté il y a d’autres matières qui sont plus importantes, sans compter le manque de pratique, font que vous ne pouvez pas parler l’anglais. Et ça, c’est dans tous les pays du monde, c’est valable pour les étudiants américains qui viennent ici [au WARC] apprendre le wolof”, a-t-il dit.

Selon lui, les difficultés dans la pratique de l’anglais ne sont pas liées à un problème de pédagogie mais de “fréquence” d’utilisation de cette langue.

“Quand on dit que c’est pédagogique, c’est que ceux qui enseignent et les outils utilisés ne sont pas appropriés”, a relevé Ousmane Sène, qui parle anglais comme il manie son sérère maternel.

Certains pensent que la théorie laisse peu de place à la pratique, et que l’accent est davantage mis sur la grammaire que sur l’expression. Ousmane Sène, spécialiste de la langue anglaise, considère que l’on ne peut pas se passer des règles et propose une plus grande implication du CLAD (Centre de linguistique appliquée de Dakar), un institut logé à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.

“L’autre catastrophe, c’est d’apprendre à parler sans pouvoir écrire ce que vous dites”, a-t-il indiqué, donnant des exemples sur l’usage des verbes irréguliers.

Si pour l’heure, ce sont des instituteurs qui se chargent de l’initiation à l’anglais dans l’élémentaire et le préscolaire, le professeur Sène suggère que ce rôle revienne à des professeurs d’anglais.

“Mais surtout des professeurs qui sont passés par la FASTEF (Faculté des sciences et techniques de l’éducation et de la formation), qui connaissent la pédagogie, et qui peuvent aider à l’adapter au primaire”, a-t-il précisé, en recevant dans son bureau orné de livres. 

Le problème de l’apprentissage de l’anglais à cet âge tendre se pose sans doute. Mais Il n’en est pas moins inquiet, laisse-t-il entendre.

“Tous les Sénégalais qui naissent et grandissent dans les villages parlent pourtant plusieurs langues parce que l’environnement le permet. Alors, leur âge ne doit pas être un handicap. Ils doivent sortir de l’école et faire des immersions”, a-t-il préconisé.

Il se dit convaincu que les enfants seront attirés par l’anglais. Il recommande de leur donner des outils comme des jeux pour leur permettre de pratiquer.

“Il faut ouvrir les enfants au reste du monde”

Ousmane Sène salue la décision des nouvelles autorités d’introduire l’anglais dès le primaire, soulignant que cela ouvre des portes vers des carrières internationales.

Mieux, dans un contexte où les sciences et les technologies “parlent” anglais, il estime qu’il faut ouvrir les enfants “au reste du monde et les rendre plus compétitifs pour mieux faire face à l’IA (Intelligence artificielle)”.

Des motifs que le ministre de l’Education nationale avait exposés lors de la cérémonie officielle de lancement de l’introduction de l’anglais à l’élémentaire et au préscolaire, le 14 décembre 2024.

“La maitrise de l’anglais, langue internationale par excellence, constitue un atout incontournable pour préparer nos enfants à un avenir prometteur et compétitif”, avait déclaré Moustapha Guirassy.

L’anglais reste aussi la langue des affaires. En ce sens, fait observer Ousmane Sène, “tous les décideurs arabes parlent anglais et sont formés dans des unités américaines ou britanniques”.

HK/ADL/OID/BK/SMD

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