Par Alioune DioufThiès, 8 mai (APS) – L’orchestre ‘’Dieuf Dieul’’ de Thiès, après une courte existence de quatre ans (1979 à 1983), a fait son come-back, à la faveur de la sortie, le 19 janvier dernier, de son premier album éponyme, mélange d’un vieux disque dépoussiéré et de nouvelles chansons, avec lequel il compte aller à la conquête du public européen, lors d’une tournée internationale prévue en mars 2025.“On ne pensait même plus au +Dieuf Dieul+, jusqu’à ce que ce Grec, Adamantios, découvre cette bobine, qui est ensuite tombée entre les mains de Sylvain Dartoy [directeur de la production du groupe] de la société +Wax Booking+’’, raconte Mamadou Bassirou Sarr, dans un entretien accordé à l’APS à son domicile du quartier Nguinth.Bass Sarr, de son nom d’artiste, relève que le nouveau partenaire, qui dirige une agence de tournée, de production de spectacle, a “su faire ce qu’il faut avec beaucoup de dynamisme, pour diligenter les choses”. “On a su réunir le reste de la troupe, qui était là et qui était toujours valide”, poursuit-il.Créé en 1979, le ‘’Dieuf Dieul’’ qui veut dire ‘’On récolte ce que l’on a semé’’ en wolof, de Thiès est le fruit d’une fusion entre les dissidents du groupe ‘’Ouza et ses Ouzettes’’ et de jeunes chanteurs thiéssois novices, auxquels s’est joint un autre artiste venu du Sud du pays.L’un d’entre eux, Bass Sarr en l’occurrence, quittait l’école pour des répétitions avec ses amis Ernest et Abdoulaye Camara, au quartier Carrière.C’est très certainement l’un des derniers groupes encore en activité de la fin des années 70 issu de cette grande époque des orchestres amplifiés africains avec un succès au Sénégal et en Gambie.L’orchestre s’est disloqué en 1983, après son unique disque, un enregistrement en Nagra réalisé par Moussa Diallo, un tenancier de boîte de nuit, très connu des mélomanes de l’époque, et qui habitait le quartier Carrière, raconte Mamadou Bassirou Sarr, un membre fondateur du groupe.Les artistes n’ont pas eu le temps d’exploiter cette bobine, qui a été découverte en 2014, par un DJ grec du nom de Adamantios Kafetzis, “à la recherche d’une musique rare” au Sénégal et en Gambie.La famille de feu Moussa Diallo exigeait l’accord des membres du groupe encore en vie, pour céder le disque en question.“Il a discuté avec la famille [de Moussa Diallo] et m’a trouvé à Dakar où je jouais, pour me parler de ce disque qu’il avait découvert, m’expliquant que la famille ne voulait pas le lui donner sans l’accord des musiciens qui en étaient les auteurs”, a-t-il dit.Bass Sarr, qui s’est retrouvé au groupe ‘’Africando’’ [un groupe de salsa né en 1993 de la rencontre de deux mélomanes, le producteur sénégalais Ibrahima Sylla et le Malien Boncana Maïga], a alors adhéré à l’idée, tout en faisant appel à Pape Seck, le “grand-frère” du groupe d’alors.Un “compromis” est alors trouvé pour que le Grec prenne avec lui ces vieilles bandes pour aller les retaper en Europe. “C’est comme ça qu’est venu le premier album de ‘’Dieuf Dieul”, poursuit le chanteur sexagénaire.Quarante ans après, le groupe thiéssois voyait ainsi sa production gravée pour la postérité.L’album n’était pas fini, mais une “bonne promotion” a permis au ‘’Dieuf Dieul new look’’ de faire des tournées avec, de 2016 à 2018. Un élan qui a été brisé par la Covid-19, raconte-t-il.En 2018, un Français nommé Sylvain Dartoy, patron de l’agence de production “L’Afrique dans les oreilles”, devenue ‘’Wax Booking’’, a repris les choses en main en relation avec le Centre culturel français de Saint-Louis.Le groupe a été en résidence de création dans la ville tricentenaire tout le mois de décembre 2018, pour faire “le premier album nickel, fini, pour le +Dieuf Dieul+ de Thiès”, avec l’appui d’une équipe de techniciens français qui s’est déplacée depuis l’Hexagone pour faire les enregistrements.Au bout d’un mois, ils ont donné un concert à l’Institut français de Saint-Louis dans le cadre de la 19e édition du festival ‘’Africa fête Sénégal’’ et ont bouclé un album de 12 titres.“Nous préparons deux à trois morceaux à mettre là-dedans, mais sinon tout est fini et on prévoit même de faire une tournée internationale encore en mars 2025 à travers toute l’Europe”, annonce l’artiste. “On est vraiment dans toutes les hit-parades, que ce soit à Londres, aux Etats-Unis, en Europe particulièrement. Le disque est sorti depuis janvier et on est en train d’en faire la promotion.”“L’orchestre s’est réorganisé, nous avons fait de telle sorte qu’actuellement, nous sommes en pleine compétition et en forme”, se réjouit Bass Sarr.“Pape Seck, notre grand frère, qui était chef d’orchestre et guitariste est décédé, ainsi que notre chanteur mandingue. On a su trouver des remplaçants pour continuer le chemin”, raconte-t-il.Le ‘’Dieuf Dieul’’ s’appuie aujourd’hui sur un groupe de sept membres, contre huit auparavant, pour se refaire une nouvelle vie musicale. Cinq d’entre eux sont au Sénégal et les deux autres, établis en Europe.Côté sénégalais, il espère pouvoir compter sur une “oreille plus jeune”, vu que “tous les grands mélomanes qui avaient connu cet orchestre, ne sortent plus où n’écoutent même plus la musique”.Le “mbalax afro-mandingue” que le groupe avait travaillé surtout lors de son séjour en Casamance, notamment à Kolda et à Ziguinchor, était une musique “en avance sur son temps”, explique-t-il.Bass Sarr estime que ce rythme, produit d’un brassage entre sonorités du Cayor et de la Basse Casamance, “n’était pas très compris par beaucoup de Sénégalais”, même s’il est “revenu” aujourd’hui et “fait actuellement son bout de chemin”.”Il y avait des chanteurs de divers horizons, comme moi qui était Thiéssois, Cayorien, Lassana Camara que nous avions pris en cours de route en Casamance et qui chantait le mandingue (socé).”La touche de Pape Seck qui avait travaillé avec Ouza, mais surtout avec le ‘’Guélawar Jazz’’ en Gambie, en faisait une “musique multidimensionnelle de la sous-région”.Concernant les droits d’auteur, il rassure qu’avec le nouveau producteur, Sylvain Dartoy, “tout est clair et est net, les papiers sont signés et tout se passe bien”. “Il y a quelques semaines, il m’a appelé pour me parler de royalties”, poursuit-il.A ce sujet, Bassirou Sarr est formel. “On y trouve notre compte actuellement, [et] on espère que ça aille mieux”, dit-il, avec un large sourire.ADI/FKS/ASG
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