SENEGAL-ENTREPREUNARIAT-PROFIL
Dakar, 21 mai (APS) – Na Maimouna Sambou, plus connue sous le prénom de Natacha, est une entrepreneure nourrissant le grand rêve de révolutionner le secteur de l’industrie agro-alimentaire, en misant sur les produits locaux à travers sa marque ”Tribal Food”.
Les obstacles qu’elle rencontre dans son quotidien d’entrepreneure ne font paradoxalement que renforcer sa volonté de valoriser les produits du terroir.
Rentrée au Sénégal en 2015, après plusieurs années passées en France, Na Maimouna Sambou dit avoir été frappée de constater que “le tissu des supermarchés était noyé par des produits importés”.
”Je ne voyais presque pas de produits made in Sénégal”, raconte Mme Sambou.
Et c’est de cette frustration qu’est née l’idée de “Tribal Food”, la marque qu’elle a lancée en 2022.
Une appellation qui n’est pas fortuite. “J’ai voulu qu’on se recentre sur ce qu’on est, car ce qui nous a permis de survivre, ce sont nos terres, à travers l’agriculture”, explique-t-elle.
“Nous étions des tribus agricoles. C’est pourquoi j’ai choisi ce nom pour mes produits. C’est une idée de guerre aussi et je l’assume. C’est une guerre contre les importations”, lâche fièrement celle qui a fait ses études supérieures en France, à l’université de Rouen, où Na Maïmouna Sambou a suivi un cursus en langues étrangères appliquées.
Elle a ensuite travaillé dans cette ville plusieurs années durant, sans jamais cesser de nourrir intérieurement l’envie de retourner au bercail “pour servir” son pays.
“Je me disais : nous avons la terre, nous avons le soleil et des gens de bonne volonté et surtout nous avons l’envie, donc qu’est-ce qui nous ferait avancer ? Qu’est-ce qui pourrait changer la donne et apporter une valeur ajoutée à nos produits ?”, dit-elle.
Elle décide alors de s’orienter vers une formation à l’Institut de technologie alimentaire (ITA) pour apprendre les outils devant lui permettre de surgeler les produits. Elle suit également une formation en pâtisserie.
“Nous avons commencé par faire des essais, et la première chose était d’avoir une machine qui surgèle et non qui congèle, pour rendre le produit dans les mêmes qualités gustatives que ce qu’on importe”, raconte-t-elle.
Après plusieurs tests, elle obtient enfin la bonne formule. Le moment opportun pour se jeter à l’eau, en pleine crise post-Covid-19.
“Nous avons réellement démarré la commercialisation de nos produits après la Covid, en 2022, avec les frites surgelées à partir de pommes de terres cultivées au niveau local, et le concept a été très bien accueilli”, souligne la propriétaire de la marque ”Tribal Food”.
Elle se lance ensuite dans la vente d’oignons locaux épluchés, découpés et surgelés.
Mais son engouement est très vite freiné par le cycle saisonnier de ces deux denrées.
“Après, nous avons eu quelques difficultés d’approvisionnement, car la pomme de terre et l’oignon local ne sont cultivés qu’à une période déterminée de l’année”, signale Mme Sambou.
Elle retient que la principale barrière dans un tel domaine reste la problématique de la conservation en grande quantité de ces produits non encore transformés.
“Pouvoir acheter en grande quantité et les conserver dans des chambres froides pour éviter les ruptures coûte cher. Ce qui est dur pour nous, c’est de pouvoir produire en continu”, avoue-t-elle.
Elle indique avoir le même souci avec le ”Nokoss”, un mélange d’herbes aromatiques qu’elle commercialise aussi.
”Pourtant, il y a une demande de nos produits au niveau de la sous-région mais, malheureusement, on ne peut pas les approvisionner. Car on n’a pas assez de stockage”, se désole celle dont l’entreprise a jusque-là fonctionné sur ”fonds propres”, ce qui explique la “progression lente” de ses activités.
Natacha Sambou emploie une dizaine de personnes et souhaite avoir à son service une vingtaine d’employés, pour ”satisfaire” la demande de sa clientèle.
”Faire les choses par nous-mêmes”
”Je n’ai pas de problème de structuration. Mon réel problème, c’est la production. Je devrais avoir une usine et des machines assez rapides mais tout est fait main”, fait-elle savoir.
Elle arrive tout de même à écouler la vingtaine de produits en ligne, en magasin et dans les grandes surfaces.
Auchan expose et commercialise aussi les produits de Natacha.
Commercialiser des produits locaux fait partie de la stratégie et de la politique commerciale de la multinationale française spécialisée dans la grande distribution.
“Lorsque l’on s’installe dans un pays, le minimum est de participer au développement économique de ce pays, et le fait d’intégrer des PME du pays, cela participe au développement du tissu industriel et à l’économie”, explique Seynabou Diao, directrice produit d’Auchan Sénégal.
Selon Mme Diao, l’ambition de la société de distribution est de ”faire en sorte” que 60% de ses volumes viennent des fournisseurs locaux.
”Nous avons beaucoup d’accords de partenariat avec des PME mais également de grandes entreprises sénégalaises pour leur faciliter l’accès à nos grandes surfaces”, précise-t-elle.
Mme Diao révèle par ailleurs que l’enseigne française ne fait pas de restriction sur les produits redistribués même si la multinationale ”privilégie” les produits frais.
Elle rappelle qu’acheter local coûte moins cher qu’importer. ”On privilégie le circuit court et le partenariat doit être gagnant-gagnant”, indique-t-elle.
Une stratégie qui répond aux ambitions de Na Maimouna Sambou qui rêve ”tout haut” de créer une grande industrie pouvant produire et commercialiser des produits 100% locaux, avec une offre en quantité suffisante.
”Pour que nos nations progressent, il faut qu’on sache faire les choses par nous-mêmes et qu’on arrête d’importer ailleurs”, conclut Mme Sambou.
MFD/OID/SBS/HB/BK/ASG