Dakar, 21 mai (APS) – Les autorités sénégalaises ont reçu de l’Allemagne des archives sonores d’anciens combattants sénégalais emprisonnés dans des camps, à Berlin, lors de la Première Guerre mondiale (1914-1918), a indiqué mardi le directeur général du musée des Civilisations noires, professeur Hamady Bocoum.“Il s’agit pour la plupart de tirailleurs de la Première Guerre mondiale, prisonniers capturés, mais je pense relativement bien traités parce qu’on leur avait même construit une mosquée, et les Allemands en ont profité pour en savoir plus sur la culture de ces soldats noirs”, a-t-il dit.Il s’exprimait lors d’une conférence de presse dans le cadre d’une exposition intitulée “Echo du passé : à la découverte du patrimoine culturel immatériel” et mettant en lumière des enregistrements audios réalisés par des Africains entre 1910 et 1920 en Allemagne.Le directeur général du musée des Civilisations noires déclare avoir découvert, il y a moins de six mois, que près de 200 enregistrements “authentiques” dans 70 langues ont été “conservés, numérisés” depuis plusieurs années.“Cela fait moins de six mois que l’on a découvert ces enregistrements. C’est une forme de restitution immatérielle. On n’a pas besoin d’aller chercher la cassette, ce qui pose énormément de problème. L’important, c’est le contenu, la substance”, a-t-il déclaré.Hamady Bocoum estime que le patrimoine immatériel a l’avantage d’être transporté, sans toucher les supports qui sont souvent très fragiles et compliqués à conserver. “Par contre, la numérisation et le transfert de la totalité des informations est quelque chose de tout à fait faisable”, a-t-il indiqué, précisant toutefois que ces documents classés depuis longtemps dans des archives n’appartiennent pas seulement au Sénégal.“Ce sont des documents authentiques qui sont datés, classés dans les archives depuis très longtemps. Les documents ne concernent pas seulement le Sénégal, il y a la Gambie, la Guinée, etc. C’étaient les tirailleurs sénégalais qui venaient de toutes les régions d’Afrique”, a déclaré le directeur général du MCM.Il estime que ces enregistrements audios peuvent avoir un intérêt particulier pour le pays, surtout que les communautés peuvent en tirer des enseignements.“Les cultures évoluent, et avoir des éléments de langage d’il y a plus de 100 ans, les comparer aux éléments de langage actuels, donne une dimension diachronique qui permet de voir et de comprendre comment les langages ont pu évoluer”, a-t-il expliqué.Des “khassaïdes”, “bourdes”, contes, anecdotes et autres éléments de langage ont été identifiés à travers ces enregistrements audios remis aux autorités sénégalaises qui vont, à leur tour, identifier les langues dans lesquelles ces enregistrements sont véhiculés, à travers l’interprétation, les radios, les réseaux sociaux.“On va essayer de voir comment, par les recherches, la diffusion, on peut retrouver les communautés. Les chants ont été enregistrés en 1915 […] et on ne connaissait pas leur existence”, a-t-il rappelé.Les spécialistes allemands expliquent que ”les enregistrements ont été réalisés entre 1915 et 1918, dans un camp de 4000 prisonniers musulmans à Wünsdorf, près de Berlin”.Selon eux, il y avait plus de 8000 soldats faits prisonniers dans les rangs de ceux qui combattaient pour la France, et la plupart d’entre eux venaient des colonies françaises. Ce camp faisait partie des 160 camps de prisonniers en Allemagne. Les détenus ont beaucoup souffert de la faim et de maladies.Ils ont dans leur présentation donné l’exemple de deux Sénégalais, dont Abdoulaye Niang, qui faisait partie de ce groupe de soldats faits prisonniers.Des acteurs et spécialistes de la culture ont animé deux panels pour échanger sur le patrimoine culturel immatériel, en présence du professeur Lars-Christian Koch, directeur du Musée d’ethnologie de Berlin et du Musée d’art asiatique, ainsi que de Hartmut Dorgerloh, directeur général du Humboldt Forum, à Berlin.Etaient aussi présents, le docteur Massamba Guèye, fondateur de “Keur Leyti”, Maison de l’oralité et du patrimoine, le professeur de littérature Ibrahima Wane et Fatima Fall, spécialiste en conservation préventive au Centre de recherche et de documentation du Sénégal (CRDS) de l’Université Gaston Berger de Saint Louis.FD/FKS/ASG/BK
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