SENEGAL-FINANCES-ANALYSE
Dakar, 4 mars (APS) – Les autorités sénégalaises, en raison des “anomalies” relevées par la Cour des comptes dans les finances publiques et des conséquences qui en découlent, doivent rassurer les partenaires du pays en recourant à une “diplomatie économique et financière”, destinée à redorer le blason du pays, a dit à l’APS l’économiste et enseignant-chercheur Seydina Oumar Sèye.
“Il faut développer la diplomatie économique pour rassurer les partenaires techniques et financiers. C’est clair qu’à un moment donné il va falloir […] rassurer les partenaires techniques et financiers à l’aide d’une diplomatie économique et financière”, a-t-il affirmé.
“C’est à cela que s’est attelé le président de la République lors de la récente visite de responsables de la Banque mondiale en tentant de les rassurer”, a ajouté M. Sèye dans un entretien avec l’APS.
Mettre le curseur sur les questions de coopération économie et financière, à la suite des difficultés soulevées par les autorités, revient à “dire aux partenaires que nous sommes en mesure de dépasser les turbulences dans lesquelles nous sommes aujourd’hui”, a expliqué M. Sèye.
“Il s’agit de les assurer que nous essayons […] de retourner à l’orthodoxie budgétaire, ce qui est possible”, a-t-il poursuivi.
— “Je demeure optimiste” —
Un rapport d’audit publié mercredi 12 février montre que le montant de la dette publique entre 2019 et 2023 est largement supérieur à celui indiqué par les ex-dirigeants du pays.
“L’encours total de la dette de l’administration centrale budgétaire s’élève à 18.558,91 milliards de francs CFA au 31 décembre 2023 et représente 99,67 % du PIB”, a révélé cette institution chargée du contrôle des finances publiques.
La Cour des comptes a également signalé “des pratiques impactant la trésorerie de l’État”.
Selon les auteurs de l’audit, le déficit public du pays entre 2019 et 2023 a atteint une moyenne de 11 % du BPI, tandis que l’administration des finances a donné un taux beaucoup moins élevé.
À la suite de la publication du rapport d’audit de la Cour des comptes, les agences de notation Moody’s et Standard & Poor’s ont baissé la note financière du Sénégal.
Ces mesures sont considérées comme une conséquence directe des “anomalies” relevées par la Cour des comptes.
“Je demeure optimiste” parce que, au-delà du Sénégal, “l’Afrique [en général] est tout simplement une terre promise” en matière d’investissement, rassure Seydina Oumar Sèye.
“Quelle que soit la notation d’un pays, quelles que soient les turbulences auxquelles nos économies sont confrontées, l’Afrique demeure une zone de sécurité en termes d’investissement”, a-t-il répondu à la question de savoir si les “anomalies” relevées dans les finances publiques peuvent ou pas impacter les investissements au Sénégal.
— Un “exercice de transparence” —
En plus, “nous sommes devenus un pays producteur de pétrole et de gaz […] Si on arrive, avec les partenaires techniques et financiers, à déployer des stratégies nous permettant de traverser les zones de turbulence, ce sera possible de dépasser cette situation, sans pour autant verser dans l’austérité”, a expliqué M. Sèye.
“Il est possible de tout réparer avec une diplomatie économique et financière […] Quand cela est arrivé à d’autres pays, ce qu’ils ont fait, c’est de développer des stratégies de rattrapage”, a-t-il expliqué.
Seydina Oumar Sèye pense que les enquêtes judiciaires annoncées par les autorités sénégalaises peuvent aider à rassurer les partenaires financiers du pays. “Oui, c’est un exercice de transparence […] Ces poursuites judiciaires montrent simplement que les nouvelles autorités du pays tiennent à la transparence. C’est évident : lorsqu’il y a des mauvaises pratiques, il faut en situer les responsabilités”, a-t-il dit.
Concernant la baisse de la note du Sénégal chez Moody’s et Standard & Poor’s, M. Sèye rappelle que d’autres pays ont été faiblement notés par ces mêmes agences, mais “ils ont réussi à s’en sortir”.
“La méthodologie et les indicateurs utilisés par ces agences de notation sont un peu biaisés par rapport aux réalités économique de nos pays”, a-t-il signalé, laissant entendre que la création d’une agence de notation financière africaine est une urgence.
“Nous devons procéder à une réévaluation des risques de chaque pays, dans une perspective africaine”, a ajouté M. Sèye.
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