Kaolack, 4 fév (APS) – Les paysans et autres producteurs de la région de Kaolack estiment qu’il faut aller vers une agriculture biologique pour booster la production et atteindre la souveraineté alimentaire.

 »Les produits chimiques qui sont, le plus souvent, utilisés dans notre agriculture, constituent, non seulement, un danger pour la santé des populations, mais aussi pour la fertilité des sols’’, a signalé Abdoulaye Seck Wilane, un producteur agricole dans le département de Nioro du Rip.

Selon lui, dans sa politique de développement agricole, l’État du Sénégal doit trouver des stratégies allant dans le sens de mettre en valeur une agriculture biologique.

Cheikh Ahmed Tidiane Thiam est du même avis, expliquant que l’agriculture biologique a fini de faire ses preuves dans beaucoup de pays dont le développement est basé sur l’agriculture.

Le président du Cadre de concertation des producteurs agricoles (CCPA) est favorable, pour sa part, à une transition vers l’agroécologie pour avoir une production et de très bons rendements agricoles.

 »Avec cette tendance vers la préservation de la biodiversité, il faut vraiment tendre vers l’agroécologie qui veut qu’on utilise moins d’engrais chimiques et moins de pesticides pour booster la production, augmenter les rendements agricoles et permettre aux générations futures de trouver des terres fertiles, avec une bonne biodiversité’’, a-t-il dit.

Selon lui, la tendance mondiale, aujourd’hui, c’est la promotion d’une agriculture biologique et non de promouvoir ’’l’utilisation abusive’’ des pesticides chimiques, des engrais qui, à l’en croire, ont causé du tort aux pays et aux sols des régions de Louga (nord) et Kaolack (centre), lessivant l’essentiel des terres cultivables. Il s’agit de mettre en valeur les engrais organiques, d’autant plus que les terres sénégalaises ne sont pas extensibles.

Pour Ibrahima Thiam, chargé des revendications du Syndicat national des cultivateurs, maraîchers et éleveurs du Sénégal (SCEMS) affilié à la Confédération syndicale autonome (CSA), l’agriculture sénégalaise a rencontré, cette année, beaucoup de difficultés dont le faible rendement des productions agricoles, particulièrement pour l’arachide.

 »Certes, il a plu abondamment cette année, mais les rendements n’ont pas suivi. Certains accusent la mauvaise qualité des semences et les engrais, moi je ne peux pas dire quelle est la véritable cause de cette situation qui a fait que, malgré les efforts des cultivateurs, les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous’’, a-t-il déploré.

M. Thiam dit ne pas comprendre qu’avec le faible rendement des cultures arachidières, les producteurs sont obligés de vendre leurs productions à la SONACOS, alors que les opérateurs privés stockeurs restent devoir de l’argent aux producteurs.

 »Cette situation, avec le prix plancher de 305 francs CFA fixé par le gouvernement, fragilise le producteur qui, pour commercialiser son produit et avoir de l’argent pour prendre en charge ses besoins et ceux de sa famille, est obligé de vendre vils prix ses graines d’arachide à des commerçants’’, a-t-il regretté.

Ibrahima Thiam, producteur dans la commune de Keur Madiabel, dit avoir semé plus de 1,119 tonne d’arachide sur une superficie de près de 15 hectares, mais n’a récolté que 350 kilogrammes d’arachide seulement.

 »Quand les nouvelles autorités ont fixé un nouveau prix au producteur, on avait beaucoup d’espoir mais, au final, c’est une déception. Parce qu’au moment de vendre nos maigres productions, nous avons été obligés de faire face à des bandits économiques qui sont au cœur de la commercialisation. C’est la SONACOS qui est la cause principale de nos problèmes’’, s’est-il indigné.

Il affirme que cette présente campagne de commercialisation de l’arachide n’est pas du goût des producteurs agricoles, puisque des personnes véreuses font le tour des villages et autres marchés hebdomadaires pour s’approvisionner en graines d’arachide.

