SENEGAL-POLITIQUE-RETRO
Dakar, 29 déc (APS) – Le lancement, le 28 mai 2025, du Dialogue national consacré essentiellement à la réforme du système politique et au renforcement de la gouvernance démocratique, constitue l’un des évènements majeurs de l’actualité politique nationale au cours de cette année.
Des représentants des partis politiques aux autorités religieuses et coutumières, en passant par les syndicats, la société civile et le secteur privé, différents segments de la société ont pris part à ces concertations dont la cérémonie officielle d’ouverte a été présidée par le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye.
L’initiative a toutefois été boycottée par quelques formations politiques de l’opposition, dont l’Alliance pour la République (APR) de l’ancien président Macky Sall et la République des Valeurs (RV), dirigée par Thierno Alassane Sall, candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2024.
Le président Bassirou Diomaye Faye avait indiqué, dans son allocution, que ces concertations devaient permettre aux participants de repenser les institutions en se basant sur les principes fondamentaux de la gouvernance démocratique, le respect des libertés individuelles et collectives ainsi que les réformes institutionnelles et législatives.
Il a évoqué les violences politiques ayant marqué le Sénégal entre 2021 et 2024 pour convaincre du bien-fondé d’instaurer le dialogue entre les différentes parties prenantes de la vie politique.
Des convergences sur de nombreux points
Après une semaine d’intenses travaux, les participants sont parvenus à quelques consensus pour un système de gouvernance démocratique plus transparent, d’après le rapport du Dialogue national remis le 14 juillet au président Bassirou Diomaye Faye par le facilitateur général, Cheikh Guèye.

Parmi les points d’accord figure la fin du cumul des fonctions. Ce qui devrait se traduire par l’interdiction d’occuper désormais les fonctions de chef de l’État et de chef de parti en même temps, ou encore celles de membre du gouvernement et de chef d’exécutif territorial.
Il y a aussi un point de consensus relatif à la rationalisation du paysage politique, les acteurs s’étant accordés sur la nécessité de modifier la loi sur les partis politiques, d’encadrer leur financement, d’améliorer le fonctionnement et le contrôle des campagnes électorales.
S’y ajoutent l’adoption progressive du bulletin unique et l’expérimentation du vote électronique. De même, le vote des détenus et des agents en mission (forces de sécurité, magistrats, journalistes) a fait l’objet de consensus.
Le rapport mentionne également, au nombre des points de consensus enregistrés, l’unification des règles régissant l’organisation des partis et coalitions politiques en vue de clarifier le cadre actuel jugé morcelé.
Dans le souci de moderniser et de sécuriser le vote et le processus électoral, les différentes parties prenantes au dialogue se sont entendues sur la question de l’inscription automatique des primo-électeurs, ainsi que de l’institutionnalisation des débats programmatiques.
Le maintien du parrainage, mais avec une réforme de son contrôle et une démarche de dématérialisation pour plus de transparence, fait partie des points consensuels, tout comme l’audit du fichier électoral et l’harmonisation de la loi sur la parité.

Concernant les réformes institutionnelles, le rapport révèle qu’un large consensus a été trouvé autour de la création d’une Cour constitutionnelle aux compétences élargies, accessible et représentative, en lieu et place du Conseil constitutionnel.
Les parties prenantes au Dialogue politique ont également approuvé la création d’un nouvel organe de régulation des médias, garantissant à la fois la liberté d’expression et une meilleure régulation.
Quelques divergences subsistent
Malgré les nombreux points de convergence obtenus à l’issue de ces concertations, quelques divergences persistent encore.
Ils concernent, dans le domaine de la démocratie et les libertés, la question du statut de chef de l’opposition, un point mis en avant par la société civile, mais catégoriquement rejeté par la majorité.
Le rapport révèle par ailleurs que l’opposition et la majorité ne sont pas parvenues à s’entendre sur le point relatif à la déchéance électorale.
La première souhaite qu’elle soit exclusivement prononcée par un juge, tandis que la seconde plaide pour le maintien du système actuel à double régime (automatique et judiciaire).
La saisine citoyenne du Conseil constitutionnel constitue l’un des désaccords entre la société civile et la majorité, qui la juge “urgente”, les plénipotentiaires du parti au pouvoir la considérant “prématurée”.
Sur la réforme du cadre juridique des libertés publiques, renseigne le rapport, l’opposition et la société civile réclament la suppression de l’article 80 du Code pénal et une refonte de la loi sur les réunions publiques, là où la majorité acte le statu quo.
De même, la majorité reste favorable à l’interdiction de la publication des sondages, tandis que la société civile plaide pour une régulation “encadrée”.
Le document évoque un seul point de désaccord entre l’opposition et la majorité à propos du processus électoral.
Il s’agit du mode de scrutin aux élections législatives et locales. Il souligne que la majorité veut conserver le système en place pour préserver la stabilité, tandis que l’opposition propose des réformes incluant un scrutin majoritaire à deux tours.
Les recommandations issues du Dialogue confiées à un Comité de rédaction
Une semaine après réception du rapport général du Dialogue national sur le système politique, le président Bassirou Diomaye Faye a mis en place un Comité de rédaction des textes relatifs aux recommandations issues des travaux.

Le chef de l’Etat indique, dans l’arrêté n° 025556 du 21 juillet 2025, que ledit comité va “réfléchir sur les différentes recommandations nécessitant la rédaction de textes, faire le choix sur la nature (législative ou réglementaire) du texte correspondant à chaque recommandation et rédiger les avant-projets de textes relatifs aux recommandations”.
Le Comité, composé de dix membres, est coordonné par le directeur général des élections, Biram Sène. Il a pour rapporteur le directeur de la Formation et de la Communication à la Direction générale des élections (DGE), Ibrahima Baldé.
Huit autres personnalités y siègent : le professeur Sidy Alpha Ndiaye, ministre conseiller du président de la République, les magistrats Souleymane Téliko et Madieyna Bakhoum Diallo, la juriste Thiaba Camara Sy (présidente de la Commission démocratie, libertés et droits humains), le commissaire Abdou Aziz Sarr (directeur des Opérations électorales à la DGE).
Il y a aussi Abdou Ba (directeur des Libertés publiques et de la Législation à la Direction générale de l’Administration territoriale), Cheikh Guèye (facilitateur du Dialogue national sur le système politique), Mamadou Seck (expert électoral et consultant en gouvernance, développement, paix et sécurité).
Les missions de Biram Sène et son équipe consisteront à organiser des réunions de validation en interne, tenir des sessions élargies de validation des avant-projets de textes, préparer les exposés de motifs et rapports de présentation et accompagner, au besoin, les ministères concernés par le portage des projets de textes aux différentes étapes du processus d’adoption, d’après l’arrêté du chef de l’Etat.
Le coordinateur du Comité de rédaction, Biram Sène, va transmettre au président de la République, à la fin de la mission, le rapport général annexé au procès-verbal des travaux.

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