Le ”Yebbi”, un mécanisme de réciprocité entre les familles des époux, selon un sociologue
Le ”Yebbi”, un mécanisme de réciprocité entre les familles des époux, selon un sociologue

SENEGAL-SOCIETE-ANALYSE

Dakar, 13 nov (APS) – Le “Yebbi”, au-delà de sa fonction fédératrice traditionnelle, se présente dans la société sénégalaise actuelle comme une contrepartie de la dot sans laquelle l’équilibre et l’équité entre les familles seraient grandement impactés, a analysé le sociologue Souleymane Lo.

Cette pratique consiste, pour la femme, à couvrir la belle-famille de présents lors des cérémonies familiales, dans le but de raffermir les liens.

“Le +Yebbi+ n’est pas une simple réplique de la dot, mais une réponse directe et une contrepartie à celle-ci. Sous cet angle, il épouse les contours d’une contre-dot dont l’objectif primordial est de jouer un rôle dans la restauration de l’équilibre et de l’harmonie au sein des dynamiques relationnelles complexes qui caractérisent le mariage”, a-t-il expliqué à l’APS.

Le sociologue met en relief la dot comme étant une compensation significative, se distinguant par son caractère à la fois volontaire dans son initiative et impératif dans sa finalité.

“Il est de l’honneur de la belle-famille de l’épouse de rendre la dot par le biais de la contre-dot”, sous peine de s’exposer aux dénigrements de la communauté ou de compromettre l’harmonie du mariage.

“Une telle omission pourrait exposer la mariée à des difficultés au sein de sa belle-famille, notamment de la part de sa belle-mère et de ses belles-sœurs, qui pourraient la percevoir comme issue d’une famille manquant d’honneur ou indigne de tout respect”, dit-il.

“Sans le +Yebbi+, la dot pourrait être interprétée comme un achat, réduisant la mariée à une marchandise et sa famille à des vendeurs. Le +Yebbi+, en revanche, élève l’échange au rang d’une alliance sacrée, où les familles s’unissent dans un respect mutuel et une reconnaissance de leur dignité respective”, a-t-il analysé.

Le sociologue attribue la persistance de cette tradition onéreuse et éprouvante à quatre facteurs que sont la tradition, la pression sociale, l’absence de cadres juridiques ou réglementaires clairs et appliqués pour encadrer ou interdire ces pratiques, en plus d’un défaut de sensibilisation et d’éducation en la matière.

Il estime que la conjoncture économique que traverse le pays devrait servir de “levier puissant” pour résorber ou éradiquer cette pratique.

“Le contexte économique actuel, marqué par une fragilité généralisée, une inflation persistante, un chômage élevé et des difficultés financières croissantes pour de nombreuses familles, rend le moment particulièrement propice, voire impératif, pour envisager une modification substantielle de cette pratique”, argue-t-il.

“La nécessité de prioriser les dépenses essentielles, telles que l’alimentation, le logement, la santé et l’éducation, rend la dépense liée à ces traditions de plus en plus difficile à justifier”, a relevé le sociologue.

Il préconise des campagnes de sensibilisation avec l’implication des leaders religieux et communautaires, en soutenant les initiatives locales qui militent pour la réforme de cette pratique et établir un cadre juridique pour les encadrer, sans tomber dans le dénigrement des traditions.

KM/HB/SKS/BK/MTN