Foyer des filles de Tambacounda : un espace de maintien durable des filles rurales à l’école
Foyer des filles de Tambacounda : un espace de maintien durable des filles rurales à l’école

SENEGAL-EDUCATION-GENRE

Tambacounda, 7 mars (APS) – Le foyer des jeunes filles de Tambacounda, niché au cœur de la principale métropole de l’est du Sénégal, fait office d’un véritable refuge pour des écolières venant des communes rurales de cette région du Sénégal oriental.

Financé à hauteur de 99% par l’Organisation non gouvernementale (ONG) américaine “Le Korsa”, ce foyer accueille au total 147 collégiennes et lycéennes.

Ce financement est destiné à assurer le maintien durable des filles issues du monde rural en milieu scolaire. Son intérêt réside en particulier dans le fait qu’il permet de minorer la contribution des parents d’élèves à l’éducation de leurs enfants, pour laquelle ils ne déboursent que 5.000 francs CFA par mois et par élève.

A Tambacounda, le foyer constitue un véritable levier de réussite scolaire en faveur de ses pensionnaires, issues de localités ne disposant ni de collèges ou de lycées.

L’objectif premier de cet établissement est d’assurer l’éducation des filles du monde rural, très souvent confrontées à de nombreuses difficultés liées, entre autres, à l’éloignement des établissements scolaires du moyen et du secondaire de leur lieu d’habitation.

N’ayant pas pour la plupart de familles d’accueil dans la ville de Tambacounda, elles sont hébergées par le foyer.

D’une superficie de deux hectares, le foyer des jeunes filles de Tambacounda est implanté dans le quartier Liberté, sur la route menant vers l’université du Sénégal oriental en chantier.

Entièrement ceinturé par un mur de clôture, le centre accueille 147 jeunes filles. Il est constitué de logements sociaux, d’un espace pédagogique et d’espaces verts. Il se singularise par sa belle harmonie.

Dès qu’il franchit le lourd portail noir du foyer, le visiteur est accueilli par un décor de feuillages d’arbres et des aménagements paysagers.

Un budget de fonctionnement de 180 millions 

Maimouna Ka Sow dirige depuis 2015 le foyer des jeunes filles de Tambacounda. De teint clair et de taille moyenne, elle voue un amour allié de tendresse aux pensionnaires du foyer.

Maimouna Ka Sow se bat au quotidien pour l’autonomisation des femmes. Elle se donne aussi à fond pour faire de ses protégées des leaders de demain dans la région Tambacounda en particulier et au Sénégal et dans le monde, en général.

‘’Le foyer des jeunes files de Tambacounda est un centre d’hébergement des filles rurales qui sont des élèves dans les lycées et collèges. Elles sont sélectionnées à partir d’un dossier de candidatures. C’est le parent qui fait la demande et après, on fait la sélection en fonction des critères établis, parmi lesquels l’absence ou l’éloignement des collèges et lycées du lieu de résidence de l’élève’’, explique-t-elle.

‘’Ces filles venaient à Tambacounda et n’avaient pas de logement convenable. Elles finissaient par abandonner l’école pour devenir des femmes de ménage ou des femmes au foyer. Avec ce centre, nous essayons d’être des mamans pour elles et les parents l’ont compris. Ils apprécient et sont rassurés du comportement de leurs filles’’, affirme-t-elle.

Selon le directeur des programmes, Moussa Sène, l’ONG américaine investit au minimum 150 millions de francs CFA par an pour le fonctionnement de l’établissement. ‘’Si on prend en compte les rénovations de cette année, nous sommes à 180 millions de francs CFA”, précise-t-il.

Le projet du foyer des jeunes rurales de Tambacounda a été mis en place par l’ONG ‘’Kinkeliba’’ depuis 2008. Sa gestion est assurée depuis 2019 par l’ONG ‘’le Korsa’’.

