SENEGAL-SANTE-HANDICAP
Dakar, 7 août (APS) – Le Centre national d’appareillage orthopédique (CNAO) doit être transformé en profondeur pour qu’il puisse mieux répondre aux besoins croissants en technologies d’assistance, dans un contexte marqué par la diversité des handicaps et des attentes sociales, a plaidé, jeudi, à Dakar, son directeur, le médecin-colonel Seydina Ousmane Ba.
“Le CNAO doit devenir une véritable plateforme stratégique multisectorielle, apte à fédérer les interventions, mutualiser les ressources et renforcer les capacités nationales en matière de soins et d’aide technique”, a déclaré le spécialiste en médecine physique, réadaptation et santé publique.
Il intervenait lors d’un panel sur la réadaptation, à l’ouverture de la première édition de la Journée internationale des Technologies d’assistance, portant sur le thème “Mon AT et Moi”.
“Pendant longtemps, la réadaptation a été marginalisée dans le système de santé. Aujourd’hui, il est temps de la structurer au même titre que les programmes de santé publique”, a déclaré le directeur du CNAO.
Il a insisté sur la nécessité de reformuler les missions du Centre national d’appareillage orthopédique, dont il dit que le statut “reste flou, à cheval entre l’hôpital, le centre de rééducation et l’établissement médico-social”.
Un document de positionnement institutionnel est en cours de finalisation pour être soumis au ministère de la Santé et de l’Action sociale ainsi qu’au conseil d’administration, selon lui.
Renforcer les sept centres régionaux
“Le CNAO est né dans un contexte post-traumatique, lié aux conflits armés et à la poliomyélite. Mais aujourd’hui, les besoins ont changé : paraplégies, handicaps neuromoteurs, handicaps invisibles comme l’incontinence urinaire ou les troubles cognitifs nécessitent une autre approche”, a-t-il relevé.
Il est notamment revenu sur l’enjeu de la territorialisation des services, avec l’objectif de renforcer les sept centres régionaux du CNAO, en lien avec les autorités administratives locales.
“Il faut que ce qui se fait à Dakar se fasse aussi à Kolda ou à Matam. C’est dans cette logique que nous travaillons avec les gouverneurs pour animer des cellules régionales actives autour du handicap”, a-t-il souligné.
Il a tiré la sonnette d’alarme concernant le déficit en ressources humaines spécialisées au sein du CNAO, notamment en ergothérapie, orthoprothésie, psychomotricité, neuropsychologie ou encore en assistance sociale adaptée.
“Nous ne formons toujours pas ces professionnels au Sénégal. Pourtant, la réadaptation n’est pas que chirurgicale. Il faut une équipe autour du patient : technicien, psychologue, assistant social, ergothérapeute, etc.”, a-t-il indiqué.
Des discussions sont en cours avec les universités, le Service de santé des armées et les hôpitaux pour lancer des filières de formation professionnalisantes, s’appuyant sur les ressources humaines et les malades disponibles au CNAO comme base pratique, a signé le spécialiste.
Le CNAO répond à ”une urgence sociale”
”Face à l’augmentation des besoins, le CNAO a sollicité un diagnostic d’inclusion auprès de l’ONG Sightsavers, pour améliorer l’accessibilité de ses locaux aux personnes handicapées. En parallèle, il travaille avec le ministère des Infrastructures pour sécuriser les abords de ses sites”, a-t-il renseigné.
Mais le défi majeur reste financier pour le CNAO, selon son directeur. “Il nous faut des matériaux disponibles et abordables. Rien que les embouts de béquilles sont difficiles à trouver. Nous produisons nous-mêmes des aides techniques adaptées, mais il faut des moyens durables pour rendre tout cela accessible”, a ajouté le médecin-colonel Ba.
Il considère que ”la technologie d’assistance ne peut être efficace sans une stratégie nationale cohérente, portée par des institutions structurées, des normes partagées et une réelle volonté politique”.
“Ce que nous faisons au CNAO n’a rien d’exceptionnel. C’est une réponse à une urgence sociale, humaine, sanitaire. Il faut que cela soit reconnu, soutenu et pérennisé”, a-t-il dit.
Seydina Ousmane Ba a par ailleurs annoncé la tenue d’un “grand Forum national sur le handicap” en décembre prochain. Cette rencontre sera organisée en partenariat avec les universités, la Ligue des associations de personnes handicapées, l’OMS et d’autres acteurs sans davantage de précisions.
Ce forum aura pour objectif de partager les innovations locales, impulser une stratégie nationale sur les technologies d’assistance et bâtir une plateforme de coordination multisectorielle.
”Nous voulons faire émerger une nouvelle vision, structurée, inclusive et durable, de la réadaptation au Sénégal”, a conclu le directeur du CNAO.
AN/BK