SENEGAL-AGRICULTURE-PORTRAIT
Tambacounda, 11 août (APS) – Pape Malick Sakho, artisan fabricant de matériel agricole, établi dans la ville de Tambacounda (Est), plaide pour un accès aux marchés publics dans un contexte où l’Etat du Sénégal accorde la priorité à la main-d’œuvre locale.
Devant l’ancien garage de Dakar de la ville de Tambacounda, notamment au quartier populaire de Médina Coura, Pape Malick Sakho tient depuis 2007 son entreprise spécialisée dans la fabrication de matériels agricoles.
A la devanture, quelques moulins et des charrues sont exposés au grand public. A l’intérieur, le décor donne l’impression d’un grand atelier de métallique avec des machines placées par-ci et par-là et quelques objets qui jonchent le sol.
Les machines vrombissent, le bruit des marteaux retentissement et l’écho de leur cognée se répand dans l’atelier et ses environs. Ici, tous les signaux montrent au visiteur qu’il est bien dans un atelier en pleine activité. Tout se passe sous le regard attentif de Pape Malick Sakho, le patron de l’entreprise.
Pape, comme aiment l’appeler ses voisins, est de teint noir et de taille imposante. A ces traits, vient s’associer un sourire qu’il se fait le plaisir d’offrir à chaque visiteur. Il a commencé à apprendre le métier d’artisan fabricant de matériels agricoles en 1995. Après quelques années d’apprentissage à Tambacounda, il quitte cette ville du Sénégal oriental pour renforcer ses compétences dans d’autres villes.
A son retour à Tambacounda, il crée en 2007 l’entreprise ”Kawsara oriental service” qui, dit-il, forme des jeunes et contribue à chaque hivernage à la réussite des opérations culturales.
‘’Je n’ai jamais reçu un financement de l’Etat, je me débrouille tout seul avec quelques prêts bancaires que je rembourse petit à petit. Dieu merci, mon entreprise tient toujours et j’ai en ce moment sept employés’’, a-t-il déclaré.
‘’Nous contributions grandement à la réussite de la campagne agricole ici à Tambacounda, parce que dès les premières pluies, nous abandonnons toutes nos activités pour nous consacrer à la réparation des machines afin de faciliter aux paysans le démarrage de la campagne agricole, car la plupart ne nos clients viennent du monde rural’’, a-t-il dit.
L’entreprise de Pape fabrique des moulins, des charrues, des décortiqueurs et plusieurs autres machines régulièrement sollicités par les paysans en période d’hivernage.
“Mon entreprise contribue grandement à la réussite de la campagne agricole à Tambacounda”
‘’Pour les moulins à gasoil, les prix varient entre 850.000 et deux millions francs CFA. En ce qui concerne certaines charrues, leurs prix s’élèvent à 20.000 F’’, a-t-il dit.
La retraite spirituelle de Médina Gounass, communément appelée le Daaka, constitue également un grand marché pour Kawsara oriental service.
‘’Nous vendons presque trois cent pièces en marge du Daaka, tout matériel confondu. A cela, s’ajoute le matériel vendu au-delà de cet événement religieux, donc nous vendons entre 600 et 700 pièces dans l’année, cela montre que notre entreprise contribue grandement à la réussite de la campagne agricole dans la région de Tambacounda et au-delà’’, se vante-t-il.
Pape Malick Sakho, résidant au quartier Pont de Tambacounda, dont le père est originaire du Saloum et la mère du Baol dans le centre du Sénégal, est né et a grandi dans cette principale ville de l’est du pays.
L’accès au marché, le rêve de Pape Malick Sakho
Aujourd’hui marié et père de 5 enfants, il demeure plus que jamais engagé pour le développement de son métier, en dépit des difficultés liées à l’accès au marché de l’Etat qui, insiste-t-il, reste un grand défi pour les artisans de la région de Tambacounda.
‘’Nous voulons accéder aux marchés nationaux, surtout en ce qui concerne le matériel agricole destiné aux agriculteurs de la région de Tambacounda. Je crois que l’Etat et tous les partenaires doivent nous faire confiance et nous aider à accéder à ces marchés, car nous, artisans de cette région, avons la compétence nécessaire pour faire un très bon travail’’, soutient-il.
”L’Etat ne peut pas donner aux artisans de la région de Tambacounda de l’argent liquide, mais s’il nous donne des marchés, nous allons travailler et répondre à nos besoins’’, a-t-il affirmé.
Dans la région de Tambacounda, le déficit de clients reste le plus grand obstacle des fabricants de matériels agricoles.
”Notre principal problème, c’est la clientèle, c’est-à-dire l’écoulement du matériel que nous fabriquons, nous demandons à l’Etat de nous attribuer les marchés locaux. A notre niveau également, nous allons faire les efforts nécessaires à travers un renforcement de nos compétences pour respecter les délais de livraison des marchés’’, assure Pape Malick Sakho.
”Si on nous donne des marchés, nous pourrions acheter nous-mêmes le matériel nécessaire pour concurrencer le matériel agricole importé et cela nous évitera également certains prêts bancaires qui peuvent nous obliger à vendre à perte, si la clientèle n’est pas au rendez-vous à temps. Nous demandons vraiment à l’Etat de penser à nous, car nous sommes déterminés à les accompagner’’, a-t-il insisté.
Au fil de la discussion, Pape Malick Sakho s’approche de la machine de tournage fer qu’il caresse jalousement avec ses mains, un prétexte peut-être pour revenir sur les difficultés rencontrées dans l’acquisition de la matière.
”Certaines matières, nous les obtenons à partir de Tambacounda, mais pour les fers lourds, il nous faut aller à Dakar, Thiès, Touba ou même à Kaolack. Nous n’avons pas les moyens d’acheter du matériel lourd et le stocker ici à Tambacounda, donc nous faisons des va et vient incessants pour acquérir de la matière’’, a-t-il affirmé.
”Nous voulons de l’aide dans l’acquisition des matières premières pour nous permettre de concurrencer les machines importées, car si on continue d’importer le matériel sans retenue, cela risque de décourager la main-d’œuvre locale. Si on nous soutien dans l’acquisition du matériau, on va produire un matériel agricole de qualité à même de répondre aux attentes des agriculteurs’’, a-t-il fait savoir.
Dans la région de Tambacounda, la fabrication de matériel agricole de qualité reste un grand défi pour les artisans locaux. Du haut de ses 45 ans, Pape Malick Sakho se dit prêt à relever ce défi et compte surtout sur les marchés de l’Etat, qu’il ne cesse de solliciter.
ABD/ADC/HB/AKS/OID