Un taux de réussite de 95% au bac et de 100% au BFEM

‘’Nous ne voulons pas faire de ce centre un dortoir. Le foyer n’est pas un dortoir, c’est un centre qui offre plusieurs activités pédagogiques’’, tient à préciser sa directrice.

Elle assure que ‘’les pensionnaires disposent d’un logement bien équipé, d’une bibliothèque bien fournie, avec un accompagnement pédagogique’’. Elles bénéficient aussi de cours de renforcement ‘’organisés en partenariat avec l’académie de Tambacounda’’ et disposent d’une infirmerie en relation avec la direction régionale de la santé.

‘’Il nous arrive d’accueillir des filles pour deux cycles, c’est-à-dire de la sixième à la terminale. On fonctionne comme une école, on s’aligne à la politique scolaire de l’Etat du Sénégal. Pendant les vacances, le foyer est fermé. Pendant l’année scolaire, les filles retrouvent le foyer où elles sont logées et nourries avec une prise en charge médicale et tout ce qu’il faut pour les accompagner sur le plan pédagogique’’, explique-t-elle.

Dans ce foyer, les filles consacrent la majeure partie de leur temps aux études, mais pratiquent aussi des activités récréatives, avec des cours sur l’art et le sport.

‘’Il y a des activités comme des cours d’art, de sport. Nous faisons aussi des activités de développement personnel, en partenariat avec le ministère de la Famille, et des formations en leadership. Les filles ont un club. Elles interviennent dans la gestion du foyer. Elles nous disent ce qu’elles pensent et nous les écoutons’’, indique Maimouna Ka Sow.

Il reste que si ‘’la scolarisation des filles est acquise’’, ‘’leur maintien reste un grand défi’’, fait-elle remarquer. Selon elle, ‘’c’est à ce niveau que le foyer joue un rôle important”.

Elle salue les derniers résultats obtenus par les filles du foyer au baccalauréat et au BFEM. Des performances qui s’expliquent, selon elle, par la rigueur dans l’encadrement et la discipline des élèves.

‘’Nous avons une surveillante qui se charge du volet pédagogique et qui assure le lien entre le foyer et l’école. Elle se charge aussi du suivi des cours de renforcement qui se font avec l’appui de l’académie de Tambacounda. Nous mobilisons plus de 15 professeurs de 16 heures à 19 heures pour encadrer les filles. Et de 20 heures 30 à 22 heures, elles suivent des cours du soir”, renseigne Mme Sow.

‘’Les autorités académiques de la région de Tambacounda doivent être fières du foyer’’, soutient-elle, relevant que l’année dernière, sur 20 candidates, 19 ont décroché le baccalauréat. Elle révèle pour le BFEM, qu’un taux de réussite de 100% a été enregistré.

Un engagement pour la réussite universitaire des pensionnaires

Après l’obtention du baccalauréat, l’ONG “le Korsa” accompagne toujours les pensionnaires du foyer en vue de les aider à réussir leur cursus universitaire.

Ainsi, elle a mis à leur disposition un appartement qu’elle a loué à Ouakam, un quartier de la ville de Dakar, avec un budget de fonctionnement de plus de 22 millions de francs Cfa.

‘’Le Korsa a loué un appartement à Dakar pour elles. Actuellement, nous avons des filles qui sont en master 2 à Dakar. Donc, on se positionne pour les diplômes universitaires, c’est-à-dire le maintien durable des filles rurales dans le milieu scolaire et universitaire’’, soutient la directrice du foyer.

‘’A Dakar, on a 20 filles qui sont logées dans nos appartements et qui bénéficient d’une bourse d’au moins 40.000 francs CFA’’, confie Moussa Sène, le directeur des programmes de l’ONG “Le Korsa”.

D’après lui, ‘’si on fait le calcul, on [est] à 13 millions de francs CFA, en plus des 9 millions de francs CFA pour la location de l’immeuble, ce qui fait un montant de 22 millions de francs CFA au minimum pour la prise en charge des filles qui sont à Dakar”.

