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Dakar, 23 avr (APS) – Le département d’anglais de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar peut satisfaire tous les besoins de l’Etat en matière de ressources humaines pour la réalisation de son projet de l’introduction de la langue anglaise au primaire, a assuré son chef, le professeur Abib Sène.
”On a un département qui fait plus que l’université du Sine-Saloum en termes d’effectif. Il est aussi plus important que l’université de Diamniadio qui fait à peu près l’effectif de (l’université Assane Seck) de Ziguinchor, plus important que la Faculté de médecine (de Dakar)”, a-t-il avancé.
“Nous sommes une université dans l’université, et donc le département d’anglais peut satisfaire tous les besoins de l’Etat en matière de ressources humaines pour réaliser son projet”, a indiqué Abib Sène dans un entretien avec l’APS, à l’occasion de la Journée de la langue anglaise célébrée ce mercredi 23 avril.
L’apprentissage de l’anglais au primaire est encore en phase de test. Pour l’heure, les cours se font dans quelques écoles-pilotes et ils sont dispensés par des instituteurs.
Même si certains d’entre eux ont quelques notions de base de la langue anglaise, ou peuvent être des diplômés en anglais, le défi des ressources humaines reste important.
Abib Sène voit dans son département la clé devant ouvrir les portes de l’efficacité dans l’opérationnalisation de l’anglais au primaire.
Il recommande à l’Etat de parier sur les étudiants en anglais formés à la bonne école, des jeunes qui ne demandent qu’à être employés quelque part.
Un double avantage puisqu’ils sont plus outillés et leur implication absorberait un besoin important de potentiels chômeurs.
“Mais aussi bizarre que cela puisse paraitre, j’ose dire qu’à la Faculté des lettres et sciences humaines, nous formons moins de chômeurs. Les étudiants qui parviennent à décrocher leur licence et leur maîtrise en anglais ont tout le temps une opportunité quelque part pour trouver un emploi”, a-t-il relevé.
Selon lui, “le département d’anglais est là avec tout ce dont il dispose comme ressources humaines pour accompagner le projet” d’introduction de l’anglais dans l’enseignement dès le primaire.
Le professeur Abib Sène estime que l’introduction de cette langue dès l’élémentaire et le préscolaire est “une très, très bonne idée”, si l’on tient notamment compte du nombre d’écoliers qui ont suivi des cours d’anglais de la 6e à la Terminale, sans pouvoir manier couramment cette langue.
Il trouve “malheureusement” que cette décision a été “tardivement mise en exécution”.
”On aurait dû le faire depuis longtemps, on allait permettre à beaucoup de générations de régler pas mal de problèmes”, a indiqué Abib Sène.
Cette “excellente idée” requiert cependant des moyens matériels et humains pour une véritable réussite, selon cet enseignant-chercheur, élu chef du département d’anglais il y a un an.
“Il faut plutôt parler de volonté parce que les moyens, il n’y en aura jamais assez”, dit-il.
“Si on attend les moyens pour soulever des montagnes, on ne fera pas grand-chose dans notre vie”, a-t-il dit, insistant sur le fait qu'”avec le minimum, on peut faire le maximum”.
Abib Sène appelle donc à une démarche inclusive en y impliquant toutes les énergies positives nécessaires.
“Il faut conjuguer les approches, fédérer les énergies et consulter de manière élargie tous les points de vue pour nous permettre de réussir ce pas”, a-t-il préconisé.
Selon lui, “on n’a plus le droit de perdre du temps. Mieux, on n’a plus même le temps de perdre du temps”.
Si la tâche peut s’avérer difficile au début, l’universitaire se dit convaincu qu’avec “un peu plus de rigueur, d’approche et d’application, on peut aller très loin” dans le processus de maîtrise de l’anglais dès le cycle primaire.
Augmenter le quantum horaire, recruter et créer des espaces d’expression
Abib Sène estime qu’il faut “nécessairement pratiquer” la langue.
”Les 2 heures, 4 heures ou 6 heures de temps par semaine consacrées à l’anglais (de la 6e à la Terminale) sont insuffisantes. Il faut non seulement augmenter le quantum horaire, mais également recruter un nombre suffisant d’enseignants”, recommande le chef du département d’anglais de l’UCAD.
Pour une approche plus pratique, il suggère l’aménagement d’espaces où les élèves pourront communiquer en anglais, ce qui leur permettrait d’acquérir le réflexe d’utiliser cette langue.
“On aura beau emmagasiner des règles de grammaire, du vocabulaire, etc., quand on ne les applique pas, ça devient une connaissance passive”, a-t-il fait remarquer.
Ce cadre d’expression existe d’ailleurs “dans une moindre mesure” à l’université.
“Les étudiants font leurs cours en anglais, des exposés, des rencontres, organisent des événements d’ordre culturel et pédagogique. Au niveau de l’espace universitaire, ceux qui viennent du département d’anglais communiquent en anglais”, a souligné le professeur Abib Sène.
Pour favoriser l’expression rapide des tout-petits, le chef du département anglais de l’UCAD prescrit l’ouverture de clubs anglais avec “un calendrier scolaire d’activités linguistiques qui leur permettra, d’une manière très régulière, de créer les cadres pour mettre en situation ces élèves”.
Ce calendrier peut être décliné en activités de génie en herbe, culturelles comme le théâtre, qui seront déroulées ”du premier au dernier jour de l’école”.
Le filtre entre la première année et la maîtrise
Il est évident que le tamis de la première année à la maîtrise a laissé beaucoup de mauvaises graines aussi, fait observer Abib Sène.
”Les taux de réussite et d’échec dépendent des années parce que nous sommes dans une université qui se conjugue aussi dans une certaine instabilité au fil des ans”, a-t-il expliqué.
Comme pour les autres facultés de l’UCAD, le département d’anglais souffre des perturbations du calendrier universitaire qui impacte les résultats des étudiants. Mais tout dépend des niveaux.
“Forcément, quand on a une première année qui fait 3000 étudiants à peu près, les résultats ne peuvent pas être identiques en master où on a beaucoup moins d’étudiants parce que le filtre se fait en licence 1, 2 ou 3”, a-t-il souligné.
Il y a aussi que beaucoup d’étudiants viennent au département d’anglais alors qu’ils devraient se retrouver ailleurs.
”Parfois, ils sont orientés contre leur gré ou ils ne savent pas comment renseigner une plateforme. Et donc, ils sont là parmi nous alors que, fondamentalement, ils ont le profil d’un juriste, d’un sociologue, etc.”, a expliqué le professeur Sène.
L’anglais, la “clé multi-usage”
Le département d’anglais a formé des étudiants qui se sont retrouvés aujourd’hui dans des organisations internationales. Tout cela est le fruit des enseignements certifiés de l’UCAD, selon Abib Sène.
”Nous avons des étudiants qui aujourd’hui travaillent aux Nations unies, à la Banque mondiale. Il y a deux jours, nous avons auditionné ici des cadres de la Banque mondiale pour leur doctorat”, a-t-il dit en guise d’illustration.
C’est dire que “l’anglais est une clé multi-usage qui peut ouvrir n’importe quelle porte”.
De la même manière, l’anglais peut aussi être une clé qui ferme la porte de la carrière à ceux qui ne la maîtrisent pas.
”Si vous n’avez pas le niveau en anglais, vous pouvez ne pas avoir la même chance que ceux qui sont mieux outillés pour des postes internationaux parce que dehors, c’est la compétition”, a fait remarquer le professeur Abib Sène.
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