Dakar, 15 juil (APS) – Des ingénieurs, chercheurs et spécialistes de la question de l’eau ont préconisé, samedi, à Dakar, le recours à ”l’hydrodiplomatie” pour promouvoir une gestion durable et apaisée des eaux transfrontalières en Afrique.

Intervenant dans le cadre d’une table ronde virtuelle organisée par le site d’information hydrodiplomacy.com, en partenariat avec le think tank IPAR, les panélistes sont revenus sur les enjeux et défis de la gestion des eaux transfrontalières en Afrique.

Au cours de cette table ronde axée sur le thème central : “Les enjeux et défis de la gouvernance des ressources de l’eau en Afrique et le rôle de la diplomatie”, les intervenants ont insisté sur les vertus de la diplomatie de l’eau, qu’ils jugent porteuse de paix et de stabilité sociale en Afrique.

Selon Niokhor Ndour, responsable à la direction de la gestion et de la planification des ressources en eau, la diplomatie de l’eau ou hydrodiplomatie est une approche visant à promouvoir la coopération, à prévenir et à résoudre les conflits liés à l’eau entre pays ou les régions du monde.

“Elle implique des outils de négociation, des accords et des mesures de coopération entre les nations concernées en vue de résoudre les conflits liés à l’eau”, a-t-il ajouté, donnant en exemple l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) et l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG).

Ces deux organismes émanent d’une grande diplomatie de l’eau visant à prévenir les conflits entre le Sénégal et ses voisins avec lesquels le pays partage ces bassins fluviaux, mais aussi à promouvoir le développement.

Dans un contexte de raréfaction de l’eau, les nouvelles formes de diplomatie de l’eau peuvent devenir “une approche prometteuse” dans la prise en charge des défis liés à l’eau, à la coopération internationale et à la gestion durable de l’eau, estime Niokhor Diouf.

L’expert en eau et environnement Madiodio Niasse a appelé, pour sa part, les pays africains à ne pas suivre les mêmes itinéraires de développement des ressources en eau que les pays des autres continents.

“L’Afrique, a-t-il expliqué, a besoin d’une approche innovante, plus stratégique, car elle est le continent le plus aride du monde en ayant que 9% des ressources en eau renouvelables”, contre selon lui 20% pour l’Asie, 45 pour l’Amérique et 16% pour l’Europe.

La nouvelle approche qu’il appelle de ses vœux “doit être basée sur une coopération interétatique pour régler cette contrainte en eau du continent”, d’autant que “la pression exercée sur les ressources en eau crée des risques de conflits, de même que la répartition déséquilibrée des eaux de surfaces et souterraines”.

Il a donné en exemple le cas du Nil et du Niger, les deux fleuves les plus longs d’Afrique, soulignant qu'”on est au bord d’une guerre entre l’Égypte et l’Éthiopie, depuis la construction du barrage de la Renaissance en Éthiopie”. Il a d’autre part signalé “des risques de conflits du côté du bassin du fleuve Niger”.

“Donc, il faut adopter le concept de partage des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources en eau”, a-t-il préconisé, relevant que ”l’hydrodiplomatie”, dans sa mise en œuvre, doit essayer de répondre aux pressions et aux risques de conflits.

L’hydrodiplomatie “se doit d’être une diplomatie de prévention, d’anticipation et de résolution des conflits, mais aussi de développement des ressources en eau disponibles à travers la réalisation d’ouvrages communs”, a ajouté M. Niasse

Olivier Cogels, professeur émérite à l’Université catholique de Louvain, en Belgique, et expert en diplomatie de l’eau, a suggéré l’adoption d’une “doctrine des investissements coordonnés” en matière de gouvernance des eaux transfrontalières en Afrique.

Il soutient que la “doctrine des investissements coordonnés mérite d’être citée comme une doctrine importante de la diplomatie et de la politique de l’eau pour la promotion d’une coopération transfrontalière de prévention des conflits transfrontaliers liés à l’eau”.

Il a appelé les pays africains partageant de grands bassins fluviaux à adopter cette doctrine pour prévenir les conflits.  “Il faut veiller seulement à ce que tous les investissements susceptibles d’avoir des impacts transfrontaliers soient coordonnés du stade de la planification à l’opérationnalité à l’échelle des pays en partage de ces bassins”, a-t-il précisé.

Selon lui, le concept d’investissement doit être au cœur de la diplomatie de l’eau. “Il est crucial parce que dans bien des cas, s’il n’y a pas d’investissement, il n’y aura pas de conflit. Donc, c’est souvent l’investissement des pays sur les bassins fluviaux qui est la source des conflits”, a-t-il expliqué.

“Ceci indique à quel point l’investissement est au cœur du débat”, a insisté olivier Cogels, selon qui en Afrique, la demande en eau va exploser dans les prochaines années.

“Donc, a-t-il relevé, on peut s’attendre à ce que les États fassent des investissements pour résorber le gap en eau, pour répondre aux besoins des populations et par conséquence s’exposent à des conflits, voire des guerres”.

Cette table ronde interactive était modérée par Ndèye Magatte Kébé, journaliste et fondatrice de Hydrodiplomacy.com, une plateforme spécialisée dans l’information sur la gestion des eaux transfrontalières en Afrique.

Dans un contexte de raréfaction des ressources en eau, d’augmentation des besoins et usages de l’eau et d’asymétrie d’intérêts entre les États, les bassins d’eau transfrontaliers cristallisent les tensions en Afrique.

AB/BK

 

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