Dans ce foyer, la majeure partie du personnel est constituée d’anciennes pensionnaires. Elles sont responsables du volet hébergement et s’occupent du cadre de vie et de tout ce qui est bien-être des filles. C’est le cas de Fatouma Signiane, une ancienne du foyer, qui travaille en tant que surveillante depuis quatre ans.

Le rôle de l’association des parents d’élèves du foyer

‘’Ce foyer suscite une grande satisfaction, les filles étudient très bien. A titre personnel, il a largement contribué dans mes études. Il est en train de contribuer aujourd’hui à la réduction de la déperdition scolaire chez les jeunes filles rurales”, vante Fatoumata Signane.

Sur la feuille de route du centre, les parents d’élèves jouent aussi un rôle important à travers l’association qu’ils ont mise en place. Depuis l’ouverture de ce foyer, ils adhèrent fortement à la scolarisation des filles.

“Les filles ont compris l’importance de l’éducation, elles aiment les études. Il arrivait qu’une élève m’appelle pendant les vacances pour m’expliquer que ses parents voulaient la donner en mariage. C’est moi qui appellait pour résoudre le problème et permettre à la fille de continuer ses études. Maintenant, heureusement que les parents ont compris, on a zéro abandon pour zéro mariage précoce”, se réjouit Maimouna Ka Sow.

Elève en Terminale L2 au lycée Mame Cheikh Mbaye de Tambacounda, Mariama Diallo vient de fêter ses 18 ans. Elle fait partie des 147 pensionnaires du foyer des filles de Tambacounda.

A travers son regard juvénile transparait une folle envie de poursuivre ses études et de réaliser son rêve de devenir une avocate.

Pensionnaire du centre depuis 2022, cette fille de teint clair est originaire de Koulor, un village sans lycée situé dans la commune de Kothiary (département de Goudiry).

Devenir avocate ou médecin

‘’Ce foyer nous offre un bon cadre pour poursuivre nos études. Nous travaillons sans aucun problème. Personne ne nous dérange. Nous sommes concentrées à 100% sur les études. Nous sommes dans de très bonnes conditions. Nous sommes bien nourries et nous bénéficions d’une bonne prise en charge médicale”, assure la jeune lycéenne.

‘’Nous sommes excellentes ici. Tout est différent, car quand on loge par exemple dans certaines familles, on est obligé de faire des travaux domestiques, alors qu’ici nous nous concentrons uniquement sur les études. Ce foyer nous permet de continuer nos études, d’éviter d’être données très tôt en mariage”, se réjouit Mariama Diallo.

Originaire de la région de Kédougou (sud-est), Khadija Ndao a eu la chance d’avoir fréquenté le foyer. Âgée de 17 ans, cette élève en classe de seconde L au lycée Mame Cheikh Mbaye respire de bonheur d’être accueillie dans cet espace social et pédagogique.

‘’Ce foyer est un bon cadre pour nous. En tant que passionnée de littérature, j’ai ici le temps de beaucoup lire. Je veux devenir une activiste qui lutte pour la paix dans le monde’’, lance-t-elle.

Adama Bassoum, née à Mboguel Bamba, village situé dans la commune de Goudiry, vit depuis cinq ans dans ce foyer. Elle l’a intégré alors qu’elle était en classe de sixième. Actuellement âgée de 16 ans, elle est en seconde L au lycée Mame Cheikh Mbaye de Tambacounda.

Plaidoyer pour le renforcement des moyens financiers du foyer

‘’Je suis arrivée dans ce foyer dès la classe de sixième. Aujourd’hui, je suis en classe de seconde. J’apprécie bien ce foyer, il y a la solidarité, la tolérance. Je le considère comme ma seconde famille, on nous traite bien. Nous disposons ici d’une bibliothèque où il y a beaucoup de livres et de documents nécessaires aux performances des jeunes élèves. A titre personnel, j’ai eu une moyenne de 13 l’année dernière”, se réjouit-elle.