Plaidoyer pour une ‘’démarche participative et inclusive’’

 »Nous demandons aux autorités d’ouvrir les frontières pour permettre l’exportation de l’arachide. Que l’État sache que la famine va s’installer dans le monde rural si cette situation perdure, parce que les producteurs d’arachide sont faibles, les paysans ne disposent que du mil, du maïs et des fanes d’arachide’’, a dit Ibrahima Thiam qui invite l’État à prévoir des vivres de soudure.

Il affirme que la présence des Chinois dans le processus de commercialisation des graines d’arachide avait toujours été au grand bonheur des producteurs, parce que le kilogramme dépassait plus de 500 francs CFA.

Mais, ajoute-t-il, la fermeture des frontières à l’exportation de l’arachide ne fait qu’appauvrir le monde rural.

 »Les opérateurs privés stockeurs vivent des subventions de l’État, en exploitant ‘’impitoyablement’’ les producteurs, alors qu’avec les Chinois, ils croisent les doigts, parce que le prix au producteur est valorisé au grand bonheur des acteurs agricoles’’, a signalé le syndicaliste du secteur agricole.

Il invite les pouvoirs publics, particulièrement le gouvernement à travers le ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage à adopter une ‘’démarche participative et inclusive’’ afin d’écouter ‘’tous les sons de cloche agricole’’.

 »Mettre à la disposition d’un politicien ou d’un homme affaire plus de 100 tonnes de semences et d’engrais, ainsi que des subventions et autres intrants agricoles et laisser en rade les véritables ayants droit, est une véritable perte pour l’État du Sénégal, parce que c’est au détriment des véritables acteurs qui ne vivent que pour et par les activités agricoles’’, a-t-il fait observer.

Le gouvernement, à son avis, doit ouvrir de grandes concertations agricoles avec les vrais acteurs pour essayer de trouver des solutions aux problèmes du secteur agricole, ‘’parce que les rapports qui sont présentés à l’État ne reflètent pas souvent la réalité. Dans le Saloum, il n’y a pas d’arachide, les rendements sont très faibles’’.

 »C’est certainement parce qu’il n’y a pas de semences certifiées dans ce pays, il n’y a que des semences écrémées. Il faut aller vers le renouvellement du capital semencier’’, a-t-il indiqué.
Tout en estimant que ‘’le kilogramme devrait pouvoir être vendu à, au moins, 500 francs CFA ou plus, parce que j’avais même proposé entre 1000 et 1250 francs CFA le kilogramme d’arachide’’.

 »Nous fondions beaucoup d’espoir sur le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, un fils de paysan, qui connait bien le secteur agricole. Il doit faire en sorte que les véritables agriculteurs soient identifiés, au lieu d’écouter les acteurs de l’agro-business qui ne sont là que pour leurs propres profits économiques’’, a martelé Thiam.

Le chef de l’État, d’après lui, doit avoir une ‘’bonne visibilité’’ du secteur et des acteurs du monde agricole pour pouvoir faire, avec son gouvernement, une ‘’meilleure planification’’ des politiques agricoles telles que préconisées par le nouveau référentiel des politiques publiques ‘’Vision Sénégal 2050’’.

 »On ne peut guérir un malade si on ne connait pas la maladie dont il souffre. Parce que, jusqu’ici, pour la plupart des rencontres, on n’appelle pas les véritables acteurs. Et si ces derniers usent de toutes sortes de subterfuges pour être présents, on ne leur donne pas la parole pour pouvoir faire entendre la voix des paysans et du monde rural’’, a souligné ce producteur agricole du département de Nioro du Rip.

Les tentatives de rencontrer un responsable de l’usine de la SONACOS de Lyndiane sont restées vaines, de même, qu’un entretien avec le responsable intérimaire de la Direction régionale du développement rural (DRDR) de Kaolack, Samba Gaye, et du président du Collectif des producteurs et exportateurs de graines d’arachide (COPEGA), Habib Thiam, malgré nos multiples et incessantes interpellations physiques et téléphoniques.

ADE/ADC/ASB/MTH/OID

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