‘’Quand nous sommes dans ce foyer, les parents ne sont pas inquiets pour nous. Je veux devenir une avocate pour défendre des causes nobles, comme la lutte contre les violences faites aux femmes, mais également la lutte contre les mariages précoces’’, poursuit-elle.

Khadija Ba, élève en classe de seconde S au lycée Mame Cheikh Mbaye, est une pensionnaire du foyer des jeunes filles de Tambacounda, originaire d’un village de l’arrondissement de Kidira. Elle rêve de devenir médecin spécialiste.

‘’Les responsables du foyer font tout pour que nous soyons dans de bonnes conditions pour réussir. Je rêve de devenir médecin, parce que je vois que notre pays a besoin surtout de médecins spécialistes ’’, affirme la jeune lycéenne.

La directrice Maimouna Ka Sow salue la reconnaissance des autorités administratives de la région de Tambacounda, à travers l’intégration du foyer dans la commission départementale de la protection de l’enfance.

Elle n’en plaide pas moins pour un soutien financier de l’Etat du Sénégal afin d’améliorer la prise en charge des jeunes filles.

‘’Nous remercions les autorités administratives et locales de Tambacounda, parce que le foyer fait partie de la commission départementale de la protection de l’enfance et ça, c’est une reconnaissance’’, lance-t-elle.

Elle insiste sur la nécessité d’un appui de l’Etat. ‘’Quand on prend le volet restauration, il faut beaucoup de moyens financiers pour prendre en charge 147 filles toute une année. A ce titre, je pense qu’on mérite d’avoir le soutien de l’Etat’’, déclare-t-elle.

 

Le préfet promet un soutien durable de l’Etat 

‘’On a l’accompagnement technique de l’Etat, mais on n’a pas son soutien financier, et c’est un plaidoyer que nous lançons aux autorités pour faire de l’éducation des filles une réalité au Sénégal’’, lance Mme Sow.

Elle signale que le foyer a ‘’atteint’’ sa capacité d’accueil, qui ‘’est de 144 jeunes filles’’. ‘’On a un autre foyer destiné aux garçons, qui avait pris feu et qui n’est toujours pas rénové’’, ajoute-t-elle.

Le préfet de Tambacounda, Alioune Badara Mbengue, en visite de travail au foyer des jeunes filles, a magnifié cette initiative de l’ONG “Le Korsa.

Aussi, a-t-il invité les pensionnaires à saisir cette opportunité pour persévérer davantage dans les études, tout en promettant un soutien de l’Etat.

‘’Ses pensionnaires deviennent finalement des privilégiés, parce que la plupart des filles qui sont dans les familles à Tambacounda ne bénéficient certainement pas des mêmes avantages sociaux et de ce cadre pédagogique. Vous êtes des privilégiées, il faut en profiter ! Comment en profiter ? C’est d’avoir une conduite irréprochable et de bien travailler pour réussir”, lance le préfet aux pensionnaires du foyer.

“En tant qu’autorité administrative, nous ne manquerons pas de voir comment appuyer institutionnellement le foyer, pour augmenter l’espace et améliorer le confort. Je pense qu’on doit réfléchir aux voies et moyens pour rendre le centre autonome, et cela passe par le soutien de tout le monde”, préconise Alioune Badara Mbengue.

En attendant ce soutien de l’Etat du Sénégal, Maimouna Ka Sow et son équipe restent optimistes et croient à leur rêve de faire des 147 pensionnaires du foyer, des leaders instruites à même de relever, dans le futur, les défis économiques, sociaux et environnementaux de la région de Tambacounda et du Sénégal.

ABD/HB/ASG/ABB/ASB

Stay Updated!

Subscribe to get the latest blog posts, news, and updates delivered straight to your inbox.

By pressing the Sign up button, you confirm that you have read and are agreeing to our Privacy Policy and Terms of Use